Édition du 26 mars 2024

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États-Unis

Le « Freedom Caucus » a battu le Président Trump et la proposition républicaine de loi de remplacement de l’Affordable Care Act

Les conservateurs les plus extrêmes peuvent prendre la Chambre des représentants en otage
Bill Moyers, In These Times, 29 mars 2017
Traduction : Alexandra Cyr

Le lendemain du retrait de Trumpcare (ou encore Ryancare du nom du président de la Chambre n.d.t.) la une du tabloïd New York Post se lisait ainsi : Y a-t-il un médecin dans la Chambre ?

Personne en vue, sauf une flopée de charlatans brandissant des couteaux de boucher plutôt que des scalpels qui venaient de réduire le corps politique à un désastre sanglant, le laissant entre la vie et la mort sur le plancher de la Chambre.
Est-ce la conception républicaine du gouvernement ?

À entendre les hurlements venant de l’autre bout de Pennsylvania Avenue (la Maison Blanche), on aurait pu croire que le Président venait de se faire amputer son égo. (…) Les mugissements et les aboiements n’étaient que ceux du Président au pire de son allure de King Kong, hurlant contre les Démocrates qui ont refusé de s’auto-détruire en votant pour le monstrueux plan d’assurance maladie concocté par les Républicains-es. Ce plan a été conçu à la Chambre seulement pour pouvoir se tourner contre lui et l’achever à la dernière minute.

Deux jours plus tard, D. Trump était de nouveau à l’attaque, se frappant la poitrine et « tweetant » comme un Dieu vengeur. Cette fois, il pointait directement les véritables méchants, les membres des groupes de réflexion républicains de droite, spécialement les 36 membres du soi-disant « Freedom Caucus » et les conservateurs les plus extrémistes de la Chambre.

Quand ces gars (il n’y a que des hommes dans ce caucus) votent en bloc, ils peuvent prendre la Chambre en otage et empêcher l’adoption de n’importe quelle législation qu’ils abhorrent. Croyez-moi, ils abhorrent toujours celles qui pourraient renforcer la liberté des femmes. Dans leur Chambre, « liberté » ne concerne absolument toujours que les hommes. Il faut voir la photo que le vice-président Pence a fièrement publiée le lendemain de sa rencontre avec eux : on n’y trouve aucune femme. Dans un pays où les femmes forment la majorité, nous avons donc un groupe de la liberté grossièrement non représentatif et qui défie la Chambre des représentants.

On peut remonter à janvier dernier. Le « Freedom Caucus » marchait à fond de train comme une équipe d’urgence (type SWAT) quand la Chambre a fait passer la première loi de l’ère Trump. Une loi contre l’avortement, rendant la procédure plus chère et plus difficile à obtenir. Cette loi récompense les assureurs privés s’ils retirent la couverture des frais d’avortement et interdit sa couverture dans les plans d’assurance des États, sauf en cas de viol, d’inceste ou de danger pour la vie. Elle empêche les femmes et les petites entreprises de percevoir des crédits d’impôt si leur plan d’assurance couvre les avortements. Vous voyez ? Ces gars ont horreur des fonds publics qui aident les pauvres à obtenir des soins de santé, mais ils se montrent généreux envers les entreprises qui refusent aux femmes leurs droits à la santé reproductive.

Ces amoureux de la « liberté-jusqu’à-un-certain-point » se sont objectés à l’intégralité du compromis du président de la Chambre, Paul Ryan, sur l’assurance maladie. Ils ne veulent tout simplement pas que le gouvernement s’en mêle, point à la ligne, mais ce qui les enrageait le plus, c’est la prévision de couverture pour les grossesses, les nouveaux-nés et les soins obstétriques. Cela fait partie des 10 « bénéfices essentiels de santé » couverts par l’ACA, (Obamacare), et que tout plan d’assurance maladie doit obligatoirement assurer. Ce groupe d’hommes blancs et soviétiques du « Freedom Caucus » ont exigé que ces 10 bénéfices soient retirés comme s’ils s’agissait de protubérances résiduelles et non de moyens de sauver des vies, de mesures qui soutiennent la santé des mères et de leurs enfants.
Le caucus voulait aussi la fin de l’appui aux droits reproductifs des femmes qui ont été durement gagnés de haute lutte par, entre autres par Planned Parenthood et par plusieurs groupes. Là-dessus, D. Trump a démontré sa proximité de pensée avec ses frères de la bande de droite de Capitol Hill. Un de ses premiers décrets interdit le financement, par le gouvernement américain, des organisations internationales qui insèrent l’avortement dans leurs interventions de planification familiale. Un peu plus tôt ce mois-ci, il a nommé deux délégués à la prochaine Commission des Nations-Unies sur le Statut des femmes. Ces personnes croient que l’accès au contrôle des naissances est : « contraire aux valeurs dont ont besoin les femmes dans le monde ». Pourtant, on évalue que 225 millions de femmes dans le monde voulant éviter des grossesses « manquent de contraceptifs fiables et sûrs ».
Avec ce mépris constant pour la liberté des femmes, il ne faut pas se surprendre que vendredi dernier, le Président Trump, ait fait un effort désespéré pour arriver à un compromis qui aurait pu faire adopter le plan. Il a proposé de retirer les 10 exigences inhérentes à l’ACA de la proposition de plan républicain. Peine perdue. Plutôt que de perdre un vote, Paul Ryan a décidé de retirer le projet du rôle. Il épargnait ainsi à son plan (ou Trumpcare ?) une ultime humiliation : être battu devant toute la population. Mieux vaut tuer derrière la grange que de donner un spectacle cruel au su et au vu de tous et toutes.

Digression : Le lendemain de cet épouvantable vendredi, le New York Times nous a apporté une analyse aidante sur le rôle du « Freedom Caucus ». Hélas, l’auteur ne nous donne pas le poids de l’argent dans l’événement. Il vient de trois grands donateurs de fonds au Caucus : le Club for Growth, un rassemblement de mégas contributeurs-trices dont la conception du « bon gouvernement » exige le secret sur les placements dans les paradis fiscaux ; Koch Industries, le vaste empire dirigé par les oligarques de droite, Charles et David Koch et l’American Bankers Association, considérée le plus grand groupe de commerce financier du pays.
Le réseau Koch est donc allé aussi loin que de garantir leur soutien aux membres du « Freedom Caucus » et aux autres conservateurs qui bloqueraient la voie au Président et à Paul Ryan. Les frères Koch veulent le retrait pur et simple de l’ACA et sont prêts à en payer le prix.

Comme Kevin Robillard le rapporte dans Politico, ils ont promis un fonds de réserve pour aider ces opposants, si jamais des adversaires fidèles à D. Tromp et à P. Ryan se présentaient contre eux aux prochaines primaires. Un de leurs mercenaires présente ainsi la chose : « Nous voulons être sûrs que les législateurs-trices comprennent bien les conséquences d’un vote qui maintiendrait l’ACA en place telle quelle. Nous sommes connus pour faire le suivi (de ces votes) et d’en rendre les politiciens-nes responsables ; mais nous serons aussi là pour soutenir et remercier les champions-nes qui se seront tenus-es debout, solides, et auront rempli leurs promesses ».

Envers qui les promesses ? Le public ou les ploutocrates ? Chris Carson, la présidente de la League of Women Voters, était indignée quand elle a pris connaissance de l’offre des frères Koch. La ligue s’oppose aussi au plan d’assurance maladie des Républicains-es pour d’autres raisons. Mme Carson souligne : « La population américaine a longtemps pensé que les grandes contributions aux campagnes électorales n’étaient rien d’autre que des pots-de-vin. Ce qui se passe aujourd’hui, démontre que c’est vrai. Donnez-moi votre vote et je vous donnerai de l’argent. C’est inacceptable ».

Revenons à notre affreux vendredi. Pour ainsi dire, trompé par son propre parti, le Président toujours furieux, « tweetait » dimanche, à ceux et celles qui le suivent, de visionner une certaine émission de nouvelles animée par Jeannine Pirro. Elle allait y interpeler Paul Ryan, l’allié de D. Trump le vendredi précédent, et lui demander de démissionner de son poste de président de la Chambre.

Allo Donald Trump ! On peut imaginer tout le plaisir qui lui serait apparu sur le visage, sous sa superbe chevelure, s’il avait été le véritable César, montant au Colisée et désignant du pouce le gladiateur qui doit vivre, puis celui qui doit mourir et, pour le seul plaisir sadique de le faire, inversant le choix. Mais il n’est qu’un faux César !

sait si cette débâcle de vendredi n’était pas celle qu’il voulait depuis le début ? Cet homme se meut dans le chaos, la cruauté et le chahut. Il détestait l’existence de B. Obama qu’il a accusé d’être « le Kénian qui s’est hissé jusqu’à la Présidence sans même avoir un passeport ». Quoi de mieux pour satisfaire son insatiable besoin de spectacle que de jouer du violon pendant que l’Obamacare est détruit, brûlé en apportant peines et souffrances à des millions de personnes.
Vendredi, il a clairement exprimé ses tendances quand il a dit au Washington Post : « La meilleure politique est de laisser Obamacare exploser ». Ainsi, les Démocrates seraient à blâmer, le Président pourrait partir pour Mar-a-Lago et considérer sérieusement comment il pourrait faire de nouveaux dégâts à l’avenir.
Comme on l’a dit d’un précédent Président : « Après tout, il a des pouvoirs particuliers comme assaillant, mais, presque toujours, lorsqu’il est attaqué, il répond en déclarant la guerre à ses accusateurs. Par-dessus tout, il possède un instinct aussi infaillible pour attaquer les artères vitales que peut l’avoir un animal carnivore ».

C’est la description que donnait le représentant du Massachusetts, Rufus Choate, du Président John Quincy Adams, tout en soulignant aussi une qualité que Q. Adams possédait et que ne possède pas D. Trump : « Un trésor caché de faits sur lesquels il peut toujours s’appuyer ». La poignée de « faits alternatifs » de D. Trump ne comptent pour rien. Aucun ne l’a jamais arrêté.

C’est Mme Pelosi, leader de la minorité démocrate en Chambre, qui a eu le meilleur mot. Elle a déclaré que le plan d’assurance maladie républicain : « faisait du fait d’être une femme une condition préexistante ». (C’est la raison invoquée par les assureurs pour ne pas rembourser certains soins. N.d.t.).

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