Édition du 17 juin 2025

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Israël - Palestine

La dernière ruade en date du gouvernement Nétanyahou

Jeudi le 12 juin, le gouvernement de Benyamin Nétanyahou a lancé une attaque contre les installations nucléaires présumées de Téhéran afin d’empêcher le régime des mollahs d’arriver à se doter d’un arsenal de ce type. Les dégâts sont déjà considérables, des responsables militaires et scientifiques iraniens ont été tués.

Pour l’instant, on peut difficilement se prononcer sur l’efficacité réelle de cette offensive. C’est pourquoi il faut s’attendre à toute une série de bombardements aériens supplémentaires israéliens sur le territoire de la République islamique dans la foulée de ceux qui ont déjà commencé.

Le but de l’extrême droite au pouvoir à Tel-Aviv est double : d’abord anéantir toute possibilité pour le gouvernement des mollahs d’accéder à la puissance nucléaire et ensuite pousser la population à répudier le régime réactionnaire en place depuis 1979.

Si le premier objectif (liquider le potentiel nucléaire iranien) est réalisable, le second est beaucoup plus incertain. Nétanyahou et consorts misent sur le mécontentement d’une bonne partie de la population iranienne à l’endroit du régime des mollahs pour qu’elle se révolte contre eux et les renverse. Nétanyahou espère qu’elle le remplacera par un régime davantage bon- ententiste vis-à-vis d’Israël. C’est la stratégie de l’écoeurement fondée sur des bombardements aériens répétés. D’ailleurs, le premier ministre israélien et divers porte-paroles gouvernementaux répètent que l’offensive ne fait que débuter et qu’elle se poursuivra encore longtemps. Et pourtant...

Si on y réfléchit, on se rend compte qu’il est peu probable que les mollahs veuillent se doter de l’arme nucléaire pour annihiler Israël, en dépit de leurs déclarations sonores et percutantes à ce sujet ; en effet, l’État hébreu dispose d’un important arsenal nucléaire et il serait en mesure de rendre la pareille instantanément à son ennemi si ce dernier prenait l’initiative suicidaire de lancer des missiles nucléaires sur le territoire israélien. Téhéran ne peut qu’en être conscient. Ce serait la destruction mutuelle assurée. Plus vraisemblablement, si la direction iranienne veut acquérir l’arme suprême, c’est plutôt pour asseoir son hégémonie régionale par rapport à ses voisins arabes, tous des ennemis pour différents motifs. La rhétorique belliqueuse iranienne anti israélienne relève plutôt du discours creux, de la justification spécieuse.

La manière forte utilisée par Tel-Aviv pour inciter les Iraniens à se débarrasser de leur gouvernement laisse aussi planer un sérieux doute sur la faisabilité de cet objectif. Il faut ici rappeler que le régime dictatorial du chah a été renversé en 1979 en raison de son extrême impopularité. Les Iraniens et Iraniennes en conservent donc un mauvais souvenir. Ils se sont révoltés à cette époque sans aide militaire extérieure. Dès lors, par quoi remplacer le régime des mollahs qui a pris sa place ?

Par ailleurs, les citoyens et citoyennes de la République islamique n’éprouvent pas davantage de sympathie pour l’État hébreu que les autres populations de la région. L’utilisation-surprise par Israël de la force militaire pour les "inciter" à chasser du pouvoir le régime réactionnaire des mollahs risque plutôt de produire le résultat inverse.
Dans ce contexte, les Iraniens ne peuvent donc pas voir Israël comme un libérateur mais plutôt comme un agresseur. Par conséquent, la majorité d’entre eux est susceptible de faire front commun avec son gouvernement contre l’ennemi traditionnel. Il y a de fortes chances qu’elle mette de côté, au moins temporairement, ses griefs contre le gouvernement pour faire front commun avec lui afin de repousser les attaques israéliennes.

On peut prévoir, vu la distance géographique qui sépare Israël de l’Iran, que Nétanyahou et son état-major vont mener essentiellement une guerre aérienne. En effet, l’envoi d’une armée israélienne en Iran est pratiquement impossible, vu que deux pays bordent l’État hébreu, la Jordanie et l’Irak, qui ne permettraient certainement pas le passage de troupes israéliennes sur leur territoire pour gagner l’Iran.

Or, il ne suffit pas de bombarder un pays pour que son gouvernement s’effondre. Il faut y envoyer de l’infanterie et des chars d’assaut. Malgré les bombardements aériens de la Luttwaffe sur la Grande-Bretagne en 1940 et 1941, le pays a résisté avec succès, car il ne fut pas possible de faire traverser la Manche à la Wermacht. Ensuite, il a fallu l’invasion de l’Allemagne pour abattre le régime nazi et enfin, le Japon n’a cédé qu’à l’arme atomique. Les intenses bombardements aériens n’ont pas poussé les populations allemande et japonaise à faire pression sur leurs gouvernements respectifs pour qu’il capitule.

Par conséquent, il est douteux que le pilonnage aérien israélien fasse chuter le régime de Téhéran. Même si Tel-Aviv parvenait à expédier en Iran des effectifs importants, ceux-ci subiraient de très lourdes pertes, ce qui traumatiserait la population israélienne et l’inciterait sans doute à répudier le gouvernement Nétanyahou.

Tsahal éprouve déjà beaucoup de difficultés à vaincre les maquisards du Hamas à Gaza, en dépit de sa supériorité numérique et technologique ; elle a perdu jusqu’à maintenant environ mille soldats dans ce petit territoire. Si l’armée israélienne tentait d’envahir un pays très vaste et densément peuplé comme l’Iran, le résultat s’avérerait certainement désastreux pour elle et ruineux pour l’État hébreu.

La seule option qui demeure donc pour la clique de Nétanyahou consiste à poursuivre les bombardements aériens sur l’Iran, mais cette méthode comporte ses limites, comme on l’a vu. Par ailleurs, l’Iran a déjà commencé sa riposte sur le territoire israélien avec des missiles balistiques, laquelle s’intensifiera à mesure que le conflit s’éternisera. En dépit du "dôme de fer" censé protéger la population et le territoire de l’État hébreu, on peut croire qu’à la longue, les dégâts humains et matériels seront considérables.

L’extrême droite israélienne a lancé son pays dans une impasse à l’issue imprévisible. Une double hypothèse est envisageable : soit que les bombardements aériens cessent après avoir atteint leur objectif d’annihiler le potentiel nucléaire iranien, soit qu’ils se poursuivent faute de certitude d’avoir atteint cet objectif et afin de contraindre les Iraniens à renier leur gouvernement.

Cette nouvelle embardée du gouvernement israélien illustre bien une constante propre à la politique régionale israélienne : accumuler les victoires militaires, mais qui ne se changent pas en acquis politiques. Tout est toujours à recommencer.

La résilience de la résistance palestinienne le prouve amplement.

Jean-François Delisle

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