Édition du 9 avril 2024

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Afrique

Burkina Faso : l’urgence de l’alternative politique

Après l’insurrection populaire qui a eu raison de 27 ans de pouvoir de Blaise Compaoré, le pays entre dans une phase de transition dont l’unanimité affichée a du mal à cacher des intérêts divergents.

Pour éviter la vacance du pouvoir, la colonne vertébrale de l’ancien régime, le RSP (Régiment de la sécurité présidentielle) a pris le pouvoir en maintenant une concertation avec les partis d’opposition et le mouvement de la société civile. Cela a permis de faire apparaître un consensus entre toutes les forces vives de la nation. Pourtant, les enjeux et les buts des uns et des autres sont bien différents.

Les militaires veulent une transition où rien ne change. À cet effet, ils ont occupé les ministères régaliens et ont choisi, parmi les candidats à la présidence de la transition, Michel Kafando, haut cadre du régime précédent, au détriment des autres candidats qui ont pris part à la lutte contre Compaoré.

L’idée est de mener une transition d’une année, débouchant sur des élections où les deux dirigeants des partis, récemment encore avec l’ancien pouvoir, sont considérés comme favoris. En effet, Rock Marc Christian Kaboré a quitté il y a seulement un an le clan Compaoré et Zéphirin Diabré est l’ancien monsieur Afrique d’Areva.

La mobilisation des populations continue

Le mouvement populaire, conduit essentiellement par la société civile, notamment le « Balai citoyen », maintient une pression forte sur le gouvernement de transition qui a dû ouvrir des enquêtes contre des dirigeants corrompus de l’administration… et se débarrasser de son ministre de la Culture. En effet, une journée après sa nomination, sous la pression de la rue, celui-ci démissionnait à cause de son passé d’ancien procureur dans l’affaire Zongo, ce journaliste assassiné pour avoir dénoncé l’implication du frère de Compaoré dans le meurtre de son chauffeur.

Quant aux forces progressistes, si elles se renforcent, elles restent faibles. Les Sankaristes se sont enfermés dans une politique électoraliste pendant des années. Le Parti communiste s’obstine à rester dans une clandestinité désuète qui l’empêche d’avoir une politique de construction ouverte et massive.

Le problème majeur est le refus de la société civile militante, notamment le « Balai citoyen », d’entrer dans le jeu politique et laisse ainsi de fait le pouvoir aux militaires et aux anciens alliés de Compaoré. Le maintien de la mobilisation des populations et l’ancrage du « Balai citoyen », dans les quartiers et les villages, restent des atouts pour faire évoluer positivement la transition, y compris en répondant aux problèmes sociaux les plus criants.

Résonances sur le continent

L’insurrection au Burkina Faso fut un coup de tonnerre dans le ciel serein des dictatures africaines. Effet collatéral notoire, le béninois Yayi Bonni vient d’abandonner ses velléités de se représenter pour un troisième mandat. Au Togo, on voit des mobilisations dans la rue et à l’Assemblée nationale pour empêcher Faure Gnassimbé de s’éterniser au pouvoir. Au Gabon également se dessine une mobilisation contre Ali Bongo. Au Tchad, la société civile est revigorée et un collectif appelé « Trop c’est trop » symbolise bien l’exaspération des Tchadiens contre la dictature de Déby… qui vient une nouvelle fois de recevoir le soutien de Valls !

À la suite du printemps arabe, le Burkina Faso a montré que les mobilisations populaires, quand elles sont massives, peuvent avoir raison de toutes les dictatures. Cet exemple grandeur nature continue à cheminer dans les consciences du continent…

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