Édition du 23 avril 2024

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Afrique

Covid 19 : Afrique du Sud vers un déconfinement par paliers

Le gouvernement sud-africain vient d’annoncer la fin progressive du déconfinement à partir du 30 avril, mais par paliers et en multipliant les contrôles sanitaires. Les discours du Président Ramaphosa complétés par une communication claire du ministre de la santé ont évité la panique, sans toutefois empêcher la violence policière dans les quartiers pauvres qui ont faim.

Tiré du blogue de l’auteure.

L’Afrique du Sud est l’un des pays africains les plus touchés par le Covid 19. Les premières personnes infectées revenaient de voyage de Grande Bretagne, d’Italie ou autres pays déjà touchés par le virus. Les étudiants rapatriés de Wuhuan avaient tous été testés à leur arrivée, mis en quarantaine ou envoyés à l’hôpital. Le confinement a été imposé à l’ensemble de la population le 17 mars avec des consignes strictes pour l’accès aux magasins et l’interdiction de la vente d’alcool et de cigarettes.

Une équipe particulièrement soudée gère cette crise sanitaire sans précédent, le Ministre de la santé, Zweli Mkhize, lui-même médecin et le responsable du comité consultatif ministériel, le Professeur Salim Abdool Karim. Tous deux ont faits leurs études ensemble à l’université du Kwazulu Natal. Le 14 avril, ils ont fait une intervention télévisée de trois heures, montré et expliqué des graphiques, répondu aux questions clairement. L’équipe médicale avait un objectif clair : gagner du temps et anticiper les stades futurs de l’épidémie et l’expansion de la contagion. Le déploiement de 28000 personnels soignants et de véhicules sanitaires dans les zones rurales et les townships a permis de tester une population élargie et d’intervenir plus rapidement pour les personnes infectées. L’achat de matériel de protection reste une des priorités du ministère de la santé qui prévoit un pic de la maladie dans les semaines à venir et sa présence pendant des mois, voire des années, tant qu’un vaccin n’aura pas été trouvé et les experts s’accordent à dire qu’il ne sera pas disponible avant 18 mois au moins.

L’objectif est de pouvoir tester 10 000 personnes par jour, alors que seulement 5678 tests par jour sont actuellement pratiqués. Le bilan au 17 avril était de 3034 personnes infectées, augmentation due au plus grand nombre de tests pratiqués depuis le 27 mars, et de 52 morts. La méthode pratiquée en Corée du sud : traçage, test et traitement (Trace, Test and Treat) qui s’est révélée efficace a été adoptée en Afrique du Sud avec un confinement encore plus précoce, avec l’objectif d’aplatir la courbe des infections.

Cette stratégie n’est pas sans soulever de nombreux problèmes dans son application dans un pays où la moitié de la population est pauvre et vit dans des conditions sanitaires difficiles : manque d’eau et de sanitaires, promiscuité dans des logements insalubres, un grand nombre de personnes infectées par le VIH ou souffrant de tuberculose, de diabète ou d’obésité.

Le grand problème reste celui de l’accès à la nourriture. Si les classes moyennes urbaines ont pu se précipiter dans les supermarchés et remplir leurs caddies, il n’en est pas de même pour les 17 millions de personnes vivant de la seule aide sociale versée chaque mois par le gouvernement. Celui-ci a veillé à ce que cette aide soit versée à temps à la fin du mois de mars, pas n’a pas pu éviter les bousculades devant les bureaux de poste ou autres lieux où l’on pouvait recevoir l’argent. Les associations caritatives ont multiplié les distributions de colis alimentaires, parfois elles aussi débordées par la forte demande.

Le femmes ouvrières agricoles dans les vignes et vergers de la région du Cap occidental se retrouvent dans des situations désespérées parce qu’elles ne peuvent pas toucher leurs allocations de chômage et parce qu’elles n’ont pas accès à la distribution des colis alimentaires. La saison des vendanges étant finies, elles n’auront du travail qu’à la saison prochaine. Elles n’ont alors que l’allocation chômage pour vivre, mais à cause du confinement les bureaux du ministère du travail sont fermés et elles ne peuvent pas déposer leur demande d’indemnités. Elles n’ont pas non plus accès aux colis alimentaires distribués par l’aide sociale parce que les critères d’attribution ne sont pas clairs et que l’administration régionale ou municipale chargée de le faire n’est pas la hauteur des besoins.

Pour les enfants des townships, la fermeture des écoles est une catastrophe car ils sont privés du repas de midi gratuit, souvent le seul de la journée. Ils attendent les distributions faites par les organisations caritatives. Les femmes seules avec des enfants, souvent au chômage, n’ont que l’allocation versée, soit 440 rands par mois (moins de 30 euros) pour acheter de la nourriture. Le gouvernement a été sollicité par pour allouer une allocation exceptionnelle supplémentaire de 500 rands pendant la durée du confinement. La malnutrition des enfants risque d’exploser. Quand des mères essaient de sortir pour trouver à manger pour leurs enfants, elles sont souvent battues par la police. https://www.groundup.org.za/article/covid-19-whats-happening-townships/. La police et l’armée appelée en renfort pour faire respecter les consignes de confinement manient plus souvent le bâton que la persuasion et pour certains habitants, la police est plus dangereuse que le coronavirus.

Le confinement qui doit durer jusqu’au 30 mars devrait, selon la Ministre Nksosana Dlamini Zuma, être levé par étapes avec le maintien d’un certain nombre de mesures sanitaires, il ne s’agit en aucun cas « du tout ou rien ». Déjà le secteur des mines a été autorisé à reprendre l’activité à 50% de ses capacités mais avec des mesures strictes de contrôle. Les mineurs qui reprendront le travail seront testés à leur arrivée à la mine, avec mise en quarantaine ou envoyés à l’hôpital selon les cas.

L’Afrique du Sud, comme les autres pays, n’a pas l’arme miracle pour détruire le virus et la lutte pour le vaincre sera longue, des mois, peut-être des années. Pour le Professeur Glenda Gray, présidente du Conseil de la recherche médicale et membre de la commission médicale qui travaille avec le ministre de la Santé : « Il s’agit d’une longue marche, pas d’un sprint ».

Jacqueline Dérens

Blogueuse sur le site de Mediapart (France). Ancienne militante contre l’apartheid, fondatrice de l’association RENAPAS - Rencontre nationale avec le peuple d’Afrique du Sud.

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