Édition du 26 mars 2024

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Québec

La mobilisation printanière pour le parc nature dans Hochelaga-Maisonneuve

Pour gagner contre les containers et le ciment, une large coalition s’impose.

Par un temps maussade mais dans la bonne humeur nous étions bien quelques centaines à riposter à l’arrogance de l’entreprise Ray-Mont Logistique qui met en place dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve de Montréal une plateforme de transbordement rail-camions à quelques centaines de mètres d’un CHSLD, d’une coopérative d’habitations et de plusieurs résidences (voir l’album de photos).

Cette plateforme, Ray-Mont la construit par couches successives pour jouer au chat et à la souris avec les divers niveaux de gouvernement devant accorder divers permis (Ville de Montréal et Québec) et assurer diverses collaborations pour opérer (Ottawa par le Port de Montréal et le CN, et Québec par le ministère des Transports) qui se prêtent au jeu.

La Ville de Montréal a manipulé l’association citoyenne Mob6600-ParcNature pendant des années avec ses consultations bidons et ses procès perdus d’avance afin de la démobiliser. Dernièrement c’est au tour du ministère de l’Environnement du Québec de jouer le chaud et le froid. Il exige de Ray-Mont une étude de bruit pour mieux finalement avouer qu’il ne procèdera pas à un processus BAPE que la loi pour ce genre de projet rend facultatif. Le manque de sérieux de ces tours de passe-passe est tellement évident aux yeux de l’entreprise qu’elle a malgré tout commencé ses bruyantes opérations qui cet été créeront, en plus, un ilot de chaleur. Ce qui oblige les personnes citoyennes riveraines à multiplier les dénonciations auprès des autorités compétentes pour qu’elles fassent tout simplement respecter la loi… ce dont jusqu’ici fait fi Ray-Mont.

Des atouts favorables malgré une collusion mur-à-mur des gouvernements et des affairistes

Comme quoi l’association citoyenne non seulement doit-elle faire face à la petite transnationale québécoise Ray-Mont qui opère en Colombie britannique et aux ÉU, mais aussi à l’hypocrisie de Projet-Montréal, aux pirouettes de la CAQ qui donne une tape sur les doigts à Ray-Mont tout en lui donnant l’accolade et au condescendant silence jupitérien des Libéraux fédéraux qui foncent droit devant avec le viaduc du Port de Montréal sous leur juridiction. Et on vient d’apprendre qu’on aura droit à un comité gouvernemental tripartite pour noyer le poisson de la seule solution acceptable, le rachat ou l’expropriation de Ray-Mont et le démantèlement du viaduc en construction sur la rue Notre-Dame. Ce viaduc joignant le port à la très grande friche dont le terrain de Ray-Mont est une composante importante, sert de poignard en son sein pour permettre l’envahissement de la friche par un prolongement d’autoroute sur la liste prioritaire de projets de relance de la loi 61, d’un prolongement d’une rue et, probablement, pour une bretelle de desserte pour Ray-Mont, ce à quoi s’ajusteront des rails du CN.

On pourrait juger qu’une association citoyenne de quartier ne viendra jamais à bout de pareille collusion à laquelle on pourrait ajouter le monde des affaires client du Port de Montréal et qui peuple son conseil d’administration. La situation objective est en fait moins dramatique qu’il ne paraît. L’ennemi est certes total pourrait-on dire mais l’enjeu pour lui est secondaire sauf peut-être pour Ray-Mont. Le rejet de la plateforme Ray-Mont aurait un effet marginal sur les affaires
et intérêts de cette collusion. Le rejet du viaduc et ses conséquences serait un peu plus sérieux car il facilite la circulation des camions du port mais encore là il n’y a rien de dramatique. Ce n’est pas l’équivalent, par exemple, de l’enjeu de l’extension du Port sur la Rive sud à Contrecoeur dont le rejet ébranlerait les fondements croissancistes de la marchandise transitant par le Port de Montréal. L’autre vent favorable à la lutte citoyenne est la brise de l’engouement populaire pour les espaces verts particulièrement en ville et encore plus dans les quartiers populaires où les énergivores maisons unifamiliales et leurs cours privées n’abondent heureusement pas. C’est là un plus écologique en termes climatique et de la biodiversité en autant qu’il soit équilibré par une abondante nature collective accessible allant de l’aire protégée aux jardins communautaires en passant par la forêt urbaine, soit ce parc nature revendiqué par l’association citoyenne.

Une coalition locale bien organisée et combative mais qui ne saurait vaincre sans s’élargir

Le facteur crucial pour la victoire demeure cependant la mobilisation citoyenne avec ses affichages, réseaux sociaux, pétitions et manifestations qui ne se dément plus après qu’elle se soit un moment éclipsée parce qu’obnubilée par la concertation municipale et son apparent parti-pris tout électoraliste en faveur du regroupement citoyen. Cette mobilisation, qui s’est culturellement enracinée, de plus en plus relayée sur la scène médiatique montréalaise tient en alerte l’ennemi mais ne fléchit pas pour autant l’avancée de l’asphalte, des containers et du ciment. Il faut manifestement aller au-delà du confort de la coalition des personnes riveraines et sympathisantes. On connaît l’enthousiasme de la jeunesse pour la lutte climatique et pour celle de la biodiversité… mais qui manque souvent de concrétude. On se dit que les contacts déjà amorcés avec les jeunes du Cégep Maisonneuve pourraient se transformer en un réseau de mobilisation autour d’un noyau militant. On se dit aussi que l’envenimement de la crise du logement populaire qui taraude les quartiers limitrophes à la friche pourrait voir dans la lutte pour le parc nature un débouché pour lequel lutter si Mob6600-ParcNature réservait une petite place dans son plan à un projet de logements sociaux écoénergétiques avec jardins communautaires.

On en est là. Baigner dans son jus même s’il goûte bon ne sentira probablement pas la victoire. Ce qui deviendra sans doute patent le lendemain des élections nationales d’octobre prochain quand le béton sortira du sac. L’alternative est l’inconfort d’une large coalition étudiante et populaire… et peut-être vaudrait-il la peine de contacter le syndicat des débardeurs du Port de Montréal qui est à couteau tiré avec l’employeur suite à un conflit non résolu.

Marc Bonhomme, 10 avril 2022
www.marcbonhomme.com ; bonmarc@videotron.ca

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