Édition du 11 novembre 2025

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La visite royale perpétue la déférence envers un pouvoir sans droit de regard

La plupart des Canadiens acceptent sans mot dire la légitimité d’un pouvoir public-privé qui ne relève d’aucune autorité. Alors que les souvenirs de la fête de la Reine s’estompent, les monarchistes sont peut-être déjà en train de répéter leurs révérences pour la visitedu roi Charles et de la reine Camilla, les 26 et 27 mai.

Tiré de Canadian Dimension

Mardi 27 mai 2025 / DE : Morgan Duschesney
Traduction Johan Wallengren

Ce genre de visite m’incite à remettre en question tant la valeur que la raison d’être de la royauté. Je ne ressens aucune loyauté personnelle vis-à-vis de ces riches étrangers dont les aïeux sans scrupules ont cruellement opprimé les ancêtres de nombreux Canadiens, y compris les miens. Néanmoins, le gouvernement canadien et de nombreuses institutions restent épris de la monarchie, faisant fi des pans sombres de son histoire.

La visite de Charles me rappelle que la plupart des Canadiens acceptent sans mot dire la légitimité d’un pouvoir public-privé ne relevant d’aucune autorité. Cette déférence continue de faciliter la violence militaire perpétrée pour protéger et accroître la rentabilité de sociétés transnationales, tandis que d’innombrables vies, voire des cultures, sont détruites.

Pareille vénération contribue à expliquer la présence persistante de figures royales archaïques dont les rôles publics sont souvent défendus à tort comme étant simplement cérémoniels plutôt qu’idéologiques. À cet égard, il y a absolument lieu de faire ressortir certains faits concernant le roi actuel.

Le roi Charles et sa riche famille reçoivent encore de généreux subsides publics. Ce soutien financier, officiellement justifié par la popularité de la royauté en tant qu’attraction touristique lucrative, donne l’impression que la famille royale est devenue une entreprise commerciale ayant des liens étroits avec l’État. Or, cette entreprise touristique n’est que l’avatar le plus récent de la relation transactionnelle de la royauté britannique avec le gouvernement.

Il n’est pas vraiment plausible que la royauté britannique ait acquis ses richesses et possessions historiques en se pliant à des pratiques commerciales conventionnelles au lieu de recourir à la coercition économique et militaire. Pourquoi passer par des transactions légales lorsque votre pouvoir militaire réduit au silence ou écrase l’opposition faisant obstacle à vos desseins ?
Comme beaucoup d’hommes fortunés, Charles dévie une portion des revenus dont il a hérité vers des œuvres de bienfaisance, telles que des bourses d’études et des programmes pour la jeunesse. Cette modeste largesse n’est qu’une maigre réparation pour des siècles d’exploitation royale aux dépens de peuples sans chance de résistance à la domination britannique.

Sont dévolus à Charles, à titre de roi, la fortune privée de sa mère et les revenus annuels du duché de Lancaster. Son fils William héritera de sa fortune privée et de ses revenus annuels d’investissement de l’ordre de 30 millions de dollars provenant du duché de Cornouailles. Aucune tête couronnée n’est tenue d’utiliser ses fonds privés pour financer des activités publiques ; une subvention souveraine (Sovereign Grant) permet de voir à de telles dépenses.

Cette fameuse « subvention », qui permet de couvrir les dépenses royales, provient d’un « ensemble de propriétés et de fermes britanniques qui génèrent des centaines de millions de livres chaque année ». Le roi ou la reine « verse » les revenus en question au gouvernement britannique, qui en rétrocède un certain pourcentage aux fins de financement des fonctions royales. Comme cet apport ne suffit jamais à couvrir toutes les dépenses royales, le solde est payé par le contribuable britannique.

Contrairement à la perception du grand public, le roi Charles exerce un pouvoir politique important ayant une incidence sur la vie des Britanniques, des Canadiens et des autres citoyens du Commonwealth. Le monarque ou la monarquesse donne la sanction royale après l’adoption des projets de loi par le Parlement britannique – rôle qu’endosse le ou la gouverneur(e) général(e) au Canada, emblème du lien historique qui unit le Canada à la Grande-Bretagne.

Cependant, à cette prérogative d’assentiment royal dont bénéficie Charles s’ajoute le privilège du consentement royal, un processus par lequel le roi ou la reine «  est informé(e) à l’avance des projets de loi et invité(e) à les approuver ». Le consentement royal s’applique aussi bien aux pouvoirs fondamentaux de l’État qu’aux lois « touchant les revenus, les biens ou les intérêts de la couronne ».

Bien que les origines exactes de cette pratique ne soient pas claires, elle donne l’impression que la royauté, qui ne relève d’aucune autorité, peut s’immiscer dans les affaires parlementaires pour servir ses propres intérêts. Il n’existe aucune justification démocratique à un tel accès privilégié, surtout au regard des vastes propriétés et portefeuilles d’investissement dont est dotée la famille royale.

Lors de sa visite au Canada, le roi prononcera le discours du Trône, intervention personnelle qui est censée conférer de l’autorité à une déclaration gouvernementale qui sonnerait mieux si un citoyen canadien en faisait la lecture. Outre cela, il est attendu de Charles qu’il assiste aux habituelles démonstrations militaires et fasse un tour en carrosse doré. Il prendra également le temps de planter quelques arbres et de rencontrer le premier ministre.

Le prestige du roi est allé en se ternissant, mais il pourrait regagner un certain lustre en rencontrant Donald Trump, un personnage peu sûr de lui accro aux flatteries. Compte tenu de la vénération de Trump pour le statut social et le pouvoir, Charles pourrait peut-être réussir à atténuer l’hostilité du président américain à l’égard du Canada en traitant avec celui-ci d’égal à égal.

Tant que le roi Charles ne fera pas preuve d’une véritable noblesse en défendant publiquement des causes impopulaires telles que l’arrêt du génocide israélien à Gaza, aucun traitement de faveur ne devrait lui être réservé. Au contraire, qu’on le mette au défi d’expliquer son penchant pour des platitudes insipides alors que les gouvernements occidentaux soutiennent militairement, financièrement et diplomatiquement des régimes aux mœurs brutales.

Le silence public de Charles sur les atrocités commises en ce monde offense de nombreux Canadiens qui se voient obligés de payer ses frais de voyage, de subir des fermetures de routes et d’endurer les obséquieux commentaires des flagorneurs officiels et des monarchistes du privé qui se disputent la couverture des médias grand public.

Comme les vampires qui attendent à la fenêtre, les membres de la famille royale ont besoin d’une invitation pour entrer. Leur présence sur le sol canadien peut donc facilement être contrecarrée : il suffit de les ignorer. Malheureusement, les officiels canadiens ne sont pas prêts à assumer le coût politique inhérent au fait de traiter le roi comme un courant d’air.

Morgan Duchesney est un écrivain canadien et un professeur de karaté dont les travaux ont été publiés dans Canadian Dimension, Humanist Perspectives, Adbusters, Briarpatch, Shintani Harmonizer, Victoria Standard, Hampton Institute et Ottawa Citizen. En plus de ses écrits politiques, il a publié des travaux sur les arts martiaux ainsi que des nouvelles.

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