Édition du 23 avril 2024

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Afrique

La Révolution démocratique arabe et les droits des femmes : Quels acquis ? Quelles revendications ?

La question fondamentale, du droit et de la loi en matière de reconnaissance, de garantie et de protection de l’égalité des droits des femmes dans la vie publique, sociale et familiale s’impose à l’heure où les sociétés arabes aspirent à l’instauration de régimes démocratiques fondés sur l’Etat de droit.

La question fondamentale, du droit et de la loi en matière de reconnaissance, de garantie et de protection de l’égalité des droits des femmes dans la vie publique, sociale et familiale s’impose à l’heure où les sociétés arabes aspirent à l’instauration de régimes démocratiques fondés sur l’Etat de droit.

Sinon quelle valeur cet Etat de droit, cette démocratie tant espérée pourraient-ils alors recouvrer ?

Quels rapports entre la démocratie et la condition des femmes dans le monde arabe ?

Quels rapports entre les statuts juridiques et les réalités sociales de la condition des femmes, sachant que les transformations dans le monde arabe, comme ailleurs, ne sont pas observables à la seule aune du droit ?

L’inscription de la laïcité dans la loi fondamentale, la Constitution, garante du respect des droits de l’homme et par conséquent de l’égalité des citoyens sans distinction de sexe, de race ou de religion, est une exigence clairement exprimée en Tunisie, tandis qu’en Algérie et en Egypte, elle fait son chemin. C’est en ce sens que des lois civiles sont revendiquées en lieu et place des codes de la famille ou de statut personnel. En Algérie, d’aucuns, et en premier lieu les dirigeants algériens, nous rétorqueront que la femme a le droit de vote, le droit d’être élue, le droit à l’éducation, au travail. Mais quand bien même, cela ne veut pas dire pour autant qu’elle jouit pleinement de ses droits, de tous ses droits. Quel que soit son niveau d’instruction, de formation, de qualification, de responsabilité, l’Algérienne est placée, du fait du code de la famille, en état d’infériorité. Quelles que soient les responsabilités publiques qu’elle peut assumer, aussi hautes soient-elles, dans sa famille, dans son couple, elle reste subordonnée à son époux.

Quel paradoxe ! Et cela au nom des « spécificités » qui, en réalité, font le lit de l’inégalité et de l’injustice. Aussi bien les Tunisiennes que les Algériennes demandent la levée des réserves sur le statut de la femme dans la famille dans l’application de la Convention internationale sur l’élimination de la discrimination que la Tunisie et l’Algérie ont ratifiée. Les violences faites aux femmes sont aussi un sujet majeur de préoccupation. Quelle protection juridique contre ces violences ?

Quelle protection juridique pour la femme sans parenté masculine, la veuve, la divorcée ou simplement celle qui veut vivre sans tutelle ? Qu’on se souvienne de ce 13 juillet 2001, à Hassi Messaoud, où des femmes ont été torturées et violées par des hommes de la ville, parce que divorcées avec ou sans enfant, elles vivaient seules.

Les Tunisiennes ont obtenu la criminalisation des violences sexuelles à leur endroit et la poursuite des auteurs.

Il reste que l’égalité des droits est à affirmer et à confirmer de manière permanente, y compris dans les pays les plus avancés, où des discriminations et des inégalités subsistent encore. En France, par exemple, ce n’est qu’en 2010 qu’une loi a été adoptée pour protéger les femmes contre les violences conjugales. En France, encore, les femmes représentent 83% des salariés à temps partiel et 78% des emplois non qualifiés, et elles gagnent toujours en moyenne 27% de moins que les hommes.

Ces questions et d’autres encore seront soumises à l’analyse de Bochra Bel Haj Hmida, avocate auprès de la Cour de cassation de Tunis, spécialisée dans le droit social, le droit de la famille, les droits de la femme et les droits de l’homme ; Nourredine Saâdi, professeur à l’université d’Alger jusqu’en 1994, depuis, à l’université d’Artois en France où il enseigne le droit public et la science politique ; Fadhila Boumendjel-Chitour, ancien chef de service d’endocrinologie du CHU de Bab El Oued est membre du réseau Wacyla d’aide aux femmes et enfants victimes de violences, créé le 5 octobre 2000 ; Sihem Habchi, présidente du mouvement français Ni putes ni soumises (NPNS) depuis juin 2007 et membre du Collège de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde) depuis juillet 2007.

Bio express :

Bochra Bel Haj Hmida

Bochra Bel Haj Hmida, avocate auprès de la Cour de cassation de Tunis, est cofondatrice de la section tunisienne d’Amnesty International et membre du premier bureau exécutif, membre de la Ligue tunisienne de défense des droits de l’homme et ex-vice-présidente de la section de Zaghouane, cofondatrice de l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD) et présidente de ladite association de 1995 à 2001. Elle est membre de la commission « violences » et chargée de l’écoute et de l’orientation juridique et des procès devant les tribunaux, coordinatrice de la campagne nationale contre le « harcèlement sexuel » depuis 2000, campagne qui a abouti en 2004 à la promulgation d’une loi incriminant le harcèlement sexuel et membre du bureau exécutif du Réseau arabe des ONG pour le développement ANNDA. Elle a publié un guide juridique pour les femmes sur le thème du divorce, coauteur du livre maghrébin sur les violences à l’égard des femmes, Casablanca, Alger, Tunis, femmes unies contre la violence en 2001.

Nourredine Saâdi

Nourredine Saâdi a publié de nombreux textes, dont notamment Femme et Loi en Algérie, Ed. Le Fennec, 1992 ; Sexe, Normes et reproduction (en coll. avec Nadir Marouf), l’Harmattan, 1998. Ecrivain, il a notamment publié Dieu-Le-Fit, roman, Albin Michel, 1996 (Prix Kateb Yacine) ; La Maison de lumière, roman, 2000, Albin Michel ; La Nuit des origines, roman, Ed. de L’Aube et Ed Barzakh, 2005 (Prix Méditerranée BFM) ; Il n’y a pas d’os dans la langue, histoires, Ed. de L’Aube et Ed. Barzakh, 2008. Il est également auteur d’un Journal intime et politique (en coll.), Ed. de L’Aube et Littera, 2003 ainsi que Koraichi, monographie du peintre, Actes Sud, 1999 ; Denis Martinez, peintre algérien, Entretiens, Ed. Le Bec en L’Air et Ed. Barzakh, 2003 ; Vertiges, préface aux photographies de Constantine par C. Poncin, Ed. Filigranes, 2006 et tout récemment Mère et manque un ouvrage collectif, Ed. Chèvre Feuille, 2009.

Fadhila Boumendjel-Chitour

Héritant de son père et de son oncle, les avocats Ahmed et Ali Boumendjel, un idéal nationaliste républicain et démocratique, Fadhila Boumendjel-Chitour a été présidente du comité médical contre la torture au lendemain de la révolte populaire du 5 octobre 1988, elle est également membre fondateur de la section algérienne d’Amnesty International et de la fondation Boucebci. C’est par la défense des droits de l’homme que Fadhila Boumendjel-Chitour en est venue tout naturellement à militer pour l’égalité entre les hommes et les femmes devant la loi.

Sihem Habchi

Sihem Habchi, née de parents émigrés algériens en France, prend part en mars 2003 à la « Marche des femmes contre le ghetto et pour l’égalité » qui a réuni le 8 mars de la même année plus de 30 000 personnes. Elle rejoint Fadela Amara et le mouvement NPNS en avril 2003. Elle a contribué à la réalisation du guide du respect, vendu aujourd’hui à 200 000 exemplaires dans toute la France (une version européenne est à l’étude). En 2007, grâce à son intervention à New York en tant que vice-présidente de NPNS, le mouvement obtient le statut consultatif à l’Organisation des Nations unies.

Le 24 novembre 2008, Sihem Habchi adresse une lettre au président Sarkozy, pour lui demander de faire de la lutte contre les violences faites aux femmes la grande cause nationale.

Elle participe avec le Medef (patronat français) à un projet d’insertion professionnel pour les femmes en difficulté.

* Paru dans El Watan, le 17.03.11 :
http://www.elwatan.com/actualite/qu...

Nadjia Bouzeghrane

Journaliste, El Watan

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