Édition du 10 décembre 2024

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Québec

Le Nouveau Parti Démocratique du Québec : l'inconnu dans la maison

Dans le précédent numéro de Presse toi à gauche (édition du 12 au 18 mars), j’abordais sommairement et trop partiellement les raisons de l’insuccès persistant du parti au Québec. J’y confondais plus ou moins le NPD fédéral et son "petit frère" provincial. Il importe de bien les distinguer l’un de l’autre et de relater plus précisément l’évolution du parti au Québec.

Le Nouveau Parti démocratique du Québec a été fondé en 1963 par des syndicalistes, ceux de la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ) et par des militants francophones du Parti social démocratique du Québec, une petite formation de gauche. Il formait donc à ses débuts la section québécoise du NPD fédéral et le demeurera jusqu’en 1988. À ce titre, il a participé aux scrutins fédéraux et provinciaux. À celui, fédéral de 1965 par exemple, il est allé chercher 12% des voix au Québec ; en 1968, 7%. Il exerçait ses activité exclusivement comme antenne du parti frère fédéral dans la "Belle province". Le Parti socialiste du Québec (PSQ) lui, proche du NPD, se chargeait de défendre la social-démocratie dans le cadre provincial, conformément à l’entente conclue avec le NPD d’Ottawa en 1963. Mais le PSQ "s’évapora" vers 1968.

Il faut dire qu’en cette époque farouchement nationaliste qui voyait la montée en puissance du mouvement souverainiste (fondation du Rassemblement pour l’indépendance nationale en 1960 et surtout celle du Parti québécois en 1968), la conjoncture n’était guère favorable pour un parti de centre-gauche fédéraliste.

Le Nouveau Parti démocratique du Québec consacra donc l’essentiel de ses énergies à la politique fédérale au cours des années 1970 et au début de la suivante. Il négligea la question nationale québécoise et insista plutôt sur une meilleure répartition de la richesse produite. Mais une bonne partie de la gauche se rallia au Parti québécois qui offrait le double avantage de promouvoir l’émancipation nationale du Québec et une forme de social-démocratie, du moins en théorie. La personnalité charismatique de René Lévesque y était pour quelque chose.

S’en rendant compte et pour ne pas abandonner tout le terrain de la politique provinciale "de gauche" au Parti québécois, le NPDQ y a fit quelques timides incursions, par exemple un petit nombre de candidats aux élections de 1970. Par la suite, il ne présenta plus de candidats aux scrutins provinciaux.

Les néodémocrates n’avaient rien d’inspirant pour l’électorat, en particulier les jeunes. Quelques chefs furent élus (comme Raymond Laliberté, ancien syndicaliste et président de la Corporation des enseignants du Québec de 1971 à 1973, Henri-François Gautrin de 1973 à 1979) mais non seulement leur personnalité était plutôt terne, mais ils ne comprenaient pas l’attrait de l’idéal souverainiste auprès d’une importante fraction de la jeunesse. Le parti tenta une nouvelle expérience électorale en 1976 mais subit un nouvel échec.

Toutefois, malgré tout influencée par l’ambiance très nationaliste de cette époque, le parti milita pour la reconnaissance du droit à l’autodétermination du Québec, ce qui influença à son tour une partie des membres du grand frère fédéral, mais que le congrès fédéral rejeta en 1977. Cependant. le congrès revint sur sa décision en 1983 et affirma le droit du Québec à l’autodétermination. Il devint ainsi le premier parti fédéral à affirmer cette reconnaissance.

Au milieu des années 1980, la direction du parti provincial jugea qu’il existait un vide au Québec. À l’époque, le gouvernement péquiste de René Lévesque se trouvait discrédité par l’échec du référendum de mai 1980 et surtout par les politiques budgétaires très restrictives imposées sans préavis par le cabinet Lévesque de 1981 à 1985. On estima donc au sein des cercles néodémocrates que le temps était peut-être propice pour détrôner le Parti québécois. Le NPDQ résolut donc de dédoubler sa mission : tout en demeurant une section provinciale du NPD fédéral, il s’investit sur la scène politique provinciale.

À partir de 1984, on procéda donc à une tentative de relance, non sans un certain succès : un nouveau chef, Jean-Paul Harney, ex député du NPD à la Chambre des Communes de 1972 à 1974 et surtout en 1985, la mise sur pied officielle de la nouvelle version du NPDQ qui occupa dès lors tout le champ politique, tant provincial que fédéral. Ce parti "relooké" présenta des candidats aux scrutins provinciaux de 1985, 1989, 1994 et 1998 avec divers succès mais dans tous les cas très modestes.

Au plan constitutionnel, pour se mettre en phase avec l’importante frange nationaliste et profiter de la mise en veilleuse de l’option souverainiste par le successeur de René Lévesque, Pierre-Marc Johnson, il affirma aussi son rejet de la Loi constitutionnelle de 1982. Il défendit cette position lors du scrutin de 1985. Il bénéficia aussi de la croissance du nombre de ses membres, ce qui n’en n’a pas fait pour autant un parti de masse comme l’avait déjà été le Parti québécois dans les années 1970.

Lors des élections fédérales de 1988, il recueillit 14% des votes au Québec. Dans les sondages, il grapillait de 10% à 17% des intentions de vote en 1987-1988. Il connut même une pointe de 22% en octobre 1987 à égalité avec le Parti québécois, quelques semaines avant le décès de René Lévesque.

En avril 1989, lors d’un congrès d’orientation, il adopta le principe d’une rupture des liens structurels avec les NPD fédéral. Par la même occasion, le parti y réaffirma sa position de 1985 sur le droit à l’autodétermination du peuple québécois Assortie d’une nouvelle association politique avec le Canada. Il concentra donc désormais tous ses efforts sur la scène politique provinciale. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, cette rupture ne scandalisa pas la direction du parti à Ottawa, vu que les divergences de vues entre les deux ailes créaient souvent des frictions entre elles. L’année suivante, le retour au pouvoir de péquistes sous Jacques Parizeau diminua encore sa marge de manoeuvre.
"À quoi bon appuyer un petit parti indépendantiste alors qu’un grand parti souverainiste vient de conquérir une majorité parlementaire ?" durent se dire bon nombre d’électeurs et d’électrices péquistes. En tout cas, le NPDQ ne recueillit à cette occasion que 1% des votes.

En 1995, le NPDQ devint (ou redevint) le Parti de la démocratie socialiste ; retour en un sens à la période 1963-1968. Il appuya bien sûr le OUI à la souveraineté en octobre 1995, mais on peut douter de son influence sur le résultat de ce nouveau référendum.

Le 7 septembre 2002, il intégra la coalition de l’Union des forces progressistes (UFP) pour se fondre ensuite dans Option citoyenne en 2006. (Précisons qu’il ne se fonde pas dans Option citoyenne mais fusionne avec pour devenir QUébec Solidaire : Presse toi à gauche) Il n’exista plus de 2006 à 2014.

À la suite du succès inattendu du NPD en 2011, des militants et militantes envisagèrent de relancer de relancer le parti sur la scène politique provinciale, mais sans la souveraineté.

Il fut donc "refondé" le 30 janvier 2014 et son chef intérimaire était Pierre Ducasse, ancien bras droit de Jack Layton au Québec. À l’élection partielle de Louis-Hébert du 2 octobre 2017, il n’alla chercher que 1.3% des voix. Le 21 janvier 2018, Raphaël Fortin fut élu chef de la formation, poste qu’il conserve encore. Au scrutin de 2018, le parti présenta 59 candidats sur 125 comtés mais il ne recueillit que 0.5% des suffrages. En 2022, il n’aligna aucun candidat. Il est totalement absent de la scène publique.

Voilà dans les grandes lignes l’histoire du NPD au Québec. S’il a fait acte de présence depuis 1963, celle-ci ne se révéla guère significative. Il n’a jamais réussi à s’imposer. La conjoncture a souvent joué contre lui, mais même cet élément défavorable ne peut tout expliquer. Il n’a même pas su profiter des rares périodes positives qui se sont présentées à lui, comme ce fut le cas durant la décennie 1980. Au plan fédéral, il a du affronter la concurrence des libéraux fédéraux, et au provincial, celle du Parti québécois. Le retour au pouvoir du parti souverainiste en 1994 lui a porté un coup fatal. Même la tentative de relance de 2014 ne lui a pas permis de se relever.

L’explication fondamentale à tous ces échecs ne réside-t-elle pas en définitive dans l’incapacité persistante de ce parti à se brancher sur une idéologie nationale franchement québécoise ?

Jean-François Delisle

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