Édition du 17 juin 2025

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Pour la presse israélienne, l’opération Rising Lion est “une guerre de survie, pas de diversion”

En ce troisième jour de guerre entre l’État d’Israël et la République islamique d’Iran, la presse hébraïque, même celle hostile à Benyamin Nétanyahou, soutient globalement l’opération massive déclenchée par le Premier ministre israélien contre le régime de Téhéran. Avec quelques bémols.

Tiré de Courrier international. Légende de la photo : Des secouristes dans les décombres d’un immeuble à Bat Yam, en Israël, touché par un missile iranien le 15 juin 2025. Photo Ronen Zvulum/Reuters

Entre fascination et inquiétude, la presse israélienne se montre globalement favorable à l’opération Am K’Lavi (Rising Lion, dans sa version anglophone internationale) lancée tous azimuts contre l’Iran par Tsahal (armée israélienne) et longuement préparée par l’Aman (renseignements militaires) et le Mossad (services secrets extérieurs).

Dans Yediot Aharonot (droite indépendante), Nahum Barnea, d’habitude peu porté sur le lyrisme, écrit un éditorial assez représentatif d’une majorité de l’opinion juive israélienne, malgré les nombreuses victimes civiles juives et arabes israélienne. “Il y a des peuples qui fuient la guerre et se ruent en masse vers les aéroports. Mais il existe un peuple qui s’obstine à réagir différemment, le peuple d’Israël. Quand une guerre éclate, il cherche, par tous les moyens et à n’importe quel prix, à réintégrer son foyer. Comme les autres peuples, beaucoup d’Israéliens ont la tête dans les nuages. Mais, dans leur majorité, ils gardent les pieds sur terre, notre terre, notre pays, notre seule patrie.”

“Une décision à la Ben Gourion”

Pour l’éditorialiste de Yediot Aharonot, la décision de déclencher la guerre appartient entièrement à un Benyamin Nétanyahou longtemps raillé par ses opposants pour sa répugnance à déclencher des guerres lourdes en coût humain. “Mais voilà, il vient de prendre une grave décision, une ‘décision à la Ben Gourion’ [fondateur travailliste de l’État d’Israël] et dont il assume ouvertement la responsabilité. Les Israéliens, toutes opinions confondues, devraient le féliciter de l’anéantissement d’une partie non négligeable du programme nucléaire iranien. Et il serait bon que le régime iranien tombe dans les poubelles de l’Histoire.”

Nadav Eyal, toujours dans Yediot Aharonot, enfonce le clou.

  1. “La manière dont Israël a lancé cette guerre rappelle furieusement celle de la guerre des Six Jours [juin 1967]. Comme en 1967, le lancement d’une opération aérienne massive et inouïe a conduit à un effondrement extraordinaire et inattendu de l’espace aérien ennemi.”

Mais le risque existe de voir la République islamique intensifier ses représailles et attaquer d’autres États de la région, “ce qui pousserait les alliés occidentaux à se joindre à Israël, jusqu’à ce que Téhéran reconnaisse officiellement que ça suffit”. Quoi qu’il en soit, ce sont les États-Unis qui, quel que soit le scénario, “siffleront la fin du match”.

Vers un renversement du régime iranien ?

Un point de vue partagé par Ben Caspit dans Maariv. “Ceux qui, en ce moment, continuent de chercher des poux à Nétanyahou sont aveugles ou irresponsables.” Comparée à ce qui se passe aujourd’hui dans la bande de Gaza, l’offensive contre l’Iran est devenue une “milhemet ein breira [une guerre non choisie]”, la République islamique étant parvenue au seuil du nucléaire militaire. “Malgré tout le mal que, à juste titre, une majorité d’Israéliens éprouvent envers Benyamin Nétanyahou, ils devraient, du moins aujourd’hui, lui savoir gré d’avoir déclenché une guerre de survie, pas de diversion. Et tant pis si c’est au prix d’un regain de légitimité pour le Premier ministre, ce dernier ayant eu le cran de s’attaquer frontalement à un régime qui est la Mère de tous nos ennemis.”

Dans ce quasi-consensus en faveur de l’opération Am K’Lavi, certaines voix dissonantes se font entendre. Dans Ha’Aretz, Zvi Barel estime que Benyamin Nétanyahou n’a pas renoncé à l’ambition “insensée” de neutraliser voire de détruire le régime iranien.

  1. “Il s’agit d’une aspiration pour le moins démesurée, surtout au vu de l’échec relatif de l’objectif d’une victoire israélienne totale à Gaza.”

La “promesse céleste” (havtaha shmeymit) d’éliminer le régime iranien peut être excitante, mais il convient de noter qu’elle n’offre “aucune garantie quant à l’identité du régime iranien qui remplacerait celui de la République islamique”. Si la guerre israélo-iranienne devait s’éterniser, le pire serait à venir, à savoir “un renforcement des factions messianistes israéliennes et iraniennes”.

Une inquiétude partagée par la chroniqueuse Tal Schneider dans Zman Yisrael (centriste).

  1. “Quels sont les objectifs réels de la guerre actuelle ? À ma connaissance, personne ne parle, du moins officiellement, d’un renversement du régime iranien.”

Mais, affirme-t-elle, “officieusement, il semblerait que ce soit l’intention du gouvernement Nétanyahou”. Pour la chroniqueuse, les dirigeants israéliens seraient bien inspirés de laisser le choix au peuple iranien de mener lui-même un tel renversement. Le gouvernement israélien devrait concentrer ses efforts sur la destruction du projet nucléaire iranien, pas sur la destruction du régime, “un objectif qui embourberait Tsahal dans le sol iranien, une guerre sans fin et dont notre armée n’a tout simplement pas les moyens techniques et humains”.

Pascal Fenaux

Pascal Fenaux

Auteur pour Courrier international.

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