Édition du 23 avril 2024

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États-Unis : le syndicat et l’entreprise mènent une guérilla chez Starbucks

Les travailleurEs de Starbucks et leur syndicat, Workers United, sont engagés dans une sorte de guérilla contre l’entreprise multimilliardaire : ils mènent de petites actions, en s’attaquant à un magasin à la fois.

Hebdo L’Anticapitaliste - 619 (09/06/2022)

Par Dan La Botz

Face à un mouvement qui s’amplifie pour obtenir la reconnaissance syndicale, avec parfois des grèves, la direction de Starbucks riposte en fermant des points de vente et en licenciant des employéEs. La guérilla syndicale gagne du terrain, mais n’est pas en mesure de mener une guerre de classe à l’échelle régionale ou nationale.

Le syndicat a remporté 88 % des élections

La campagne actuelle de syndicalisation chez Starbucks a commencé il y a environ un an, au printemps 2021, et en décembre de cette année-là, un magasin de Buffalo, dans l’État de New York, a obtenu un vote majoritaire pour un syndicat, devenant ainsi le premier à se syndiquer. Depuis lors, il y en a eu des dizaines d’autres et la dynamique est en train de s’amplifier. Jusqu’à présent, 100 cafés Starbucks – la plupart comptant entre 10 et 20 employéEs – ont voté pour rejoindre Workers United, tandis que seulement 14 ont voté contre ; autrement dit, le syndicat a remporté 88 % des élections. Environ 120 autres cafés sont en train de mener des élections ou attendent de voter. Bien que le nombre total de travailleurEs soit faible, cela représente une reprise significative de la syndicalisation, en particulier dans le secteur de la restauration où seulement 1,2 % des travailleurEs sont syndiqués.

L’organisation syndicale se répand dans tout le pays et même dans des régions où il y a peu de syndicats. Par exemple, le syndicat a récemment remporté des victoires dans des votes de reconnaissance dans le Sud : à La Nouvelle-Orléans (Louisiane), à Tallahassee (Floride) et à Columbia (Caroline du Sud). L’organisation d’un syndicat en Caroline du Sud, l’État ayant le taux de syndicalisation le plus bas des États-Unis, seulement 1,7 % des travailleurEs sont représentés par des syndicats, représente un succès important.

Face à la progression de Workers United, l’entreprise riposte. Au cours des derniers mois, Starbucks a licencié vingt employéEs engagés dans des activités de syndicalisation. Ils et elles sont toujours officiellement licenciés pour autre chose, bien sûr, comme le non-respect d’un règlement de l’entreprise. Starbucks a récemment annoncé qu’il fermait l’un des magasins récemment organisés à Ithaca, dans l’État de New York, où les travailleurEs avaient fait grève. Workers United a déposé auprès du National Labor Relations Board quelque 175 plaintes pour pratiques de travail déloyales de la part des directions.

Pourtant, les travailleurEs et le syndicat ne sont pas découragés. Le Syndicat des employéEs des services, un des plus grands syndicats des États-Unis avec deux millions de membres, auquel est affilié Workers United, a créé un fonds de grève d’un million de dollars pour compenser la perte de rémunération des grévistes.

Une lutte de longue haleine

Le mouvement syndical de Starbucks est le reflet des employéEs de l’entreprise ; il s’agit d’un mouvement composé principalement de jeunes, femmes et hommes de toutes les communautés. Les femmes représentent 70 % des travailleurEs de Starbucks ; les Blancs sont 50 %, les Latinos 27 % et les Noirs 8 % ; et la plupart des travailleurEs ont entre 20 et 30 ans.

Les salariéEs de Starbucks s’organisent parce que le travail est trop intense, que le salaire est trop faible, que les conditions de travail ne sont pas toujours sûres et qu’ils ont le sentiment que l’entreprise ne les respecte pas toujours. Un barista de Starbucks gagne en moyenne 13,50 dollars de l’heure, soit 26 325 dollars par an, ce qui est moins qu’un salaire de subsistance. Les travailleurEs de Starbucks ont cherché à obtenir la reconnaissance du syndicat par le biais de votes supervisés par le NLRB (Office fédéral des relations du travail) , mais ils se sont également engagés dans des débrayages et de courtes grèves, des actions qui sont importantes pour renforcer la confiance des travailleurEs et accroître la combativité du syndicat. Tant les élections que la grève ont accru la visibilité du syndicat, de sorte que d’autres travailleurEs de Starbucks voient également la possibilité de s’organiser.

La campagne de syndicalisation de Starbucks a connu un succès considérable. On ne peut qu’admirer cette réussite. Ils ont organisé 100 cafés, mais il y en a 15 400 dans le pays. Les travailleurEs ne sont pas encore suffisamment présents pour s’organiser au niveau régional, et encore moins au niveau national, et il faudra probablement une grève régionale ou même nationale – comme cela s’est produit dans d’autres industries comme l’automobile et l’acier, les transports et les employéEs du secteur public – pour que tous les travailleurEs de Starbucks soient syndiqués.

Traduction Henri Wilno

Dan La Botz

L’auteur est un professeur d’université américain et un militant de l’organisation socialiste Solidarity.

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