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COP 26

COP26 et communication patronale : Bezos fait l’aumône de 2 milliards « pour la planète »

A la Cop 26 de Glasgow, Jeff Bezos a annoncé faire un don de deux milliards d’euros pour la planète. Derrière les appels à sauver la planète, cette année encore, il semblerait que le Sommet de la Terre servira surtout de caution verte pour les grands pollueurs et le patronat. Une fois de plus.

4 novembre 2021 | tiré du site de Révolution permanente

Les Cop : une longue histoire d’amour avec le patronat

Dans la désormais longue histoire des Conférences des Nations Unies sur le Climat, la relation des « sauveurs de la planète » avec le patronat et les plus grandes entreprises pollueuses de la planète est très rapidement devenue intime. La signature en 1992 de l’article 3, paragraphe 5 de la convention du sommet de la Terre de Rio en précisera les termes :« il convient d’éviter que les mesures prises pour lutter contre les changements climatiques, y compris les mesures unilatérales, constituent un moyen d’imposer des discriminations arbitraires ou injustifiables sur le plan du commerce international, ou des entraves déguisées à ce commerce ».

Historiquement, le patronat a souvent joué un rôle de premier ordre dans ces sommets pour l’environnement. Dernier exemple en date, la cop de 2019 à Madrid était parrainée par Endesa et Iberdrola, deux poids lourds de l’oligopole énergétique et surtout les première et huitième entreprises les plus polluantes d’Espagne. Plus loin dans le temps, on se souvient qu’une fuite révélaqu’entre 1989 et 2002 de grandes compagnies pétrolières américaines, pas réputées pour leur vertus environnementales, seraient allées jusqu’à participer à la rédaction finale des accords. On pourrait encore citer l’ingérence de l’entreprise Shell, parmi les dix plus polluantes au monde, dans l’écriture des accords de Paris, bref, les grandes entreprises ont toujours eu leur mot à dire pour préserver leurs intérêts lors des différentes COP.

Cette année, si la logique est un peu différente, ne déroge pas à la règle. Les Cop de la fin du XXème siècle voyaient surtout les grandes industries pétrolières ou chimiques participer secrètement aux discussions sur le climat afin d’éviter toute décision écologique qui pourrait entraver leurs profits. La COP 26 s’inscrit elle dans une démarche différente, dans la droite lignée d’une communication qui a évolué depuis les désormais célèbres accords de Paris alors qu’EDF, Renault, Air France, BNP Paribas, Michelin, Suez et d’autres se présentaient officiellement en « amis du Climat », les grandes entreprises y sont présentes en nombre, en grande pompe, et tentent désormais de s’afficher comme les plus vertes possibles.

Cette cop 26 est en tout cas révélatrice d’une nouvelle réalité pour le grand patronat. En effet, face à la réalité du réchauffement climatique et les enjeux politiques qu’elle ouvre dans les pays les plus riches, notamment après un été où le dernier rapport du GIEC et les nombreuses catastrophes environnementales auront fait grand bruit, la COP 26 est le lieu parfait pour se présenter en bon samaritain écolo et responsable. Bref le fusil a changé d’épaule pour gagner de l’argent, Total en pleine COP met désormais en avant dans sa communication sur Twitter ses énergies vertes après avoir menti pendant 30 ans sur les conséquences de son action sur le réchauffement climatique.

Jeff Bezos offre deux milliards pour sauver la planète : un sommet qui sert le greenwashing des grandes entreprises

Un cas particulièrement symptomatique, également le plus médiatique, vient révéler pleinement que les COP sont devenus le lieu d’un Greenwashing outrancier. C’est celui de Bezos, multimilliardaire et patron d’Amazon, arrivé cette année en jet privé à la COP 26, on aura vu mieux comme transport écolo, et qui a annoncé faire un don de 2 milliards pour sauver la planète avec sa fondation Bezos Earth Fund, pour lutter contre contre le réchauffement climatique.

Sur le twitter du milliardaire, là encore, le contenu partagé est depuis quelques jours exclusivement relié à la COP de Glasgow. On y voit par exemple, le milliardaire serrer la main du Prince William et s’auto-dédicacer en affirmant sa fierté « d’être un des fondateurs du prix Earthshot » qui vient récompenser les initiatives au service de la planète, ou encore un thread de l’homme le plus riche du monde en compagnie de dirigeants de pays du monde entier bras dessus bras dessous pour « sauver la planète ».

Sur le papier la communication est réussie et on a presque envie d’y croire, pourtant le bât blesse à la lecture d’un rapport écrit conjointement par Attac, Les Amis de La Terre et L’union syndicales Solidaires [ https://www.lepoint.fr/societe/attac-les-amis-de-la-terre-et-solidaires-denoncent-l-impact-environnemental-d-amazon-24-11-2019-2349252_23.php] qui révèle qu’Amazon est l’une des entreprises les plus polluantes du monde et qu’elle aurait généré plus de « 55,8 millions de tonnes de gaz à effet de serre » en 2018- plus que le Portugal par exemple- ou encore qu’elle détruirait plus de 3,5 millions d’invendus par an. Ajoutons que ce même rapport mettait la focale sur les déplorables conditions de travail des salariés d’Amazon et la sur majorité de contrats particulièrement précaires au sein de l’entreprise.

Si Bezos met en scène lors de cette COP26 sa profonde conviction écologique cela n’a pas toujours été le cas et comble du ridicule, c’est après un voyage dans l’espace que le milliardaire aurait acquis une conscience écologique « face à la fragilité de la terre ». Une autre hypothèse plus crédible serait de dire que Bezos face à l’ampleur de la critique suscitée par son caprice de riche dans l’espace aurait tout fait pour se racheter une apparence plus verte. En effet ces voyages qui coûtent plusieurs centaines de millions d’euros sont particulièrement polluants, ils représentent par passager 4,5 tonnes de CO2, soit « deux fois l’émission individuelle permettant, selon le GIEC de respecter l’objectif du +2 degré de l’accord de Paris » selon un scientifique interviewé par France-Inter.

Derrière le greenwashing, le patronat réclame des cadeaux pour faire toujours plus de bénéfices

Dès lors la présence de Bezos et plus largement de 91 patrons de grandes entreprises parmi lesquelles non exhaustivement Alliance, Ikea, Pepsi, Banco, Santander, H§M) n’est aucunement un signe positif pour la planète, ces entreprises sont présentes avant tout pour se reverdir comme mais aussi surtout pour assurer la bonne santé de leurs affaires.

Et sans surprise, le « discours vert » de ces entreprises, fait toujours émerger en arrière-plan, la nécessité d’incitations fiscales pour assurer la rentabilité des énergies renouvelables. En ce sens, il est intéressant de regarder les propositions et revendications de ce que le patronat aura appelé « Alliance of CEO » -en français « Alliance des PDG leaders du climat »- et dont le but officiel est de « travailler avec les gouvernements pour accélérer la course vers la neutralité carbone ». Pour atteindre cet objectif, cette alliance de patrons fédérée par le Forum économique mondial connu sous le nom de Forum de Davos, qui rassemble aussi bien les patrons de fabricants de produits de grande consommation (dont Unilever, Nestlé, PepsiCo et H&M), de groupes pharmaceutiques (dont Bayer, Novartis, et Takeda), de cabinets de conseils (dont Accenture, Bain & Company, Capgemini, EY et KPMG) ou encore des patrons de banques et compagnies d’assurances (dont Allianz, Banco Santander, HSBC et Zurich Insurance), pose plusieurs revendications. Comme le révèle le site internet Connaissance des Energies cette alliance réclamerait durant la COP 26 plusieurs mesures à son avantage parmi lesquelles la réduction des droits de douane sur les produits favorables au climat, ou encore le soutien financier des gouvernements aux nouvelles technologies.

Là encore, le grand patronat montre que pour lui l’écologie se résume à une nouvelle marchandise et à un moyen de s’enrichir toujours plus. De plus en réduisant la question écologique comme il le fait à la question énergétique, aux émissions de gaz ou aux technologies plus écologique, il se garde bien d’évoquer le fort impact social et environnemental de l’exploitation minière nécessaire pour obtenir les matériaux utilisés dans l’infrastructure des énergies renouvelables, ainsi que de rappeler sa responsabilité dans le réchauffement climatique. En 2017 le Carbon Disclosure Project révélait que 100 entreprises étaient responsables de 71% des émissions à effet de gaz à effet de serre depuis 1988, un exemple parmi de nombreux autres qui montre la responsabilité du grand patronat dans le réchauffement climatique.

La COP de Glasgow, une nouvelle farce écologique : l’urgence est à l’action pour sauver la planète

Alors que la situation écologique nécessite une réaction urgente, ce n’est pas la COP26 de Glasgow qui viendra sauver la planète, ni les effets d’annonce verts des grandes entreprises. Depuis de nombreuses années le patronat fait des promesses dans les COP. Mais la réalité est que 50 % des émissions totales de CO2 qui ont eu lieu depuis le début de l’ère industrielle (en 1750) ont été libérées dans l’atmosphère depuis le programme de Kyotto, pire encore les dix dernières années représentent 10 % de ces émissions. Après le sommet de Paris (2015), les plus fortes augmentations des émissions de CO2 de l’histoire du capitalisme ont été enregistrées.

Les agendas verts promis conjointement par le grand patronat et les gouvernements ne seront appliqués que tant qu’ils n’affectent pas les affaires et les intérêts des grandes entreprises, le commerce mondial et la production capitaliste. Les énergies dites renouvelables, les « solutions basées sur la nature » et tous les autres plans revendiqués lors des sommets pour le climat sont la conséquence de négociations avec le patronat pour obtenir des gouvernements des contreparties financières. Quant à la COP 26 elle est vue par ces grandes entreprises comme le moyen de se reverdir vis-à-vis du grand public et de développer un commerce vert pour toujours générer plus de profits.

Comme l’exprimait Adrien Cornet à l’occasion du meeting de lancement de campagne d’Anasse Kazib : « La COP26 à Glasgow au mois de novembre sera une nouvelle mise en scène des patrons et des états à leur service qui vont collectivement faire semblant de se préoccuper du climat tout en faisant perdurer un système qui détruit cette même planète. Macron, comme la plupart des gouvernements capitalistes et les nombreux partis verts, nous promet une transition écolo main dans la main avec les entreprises. […] Le capitalisme détruit la planète, alors il va falloir détruire le capitalisme »

Le dernier rapport du Giec a montré qu’il était plus urgent que jamais de se battre contre le capitalisme. Alors que les conséquences de la crise climatique vont s’abattre sur les masses laborieuses partout dans le monde, c’est à la cause de cette future catastrophe qu’il faut s’attaquer. Cette perspective nous la porterons de façon centrale dans la campagne Anasse Kazib 2022 aux présidentielles en défendant la nécessité d’une planification rationnelle de l’économie sous contrôle des travailleurs pour résoudre et d’une issue révolutionnaire à la crise climatique.

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