Édition du 26 mars 2024

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Asie/Proche-Orient

SYRIE

Comptons sur la révolution du peuple syrien et non sur une intervention extérieure !

Déclaration commune des organisations marxistes révolutionnaires de la région arabe

Plus de 150.000 morts, des centaines de milliers de blessés et d’invalides et des millions de personnes déplacées à l’intérieur et vers l’extérieur de la Syrie. Des villes, des villages et des quartiers détruits totalement ou partiellement, à l’aide de diverses armes, dont des bombardiers, des missiles Scud, des chars, tous payés avec le prix du sang et de la sueur du peuple syrien. Cela sous le prétexte de défendre la patrie et d’assurer un équilibre militaire avec Israël (dont l’occupation du territoire syrien a été, en réalité, protégée par le régime syrien, qui s’est gardé de répondre à toutes les agressions continuelles)

(Le 29 août 2013 - Tiré d’Inprecor)

Pourtant, malgré ces énormes ravages subis par les Syriens et malgré les catastrophes qui se sont abattues sur eux, aucune institution internationale, aucun grand pays — ni même petit — n’a senti le besoin de leur fournir une solidarité pratique ou de les soutenir dans leur lutte pour leurs droits les plus élémentaires de liberté, de dignité humaine et de justice sociale.

La seule exception, ce furent certains pays du Golfe, comme le Qatar et l’Arabie saoudite. Cependant, leur but était de contrôler la nature du conflit et de lui imprimer une orientation sectaire, déformant la révolution syrienne et essayent de la faire avorter. C’est le reflet de leur profonde crainte d’une propagation de l’étincelle révolutionnaire à leurs États. Ils ont soutenu les groupes obscurantistes takfiri [excommunicateurs] venus, dans leur majorité, des quatre coins du monde pour imposer leur conception abominable du pouvoir fondé sur la charia islamique. Ces groupes commettent de façon répétitive des horribles massacres des citoyens syriens qui sont opposés à leurs agissements répressifs et à leurs agressions dans les zones qu’ils contrôlent ou qu’ils attaquent de temps à autre, à l’image de ce qui s’est passé récemment dans certains villages de la région de Lattaquié.

Une multitude de forces hostiles, à travers le monde, complotent contre la révolution du peuple syrien, qui a fait irruption dans le contexte de plusieurs soulèvements qui touchent une partie importante de la région arabe et du Grand Maghreb. Depuis près de trois ans, les peuples y font valoir leur volonté d’en finir avec une histoire faite d’oppression, d’injustice et d’exploitation pour obtenir le droit à la liberté, à la dignité et à la justice sociale. Ce faisant, ils doivent faire face non seulement aux dictatures tyranniques locales, mais aussi à la plupart des puissances impérialistes, qui cherchent à perpétuer le pillage des richesses de nos peuples, ainsi qu’aux classes et forces réactionnaires dans région concernée et dans les pays voisins.

Quant à la Syrie, la coalition qui mène la bataille contre le peuple révolté, englobe une multitude de forces sectaires réactionnaires. À leur tête, l’État iranien et les milices sectaires irakiennes, mais aussi, fort malheureusement, la force de frappe du Hezbollah qui se noie aujourd’hui dans le bourbier de la défense d’un régime dictatorial foncièrement corrompu et profondément criminel.

Malheureusement aussi une partie importante de la gauche arabe traditionnelle, aux racines staliniennes, que ce soit en Syrie même, au Liban ou en Égypte et dans le reste de la région arabe – et même à l’échelle internationale – a clairement et de façon honteuse pris le parti de cette coalition misérable, accrochée au régime des Al-Assad. La justification c’est que certains veulent voir en lui un régime « opposant » ou même « résistant », malgré sa longue histoire de protecteur de l’occupation sioniste du Golan syrien, sa constante répression sanguinaire de nombreuses forces qui résistent à Israël, tant palestiniennes que libanaises (ou syriennes), et le fait que depuis la guerre d’octobre 1973, il est resté indifférent et soumis aux attaques israéliennes contre les territoires syriens. Ce parti pris peut avoir des conséquences graves en ce qui concerne la position des couches populaires de Syrie envers de la gauche dans son ensemble.

L’Organisation des Nations unies et le Conseil de sécurité, en particulier, se sont avérés incapables de condamner les crimes de ce régime, que le peuple syrien a rejetés pacifiquement pendant plus de sept mois, tandis que les manifestants tombaient chaque jour sous les balles des snipers et des chabihas [supplétifs criminels du régime] et que les militants les plus combatifs étaient détenus et soumis aux pires formes de torture et de liquidation dans les geôles et les centres de détention. Pendant tout ce temps, le monde est resté silencieux adoptant une attitude négative.

Cette situation a persisté, avec l’escalade terrifiante des crimes commis par le régime, après que le peuple eut été obligé de prendre les armes et l’émergence de l’Armée syrienne libre (ASL) — dont une partie importante du commandement et des soldats sont des dissidents de l’armée régulière.

L’impérialisme russe, l’allié le plus important du régime baasiste de Damas, qui lui fournit toute sorte d’aides, est resté sur le qui-vive au Conseil de sécurité pour bloquer tout effort visant à condamner ces crimes. Pour leur part, les États-Unis ne voient pas un vrai problème dans le maintien du statu quo, avec toutes les conséquences de la destruction du pays. Ceci malgré les menaces et les intimidations, auxquelles recourt le président américain chaque fois qu’une voix de l’opposition syrienne s’élève à propos de l’utilisation des armes chimiques par le régime, jusqu’à la dernière escalade, quand il a estimé que la « ligne rouge » a été franchie.

Il est clair qu’Obama, qui donne l’impression qu’il ira de l’avant dans la mise à exécution de ses menaces, se serait trouvé dans l’embarras s’il s’était abstenu. Cela aurait non seulement un impact négatif sur son image, mais également sur la perception par les pays arabes serviles et par le monde entier de l’arrogant et puissant État qu’il dirige.

Les frappes annoncées contre les forces armées syriennes seraient menées essentiellement par les États-Unis. Néanmoins elles bénéficieraient de la compréhension et de la coopération de leurs alliés impérialistes, même si c’est sans la couverture de l’habituelle farce connue sous le nom de « légitimité internationale » (à savoir des décisions de l’ONU, qui a toujours reflété, et continue de le faire, les intérêts des grandes puissances, qu’elles soient en conflit ou en accord, selon les circonstances, les divergences et les rapports de forces entre elles). En d’autres termes, ces frappes ne vont pas attendre le consentement du Conseil de sécurité, en raison d’un prévisible veto russo-chinois.

Malheureusement, nombreux sont ceux au sein de l’opposition syrienne, qui fondent des espoirs sur ces frappes et sur la position américaine en général. Ils croient que cela pourrait créer une occasion pour qu’ils puissent s’emparer du pouvoir, par dessus le mouvement et les masses et leurs décisions indépendantes. Ce n’est pas surprenant, alors que des représentants de l’opposition et de l’armée libre ne se sont aucunement gênés pour dire qu’ils étaient prêts à fournir aux États-Unis des informations concernant les objectifs des frappes.

Dans tous les cas, nous déclarons que nous sommes d’accord sur ce qui suit :

► L’alliance impérialiste occidentale va frapper divers zones et des parts essentielles de l’infrastructure militaire et civile en Syrie (avec de nombreuses victimes parmi les civils, comme d’habitude). Mais, comme il a été annoncé, ces frappes ne sont pas destinées à renverser le régime. Elles sont tout simplement destinées à punir le leadership syrien, selon les mots d’Obama, et à sauver la face de l’administration américaine après toutes les menaces proférées en ce qui concerne l’emploi des armes chimiques ;

► Les intentions du président américain de punir les autorités syriennes ne reflètent d’aucune manière une solidarité de Washington avec la douleur des enfants tombés dans les massacres de Ghouta. Barack Obama veut ainsi réaliser ce qu’il appelle les « intérêts vitaux de l’Amérique et sa sécurité nationale », ainsi que les intérêts et la sécurité d’Israël ;

► L’armée syrienne et ses alliés régionaux, menés par le régime iranien, n’auront probablement pas assez de courage pour mettre à exécution ce qui semblait être des menaces de leurs hauts responsables, selon lesquelles toute attaque occidentale contre la Syrie enflammerait toute la région. Toutefois cette option extrême reste sur la table et pourrait avoir des conséquences catastrophiques ;

► L’attaque impérialiste occidentale annoncée ne vise absolument pas à soutenir la révolution syrienne. Elle aura pour but de pousser Damas à s’engager dans des marchandages, qui permettraient le retrait de Bachar Al-Assad, garderaient en place le régime, tout en améliorant considérablement les conditions à même de renforcer la position de l’impérialisme américain dans la Syrie future, au détriment de l’impérialisme russe ;

► Ceux qui sont engagés dans le mouvement populaire persistant sont les plus conscients, les plus honnêtes et les plus dévoués en faveur de l’avenir de la Syrie et de son peuple. En prenant conscience de ces faits, de leurs conséquences et de leurs résultats, en étant capables d’agir sur cette base, ils pourront contribuer à aider le peuple syrien à faire émerger une direction révolutionnaire véritable. Le contexte de la lutte du peuple sur la base des intérêts immédiats et futurs du peuple permet d’élaborer un programme radical conforme à ses intérêts. La lutte pour sa mise en œuvre et sa concrétisation permettra d’avancer sur chemin de la victoire.

● Non à toutes les formes d’intervention impérialiste que ce soit américaine ou russe !

● Non à l’intervention sectaire réactionnaire, qu’elle soit de l’Iran ou des monarchies du Golfe !

● Non à l’intervention du Hezbollah, qui mérite la pire des condamnations !

● À bas toutes les illusions quant aux frappes militaires américaines à venir !

● Que les dépôts d’armes s’ouvrent au peuple syrien qui lutte pour la liberté, la dignité et la justice sociale !

●Victoire pour une Syrie libre, démocratique et à bas la dictature d’Al-Assad et toutes les dictatures !

● Vive la révolution du peuple syrien !


* Nous reproduisons ici la déclaration adoptée par les organisations marxistes révolutionnaires de plusieurs pays de la région : les Socialistes révolutionnaires (Égypte), le Courant de la gauche révolutionnaire (Syrie), l’Union des communistes (Irak), Al Mounadil-a (Maroc), le Forum Socialiste (Liban), et la Ligue de la gauche ouvrière (Tunisie).

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