Édition du 16 avril 2024

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Québec solidaire

Le plan de transition de QS, la discussion fondamentale de l'heure

Dans la période précédant l’élection de 2018, la direction de QS dont je faisais partie avait décidé (par un vote serré au CCN de septembre 2017) que la question environnementale ne ferait pas partie des priorités lors de la prochaine campagne électorale. C’est au Conseil National de mai 2018, suite à un amendement de Mercier, Verdun, Laurier-Dorion et la CP que le plan de transition énergétique est devenu, selon la décision des membres, une des grandes priorités de cette campagne.

Le Conseil National de mai avait adopté des principes généraux que nous reproduisons ici suivis des principes de la transition solidaire que la direction de QS nous a présentés à la réunion du 1er mars dernier. On pourra constater qu’ils sont assez similaires. En fait la dernière présentation est moins complète et ajoute peu en qualité et en contenu par rapport à ce qui a déjà été adopté.

Conseil national mai 2018

Le Conseil national autorise le Comité de coordination national en consultation avec la Commission politique, à présenter un plan de transition énergétique durant la campagne électorale 2018 respectant, en plus des propositions déjà mentionnées dans la plateforme, les paramètres suivants :

a) Un objectif à la fois ambitieux et réalisable de réduction des GES d’au moins 45% par rapport à 1990 sur l’horizon 2030, qui nous assure d’atteindre notre objectif de réduction de 95% en dessous du niveau de 1990 en 2050 ;

b) Un financement de la transition reposant sur un éventail de moyens pouvant inclure les revenus généraux de l’État québécois, de nouveaux emprunts (pour le financement d’infrastructures) et des mécanismes d’écofiscalité. Un gouvernement de Québec solidaire annoncerait le retrait de la participation du Québec à la Bourse du carbone nord-américaine (SPEDE (1)) et à la taxe carbone fédérale d’ici la fin de son premier mandat.

c) Une transition juste et démocratique reposant sur :
• la mobilisation des communautés au niveau local et régional,
• des mécanismes de démocratie participative qui prévoient des cibles de parité entre les hommes et les femmes et des cibles d’inclusion de la diversité des personnes,
• la création d’emplois stables et de qualité dans toutes les régions, incluant des
mécanismes de diversification professionnelle des femmes dans ces secteurs,
• des programmes de formation et de transition gratuits et de nouveaux emplois verts garantis pour les travailleuses et travailleurs affectés par la disparition
progressive des secteurs de l’économie dépendants aux combustibles fossiles, ainsi que des programmes de formation qualifiante pour les femmes et la diversité des personnes, de même que les autochtones, selon leur choix,
• la cueillette de données permettant l’application de l’analyse différenciée selon le sexe ou le genre, en tenant compte de la diversité des oppressions (ADS+) à l’évaluation constante du plan, dans une perspective écoféministe,
• le respect des droits des peuples autochtones incluant leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, à tout projet affectant leur mode de vie et leur territoire,
• des mesures de solidarité internationale,
• ainsi que la réduction des inégalités, notamment la pauvreté chez les femmes et les communautés autochtones et ethnoculturelles,
• Qu’on établisse des cibles de création d’emplois verts dans toutes les régions.
• Une planification publique mobilisant l’ensemble des secteurs de l’État québécois
et fixant les grandes orientations du Plan.
• La production d’énergie de proximité ;
• La réduction de la consommation d’énergie ;

Que la société d’État Hydro-Québec alloue une part beaucoup plus importante de ses
investissements à la recherche sur les énergies renouvelables et l’économie d’énergie.

Qu’une évaluation du potentiel énergétique de chaque région du Québec soit effectuée afin
d’élaborer un plan d’action permettant aux régions de devenir autonomes ou semi-autonomes sur le plan énergétique.

Qu’une vaste opération de sensibilisation en milieu scolaire soit menée sur les problématiques
liées à la surconsommation et sur les types de production d’énergie à privilégier.

Qu’on mette sur pied un comité de vigilance regroupant différentes organisations (groupes
environnementaux, syndicaux et des premières nations) qui rendront compte à la population
chaque année des travaux réalisés en matière de transition énergétique.

Que tout développement, quant à la production d’énergie, soit indissociable du volet
environnemental et social.

Qu’on modifie le code du bâtiment afin de rehausser les normes écologiques pour toute nouvelle construction.

Que Québec solidaire adopte une Charte de l’environnement et adhère au principe de précaution tel que défini dans l’article 5 de la Charte de l’environnement de la France : “Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attributions, à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage.”

Que QS entreprenne une recherche sur les sources de financement alternatives au SPEDE et la taxe fédérale sur le carbone.

Présentation 1er mars 2020

Respect de la science et des limites planétaires : La priorité de la transition solidaire sera de mettre fin à la production et à la consommation d’hydrocarbures. La transition visera à atteindre le plus rapidement possible la carboneutralité, grâce à des cibles annuelles basées sur les recommandations de la science. La transition s’appuiera aussi sur le respect de la capacité de régénération des écosystèmes.

Économie basée sur le bien-être et la résilience : La transition solidaire orientera l’activité économique vers une économie plus locale et axée sur la qualité de vie des personnes, en recherchant le bien-être collectif et non la maximisation des profits.

Écosobriété : La transition solidaire contrecarrera la consommation excessive de produits et d’énergie et permettra de réduire à la source la production de déchets et de contaminants notamment grâce au développement d’un modèle d’économie circulaire. Elle modifiera l’aménagement de notre territoire afin d’améliorer la mobilité des personnes et des marchandises et amènera une remise en question de nos modes de production et de consommation.

Sens commun des responsabilités : La transition solidaire impliquera une responsabilité collective demandant une concertation de l’ensemble de la société. Elle sera incarnée principalement par des infrastructures publiques, et par des réglementations appropriées en matière environnementale. Plutôt que de mettre la pression sur la population en général, la transition solidaire reposera principalement sur les entreprises et les individus qui polluent le plus et qui ont davantage les moyens de réduire cette pollution.

Réduction des inégalités : La transition solidaire assurera une redistribution des richesses ainsi que l’accès à des services publics de qualité, notamment en matière de santé, d’éducation et de transport collectif. Son application permettra de lutter contre toutes les formes d’oppressions.

Transition inclusive et juste pour toutes et tous : La transition solidaire soutiendra prioritairement les personnes, les travailleuses et travailleurs et les collectivités qui seront les plus touchés par les effets des changements climatiques. Les mesures de lutte aux changements climatiques mises en place ne précariseront personne, peu importe leur emploi ou leur région de résidence.

Des collectivités engagées : La transition solidaire impliquera les différentes collectivités du Québec dans l’élaboration d’une vision d’ensemble. Elle leur octroiera également un pouvoir réel et décisionnel sur leur territoire local et régional ainsi que dans leurs milieux de travail. L’établissement de programmes d’éducation relative à l’environnement et à l’écocitoyenneté permettra à ces collectivités une meilleure prise en compte du rapport à l’environnement dans les divers milieux.

Droit à la nature et à un environnement sain : Le Québec a la chance de se trouver sur un magnifique territoire que nous devons conserver et chérir. La transition solidaire protégera les milieux naturels pour leur contribution à l’équilibre climatique et à la biodiversité. Elle encouragera aussi une reconnexion à la nature et à la beauté des paysages de façon à améliorer la qualité de vie et la santé publique.

Assumer notre responsabilité historique : La transition solidaire reconnaîtra que les premiers pays qui se sont industrialisés sur le dos des pays en développement, entre autres en y délocalisant leurs industries, devront être les premiers à devenir carboneutres. Elle devra aussi supporter les populations du monde les plus touchées par les changements climatiques, en portant une attention particulière aux peuples autochtones.

Respect des droits territoriaux et souveraineté des peuples : La souveraineté du Québec ainsi que le respect des droits des communautés autochtones et de leur territoire seront au cœur de l’élaboration et de la mise en œuvre du plan de transition écologique.

Quelles priorités ?

Pourquoi dépenser un temps précieux à discuter de propositions qui n’ajoutent que très peu en termes qualitatif à ce que nous avons déjà adopté ? En premier lieu ne vaudrait-il pas mieux vérifier si les décisions de ce CN ont été appliquées et en faire un bilan ? Par exemple il aurait été bien avisé, puisque QS en avait le mandat, de regarder quelles sont les sources de financement alternatives au SPEDE et la taxe fédérale sur le carbone avant d’entreprendre un débat pour modifier notre position sur la Bourse du carbone comme il a été fait au dernier congrès.

Ensuite, la question cruciale de l’heure c’est de nous assurer d’avoir un plan d’ensemble qui permet d’atteindre la cible de réduction des GES, nécessaire à la survie de notre planète. Cela dépasse de loin la question de la prise du pouvoir aux élections et le travail parlementaire même si cela est un passage essentiel pour y arriver. Il faut tenir compte que la résistance des entreprises et des consortiums financiers et pétroliers est énorme et nous conduit à chaque fois à des affrontements qui se soldent trop souvent en défaites. Le contrôle populaire de la société deviendra rapidement un enjeu si nous voulons réaliser cet objectif. Comme dans tout combat syndical, féministe ou social c’est une question de rapport de force à construire, dans ce cas-ci en symbiose avec le travail parlementaire.

À l’étape actuelle il est absolument crucial d’établir ce plan stratégique afin de bien nous préparer à la prochaine élection. Quels sont les alliés sur qui on peut compter ? Comment proposer un plan gouvernemental qui jette les bases d’une société nouvelle où le rapport de force appartient à la population ? Quel plan stratégique avons-nous afin de réaliser les objectifs environnementaux que nous nous donnons ? Nous ne pouvons non plus concevoir ce plan environnemental sans une stratégie de lutte au niveau international pour la survie de notre planète. Ce sont quelques-unes des questions que nous devons débattre maintenant afin de construire un rapport de force social essentiel pour réaliser notre projet. Sinon la pression des dominants nous conduira à nous limiter à de bonnes intentions.

Établir un plan de transition exige de se donner les moyens de le réaliser. En tant que parti politique de gauche nous avons la responsabilité de la rigueur, nécessaire au changement de société que nous revendiquons.

André Frappier

Militant impliqué dans la solidarité avec le peuple Chilien contre le coup d’état de 1973, son parcours syndical au STTP et à la FTQ durant 35 ans a été marqué par la nécessaire solidarité internationale. Il est impliqué dans la gauche québécoise et canadienne et milite au sein de Québec solidaire depuis sa création. Co-auteur du Printemps des carrés rouges pubié en 2013, il fait partie du comité de rédaction de Presse-toi à gauche et signe une chronique dans la revue Canadian Dimension.

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