Édition du 26 mars 2024

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Politique québécoise

Le droit d'association : lutter pour s'associer et s'associer pour lutter

En plein cœur du Parc Lafontaine, à Montréal, la Ligue des droits et libertés lançait le 17 février son dernier bulletin sous le thème du droit d’association. Que ce soit dans les luttes environnementales, étudiantes, féministes, syndicales ou autres, se regrouper selon des intérêts communs est un important moyen dans le contexte sociopolitique actuel et il est bien souvent nécessaire pour faire face à de puissants lobbys ou à des injustices flagrantes.

Tiré du site d’Alternatives.

Le dossier de la Ligue arrive donc à point où les atteintes à ce droit se multiplient, allant « de l’adoption de lois antisyndicales à l’instrumentalisation du système judiciaire pour étouffer la mobilisation étudiante », note Lysiane Roch, responsable des communications à la Ligue des droits et libertés. Le bulletin est divisé en trois sections : les fondements, les obstacles, et lutter pour s’associer… s’associer pour lutter.

Devant une trentaine de personnes, trois des auteur-e-s, Georges LeBel, Andrée Côté et Natasha Labrèche, ont pris la parole pour expliquer ce qu’est le droit d’association, quelles sont les entraves qui lui sont faites et comment ce droit est utilisé.

Au Canada, droit ou liberté d’association…

L’article 2 de la Charte canadienne énumère les libertés fondamentales de chacun-e et la « liberté d’association », et non « droit d’association », s’y trouve. Pour les différent-e-s auteur-e-s, l’utilisation du terme « liberté » puise son origine dans un contexte historique et politique où « la liberté d’association émane des visions individualistes qui ont servi de base à (la) conception des libertés civiles », écrit Nathalie Des Rosiers, avocate générale de l’Association canadienne des libertés civiles.

Pour Georges LeBel, avocat à la retraite et professeur associé au département des sciences juridiques à l’UQAM, les différentes révolutions se sont basées sur des principes de liberté, d’égalité et de solidarité. Avec le temps, le principe de liberté s’est limité à sa portée individuelle. « Pour être indépendant en société, dit l’avocat, il faut des liens avec elle. Il faut plus de solidarité entre tous. » Ce qui lui fait conclure que « la liberté ne peut se réaliser que dans la solidarité », d’où la nécessité du droit de se regrouper pour assurer le respect des droits de toutes et tous.

S’associer, un pouvoir dangereux ?

D’un côté, la liberté d’association est une « liberté dangereuse » puisque les citoyen-ne-s réuni-e-s peuvent avoir un pouvoir immense et « ce pouvoir risque de menacer les libertés d’autrui et même de l’État lui-même », note dans son texte Finn Makela, professeur à la faculté de droit de l’Université de Sherbrooke. De l’autre côté, poursuit-il, ce droit à l’association est nécessaire pour la défense d’intérêts partagés. Cela explique pourquoi, dans la liberté d’association, « l’exercice collectif des droits et libertés individuels consacrés par la Constitution ou d’autres droits individuels est protégé ; mais une activité qui est un objet fondamental ou essentiel d’une association n’est pas protégée » (lire à ce sujet l’article de Nathalie Des Rosiers dans le bulletin de la Ligue).

Harper et le mouvement syndical canadien

Andrée Côté, agente responsable du Programme des femmes de l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC), a insisté sur les offensives du gouvernement conservateur visant le démantèlement de l’État providence. Mme Côté remarque que depuis que Stephen Harper est au pouvoir, les organismes représentant les droits des femmes, les organismes de défense des droits de la personne, les groupes environnementaux et le mouvement syndical subissent des compressions budgétaires. Un silence inquiétant émerge de la société civile qui désormais n’a que très peu de voix.

Tout comme dans d’autres domaines, le gouvernement canadien, qui attire désormais l’attention au niveau international pour ses attaques sur le droit d’association du mouvement syndical, agit à coup de lois. Dans le projet de loi C-10, il y a eu d’importantes modifications dans la Loi sur le contrôle des dépenses qui s’adresse à la Fonction publique fédérale, notamment en ce qui a trait aux augmentations salariales des travailleurs et travailleuses. En limitant les augmentations salariales possibles, Andrée Côté affirme qu’il s’agit d’« une attaque frontale contre le droit des syndiqués de négocier des conventions collectives », ce qui porte atteinte à la liberté d’association. Les travailleurs et travailleuses ont le droit de « négocier avec l’employeur leurs conditions de travail » en se regroupant ensemble. Leur imposer des limites à ces négociations vient à brimer cette liberté.

Grève étudiante et droit d’association

Finalement, dans un discours moins juridique, mais rafraîchissant, Natasha Labrèche, du comité légal de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ), a parlé de l’expérience de grève étudiante de l’ASSÉ et de sa Coalition large, la CLASSE. Revenant sur les différents processus, elle affirme que la démocratie directe est imparfaite, mais elle a la qualité d’être inclusive. C’est cette façon de procéder aurait permis une mobilisation importante d’étudiant-e-s. Pour Mme Labrèche, le droit d’association des différentes associations étudiantes est légitime et passe par-dessus le droit individuel des étudiant-e-s. Après tout, la grève a été faite dans une perspective d’amélioration des conditions étudiantes des prochaines générations, et non dans un but purement individualiste. L’appui populaire dont a joui le mouvement étudiant a également grandement contribué à sa durée dans le temps.

Le bulletin sur le droit d’association de la Ligue des droits et libertés propose de nombreux textes intéressants sur les luttes environnementales, la lutte pour la syndicalisation des dépanneurs Couche-Tard, sur les travailleuses domestiques, les travailleurs agricoles migrants, sur le droit au logement et plus encore.

Jacinthe Leblanc

Journaliste indépendante

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