Édition du 29 avril 2025

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Le mouvement des femmes dans le monde

La grève féministe, un outil et un mouvement de fond pour tout changer

Les collectifs de la Grève féministe ont convoqué une grève générale féministe pour le 14 juin 2023. Ces mobilisations s’inscrivent dans un mouvement international durable au sein duquel la pratique de la grève devient un outil central de mobilisation mais aussi un horizon organisationnel.

photo : Grève féministe 2021, Genève

Photo et article tirés de NPA 29

Les mouvements féministes de cette dernière décennie se caractérisent, sur le plan international, par des mobilisations prenant la forme de grèves féministes. À la suite de l’appel du collectif argentin Ni Una Menos et de la grève féministe générale organisée en Pologne en 2016 contre l’interdiction de l’avortement, des milliers de femmes, des personnes queer, noirexs, indigènexs, migrantexs se mettent en lutte contre les formes d’exploitation capitalistes, (néo)coloniales et patriarcales qu’ielles subissent.

Cette déferlante, non seulement ravive les énergies militantes et brise l’isolement domestique, mais élargit la notion classique de grève ouvrière, en visiblisant le travail ménager et éducatif non payé sans lequel le travail salarié serait impensable. Arrêt de tout travail, marches, manifestations, boycotts, fermetures de magasins, occupations, pauses prolongées, bras croisés : le répertoire d’action de la grève féministe est sans limite.

L’hétérogénéité de ces mouvements, leur portée internationale et internationaliste et leur ancrage dans la durée constituent leur force. Cet élan, alliant créativité et radicalité, en fait un féminisme de masse, dont l’agenda et le langage lui sont propres.
Réinvention de la pratique de la grève par les luttes féministes

La grève, outil traditionnel du mouvement ouvrier organisé, est un acte de résistance qui a pour objectif de bloquer la continuité de la production capitaliste comprise comme un rapport social. Or, qu’advient-il de la pratique de la grève lorsqu’elle est réappropriée ou « déterritorialisée » selon les termes de la philosophe argentine Verónica Gago ? La grève féministe agit comme un outil de visibilisation et de valorisation des formes de travail précaires, informelles ou domestiques.

L’élargissement de l’outil de la grève mobilisé à la fois par les syndicats et par le mouvement féministe permet de redéfinir les frontières grises de la notion de travail et étend cette réalité au travail non-salarié. Depuis la perspective de l’insubordination, la grève fait la lumière sur les producteuricexs de valeurs, non reconnuexs et/ou non payéexs, dont le travail ne peut plus être considéré comme subsidiaire au travail salarié, car il est au cœur des nouvelles formes d’exploitation, de précarisation ainsi que de la dégradation des conditions de vie premièrement des femmes et personnes queer.

En mobilisant aussi bien les travailleureusexs historiquement reconnuexs comme une classe que cellexs dont le travail est systématiquement invisibilisé, la grève féministe redéfinit la notion de travail et transforme les victimes acculées par les violences systémiques en sujets politiques actifs.
Touxtes organiséexs en grève

Ensuite, la grève féministe constitue également un horizon organisationnel. Notre horizon politique détermine notre manière de construire notre action, nos revendications et la mobilisation. La grève ne connaît pas de temps précis ni de géographie située, elle devient une pratique au jour le jour, une nouvelle perspective politique sur le court et long terme. Elle se construit simultanément dans plusieurs espaces, dans des configurations adaptées et adaptables pour la réalité de chacunex.

Organiséexs localement avec des coordinations bien plus larges et une volonté politique qui dépasse toute frontière. À l’échelle internationale, les mouvements féministes s’alignent sur des modes d’organisation similaires, des pratiques et des codes partagés. Une coordination transnationale spontanée, issue de notre dénonciation commune des violences et au recours à la grève comme contestation de celles-ci.

Parce qu’à côté des patron·ne·s et des horaires clairement identifiés existe aussi le travail sans patron ni horaire, la grève féministe ne se limite pas à une consigne des directions syndicales, mais devient une recherche concrète et située de modus operandi englobant une multitude de réalités. Elle bloque, sabote ou défie chaque coin et recoin de la maison à l’office, en passant par la rue. Elle déplace ainsi incontestablement la dynamique de la grève ouvrière classique, qu’elle englobe et élargit.
Marianne Ebel Clara Almeida Lozar
https://solidarites.ch/

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