Édition du 26 mars 2024

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Féminisme

Intersectionnalité et inclusion : même combat

En préparation de ce conseil national, le Comité démocratie participative a proposé que la CNF intervienne en amont du débat sur le port de signes religieux lors de l’ouverture de l’instance. Cette proposition, approuvée par le Comité de coordination national, souhaitait que cette intervention explique les éclaircissements que peuvent amener le féminisme et l’approche intersectionnelle dans ce type de débat.

L‘approche intersectionnelle de QS

Rappelons que QS s’est défini dès ses premiers balbutiements comme un parti féministe. Il n’y a rien là d’étonnant. Dès sa fondation, Québec solidaire a beaucoup été porté par le mouvement des femmes québécois dont une large part a ont pris fait et cause pour un féminisme axé sur l’approche intersectionnelle. Comme plusieurs féministes issues de ce mouvement ont contribué à la construction de Qs, c’est cette approche féministe intersectionnelle qui s’est imposée dans le parti.

L’intersectionnalité est une approche dont découlent diverses pratiques pour reconnaître et contrer les inégalités multiples et souvent occultées que vivent les groupes de femmes davantage discriminées. Ainsi, les discriminations issues d’un système de domination tel le patriarcat, notamment le sexisme, n’atteignent pas toutes les femmes de la même façon. Les femmes aînées, autochtones, handicapées, LGBTQIA1, racisées ou pauvres font aussi face à d’autres systèmes de domination que sont le racisme, le colonialisme et le capitalisme et à des systèmes d’exclusion dont l’homophobie, l’âgisme et le capacitisme. L’intersectionnalité c’est la compréhension des effets combinés de ces systèmes d’oppression et source de discrimination sur les femmes marginalisées ; c’est la reconnaissance qu’il existe dans ces systèmes de domination des privilèges dont peuvent bénéficier certaines femmes (blanches, riches, hétérosexuelles, 1 L :lesbienne, G : gai, B : bisexuelle, T : transgenre Q : queer, I : inter-sexe A : asexuel 2 éduquées) et des comportements oppressifs qu’elles peuvent adopter, consciemment ou non.

Dans la lutte pour l’émancipation de toutes les femmes, cette approche nécessite de s’opposer à tous les systèmes d’oppression. Elle exige également que dans cette lutte, on mette en place des pratiques respectueuses des réalités de toutes et susceptibles de faire entendre les voix minoritaires et de permettre la prise en compte de leurs besoins. Ce sont les femmes elles-mêmes qui procéderont à leur émancipation, elles n’ont pas besoin d’être sauvées, elles ont besoin d’être reconnues et appuyées dans leur lutte. Il en va de même pour les membres de la diversité.

Des pratiques qui favorisent l’inclusion Pour demeurer cohérent avec cette approche, Québec solidaire doit donc porter une attention particulière à ses pratiques d’inclusion de la diversité dans ses rangs et de soutien aux luttes des membres de cette diversité. Notons d’abord que ces pratiques demandent un effort personnel aux membres de Qs qui doivent devenir de plus en plus conscient.e.s de leurs privilèges et de développer des comportements favorisant l’écoute et l’inclusion des personnes discriminées. L’objectif ici n’étant pas de culpabiliser un groupe et d’en victimiser un autre mais de responsabiliser c’est-à-dire de trouver ensemble une réponse, une solution adéquate aux effets discriminants de ces privilèges. Nous devons collectivement accepter de sortir de nos zones de confort pour créer de véritables relations égalitaires.

Ces efforts individuels ont leurs limites. C’est pourquoi ces pratiques doivent aussi s’inscrire dans la culture organisationnelle de Québec solidaire. On peut citer à titre d’exemple :

- La création d’espace de non mixité pour les femmes et pour les groupes affinitaires

 La mise en place de mécanismes pour assurer une présence paritaire des femmes et une présence accrue et équitable des membres de la diversité notamment des personnes racisées dans toutes les instances de Qs - La mise en place de mécanismes pour faciliter la parité de candidatures féminines et l’équité de représentation dans les candidatures issues des groupes de la diversité.

Et finalement ces pratiques doivent s’inscrire dans les règles d’éthique qui encadrent nos débats.

L’éthique qui entoure nos débats

Dans nos débats, nous ne sommes pas en compétition, nous cheminons ensemble vers la meilleure décision possible pour Québec solidaire et son projet politique en ce qui a trait, cette fin de semaine, au port des signes religieux dans un contexte de laïcité de l’État. Ce débat est d’ailleurs présent dans nos rangs depuis plusieurs années et il a connu ses beaux moments comme ses dérapages. Plusieurs étapes ont également précédé la rencontre d’aujourd’hui afin de favoriser une prise de décision la plus éclairée possible.

Pour justement favoriser cette prise de décision, il est important de se rappeler quelques règles fondamentales qui permettront de sortir de cette rencontre plus uni.e.s et plus solidaires que jamais.

Être à l’écoute

 Être à l’écoute des propos contraires à nos propres convictions, être ouvert.e.s à la possibilité de se laisser influencer - Être sensible à la situation de l’autre, aux préoccupations qui sont les siennes - Ne pas présumer de la mauvaise foi de l’autre donc croire en sa bonne foi - S’autoréguler aux files des micros pour donner le plus d’espace possible aux personnes touchées directement par l’enjeu pour qu’elles aient la possibilité de prendre la parole

 Valider une part des propos de l’autre : l’autre a sûrement dit des choses avec lesquelles nous sommes en accord, et possiblement nommé des inconforts que nous pouvons comprendre, il est donc important de le souligner

Éviter les obstacles à la discussion et à la communication

 Faire porter nos interventions sur les idées que nous ne partageons pas et non sur les personnes. Pour combattre un propos sexiste, nous n’avons pas besoin d’accuser l’autre de sexisme. Nous n’avons pas non plus besoin de lui accoler des étiquettes : islamo-gauchiste, islamiste, antiféministe, raciste, xénophobe. Nous combattons des idées, des systèmes d’exploitation et d’exclusion, pas des personnes.

 Laisser les personnes minorisées parler pour elles-mêmes : personnes racisées, en situation de handicap, minorités sexuelles, religieuses, linguistiques, etc. On peut appuyer les interventions et relayer la parole de ces personnes mais on doit éviter de se poser en sauveur ou en sauveuse ;

 Se tenir loin des amalgames et des généralisations en identifiant, par exemple, les personnes musulmanes au terrorisme, les féministes à la frigidité ou les personnes homosexuelles à la pédophilie ou, de façon plus subtile, de mettre en doute les convictions laïques des personnes soutenant l’une ou l’autre des options en débat.

 Éviter de hausser le ton, de parler fort ou agressivement, de faire des effets de toges, d’essayer d’impressionner l’auditoire du haut de son savoir, de sa compétence. Bref, faire preuve de politesse et de civilité lors d’une intervention.

 Bien comprendre et respecter les règles du débat qui auront été précisées par la présidence.

En terminant, j’aimerais remercier les femmes de la Commission Inclusion qui ont contribué à enrichir cet exposé de leurs sages commentaires.
Blanche Paradis, pour la Commission nationale des femmes
29-03-2019

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