Édition du 16 avril 2024

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Féminisme

Etude de l’IRIS

Inégalités de rémunération entre les hommes et les femmes au Québec : L'impact de la ségrégation professionnelle du secteur public

Les écarts de rémunération entre les hommes et les femmes sont une réalité bien documentée qui concerne la totalité des pays membres de l’OCDE et la plupart des sociétés dans le monde. Le Québec n’y fait pas exception alors qu’en 2017, les femmes y ont gagné en moyenne un taux horaire de 90 cents pour chaque dollar gagné par les hommes. Pourtant, le Québec s’est doté en 1996 d’une Loi sur l’équité salariale dont l’objectif est de « corriger les écarts salariaux dus à la discrimination systémique fondée sur le sexe à l’égard des personnes qui occupent des emplois qui sont dans des catégories à prédominance féminine ». Cette loi a eu des effets importants qui ont favorisé une plus grande égalité entre les hommes et les femmes sur le marché du travail. Nous verrons toutefois comment des iniquités importantes persistent et ne semblent pas en voie de se résorber.

Tiré du site de l’IRIS.

Sommaire

• L’administration québécoise (qui regroupe la fonction publique, le système public de santé et de services sociaux et le système public d’éducation) est le seul secteur du marché de l’emploi à connaître un haut niveau de ségrégation professionnelle sexuée, son effectif étant composé à 72 % de femmes.

• L’administration québécoise est le seul secteur à avoir connu une baisse du niveau de vie de son effectif depuis l’année 2000.

• Les employé·e·s de l’administration québécoise subissent des écarts de rémunération importants avec les autres employé·e·s du secteur public (administrations municipale et fédérale, entreprises publiques et universités).

• La combinaison de la ségrégation professionnelle et de la stagnation salariale qui affecte l’administration québécoise indique la présence d’une discrimination systémique fondée sur le sexe.

• La Loi sur l’équité salariale ne suffit pas à corriger cette forme de discrimination, car elle ne s’applique qu’à l’intérieur des différentes entreprises formant un secteur d’activité ; elle ne peut être appliquée entre les secteurs.

• Le secteur des entreprises publiques est composé à 56 % d’employé·e·s d’entreprises sous compétence provinciale et bénéficie d’une rémunération globale 24 % supérieure en moyenne à celle de l’administration québécoise.

• Un rattrapage salarial du personnel de l’administration québécoise pour porter leur rémunération au niveau des entreprises publiques coûterait environ 7,3 milliards $ annuellement à l’État québécois, dont 5,9 milliards $ en salaires, et réduirait de 35 % l’écart général du salaire horaire moyen entre les hommes et les femmes au Québec.

(...)

Conclusion

À la suite de notre étude de la ségrégation professionnelle dans le secteur public et des iniquités salariales entre les différents sous-secteurs qui le composent, un portrait clair se dessine :

• Les femmes ont massivement intégré le marché de l’emploi depuis 1976 (augmentation de 56 % du taux d’emploi des femmes entre 1976 et 2017).

• Les femmes ont intégré le secteur public en plus grande proportion que les hommes, devenant majoritaires dans ce secteur dès 1988.

• L’administration québécoise, qui regroupe les métiers traditionnellement associés aux femmes, compte la plus forte proportion de femmes à l’emploi (72,2 %) de même que le plus grand nombre de métiers à prédominance féminine.

• Les professions de l’administration québécoise ont connu une stagnation de leurs salaires par rapport à l’IPC entre 2000 et 2017, accusant même un léger recul de leur pouvoir d’achat (1,2 %).

• L’administration québécoise est le seul sous-secteur du secteur public qui a connu un tel recul du niveau de vie de son personnel entre 2000 et 2017. Les administrations municipales et fédérales, le secteur universitaire, les entreprises publiques de même que le secteur privé ont tous bénéficié de hausses de salaire supérieures à l’IPC sur la même période (de 11 % en moyenne).

• Cette stagnation des salaires témoigne du fait que les mesures d’austérité des 18 dernières années ont touché plus durement les femmes.

• Cette stagnation des salaires dans l’administration québécoise peut expliquer en partie le plafonnement du rattrapage salarial des femmes par rapport aux hommes au Québec, alors que l’écart de la rémunération hebdomadaire est toujours d’environ 20 % et que l’écart de la rémunération horaire se situe toujours à environ 10 %.

Autrement dit, alors qu’il n’y a jamais eu autant de femmes à l’emploi de l’administration québécoise et que ce secteur est le seul qui emploie une forte majorité de femmes, le gouvernement du Québec a décidé de contraindre ses employé·e·s à accepter une baisse de leur niveau de vie au nom de l’austérité. Cette stratégie représente un recul non seulement pour la qualité de vie de ces travailleurs et travailleuses, mais également pour la condition des femmes au Québec.

Le fait que chaque élément de l’administration québécoise (fonction publique, éducation, santé et services sociaux) agisse comme marché de référence pour les deux autres crée un cercle vicieux dans les négociations de convention collective et joue contre ses employé·e·s. Les dispositions de la Loi sur l’équité salariale ne permettent pas de comparer de façon systématique les emplois de l’administration québécoise avec les emplois des autres parties du secteur public. Alors que les entreprises publiques peuvent utiliser pour référence les entreprises du secteur privé, ce qui permet à leurs employé·e·s de négocier de meilleures conditions, les employé·e·s de l’administration québécoise n’ont pas cette possibilité. Compte tenu de la forte ségrégation professionnelle qui existe entre l’administration québécoise et les entreprises publiques, le législateur devrait modifier la Loi sur l’équité salariale pour permettre les comparaisons inter-secteurs, voire contraindre le Conseil du trésor à produire des programmes d’équité salariale qui compareraient les emplois de l’administration québécoise à ceux des entreprises publiques provinciales. Cela dans le but d’atteindre une égalité réelle, en résultats, plutôt que de se contenter d’une simple égalité en droits ou en chances qui ne permet pas d’éliminer la discrimination systémique.

Il n’est pas impossible que l’écart de rémunération entre l’administration québécoise et les entreprises publiques puisse se justifier en partie par des différences au niveau des efforts et des qualifications exigés de leurs employé·e·s, de même que sur le plan des responsabilités et des conditions de travail qui leur sont offertes. Il est toutefois beaucoup plus probable que la stagnation des salaires subie par les employé·e·s de l’administration québécoise au cours des deux dernières décennies soit due au mode de gestion néolibéral qu’impose la NGP dans le secteur au nom de l’austérité budgétaire.

Seuls des programmes d’équité salariale rigoureux pourraient permettre de faire la part des choses entre une part « justifiée » d’écarts de rémunération et la part due aux politiques néolibérales des précédents gouvernements. En l’absence de tels programmes d’équité salariale étendus à l’extérieur des établissements de l’administration québécoise, nous pouvons estimer qu’un simple rattrapage de la rémunération de l’administration québécoise au niveau de rémunération des entreprises publiques coûterait 7,3 milliards $ à l’État québécois, dont 5,9 milliards $ en salaires, et réduirait environ du tiers l’écart général du salaire horaire moyen entre les hommes et les femmes au Québec. L’un ou l’autre de ces scénarios (programmes d’équité salariale ou rattrapage) devrait être mis en œuvre dès maintenant.

Le statu quo n’est certainement pas une option viable. Si le gouvernement refuse de délier les cordons de sa bourse pour corriger la situation actuelle sous prétexte qu’il n’en aurait pas les moyens, ces 5,9 milliards $ d’écart continueront en réalité d’être assumés, en salaires non versés, par les quelques 543 600 employé·e·s de l’administration québécoise.

Pour l’étude dans son intégralité.

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