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Economie internationale

Les cryptos en plein krach

La semaine dernière, le marché des cryptoactifs a accéléré une baisse entamée depuis la fin mars. Désormais, ce sont les piliers du système, les stablecoins, qui sont touchés. Un symptôme d’une crise plus générale au sein du capitalisme.

16 mai 2022 | mediapart.fr

La fête semble bel et bien finie sur le marché des cryptoactifs. Lundi 16 mai, sa valeur vedette, le fameux bitcoin, avait perdu près de 28 % par rapport à la fin mars, à 29 500 dollars. Depuis son plus-haut historique du 8 novembre 2021, à près de 68 000 dollars, le prix du roi des cryptos a fondu de 57 %. Le 11 mai, il était même passé sous les 29 000 dollars, du jamais-vu depuis le 30 décembre 2020.

La capitalisation du bitcoin depuis le 1er janvier. © Coinmarket

La baisse est d’ailleurs assez générale. L’autre vedette du marché, l’Ethereum, a atteint le 13 mai un point bas de dix mois, à 2 014 dollars, soit 58 % de moins qu’en novembre 2021. Au total, la capitalisation totale du marché est passée de 3 300 à 1 300 milliards de dollars sur la même période. Sur la seule semaine du 9 mai, la chute frôle les 600 milliards de dollars, l’équivalent du PIB d’un pays comme l’Argentine ou la Suisse.

Certes, ce « crash » n’est pas le premier. En avril 2021, à la suite d’un tour de vis de l’État chinois sur les cryptos, le bitcoin avait déjà perdu jusqu’à 56 % en trois mois, passant sous les 30 000 dollars en juillet de l’an passé. Il avait finalement fortement rebondi, pour atteindre un nouveau record. Cette affaire avait confirmé la foi inébranlable des partisans des cryptos dans leurs actifs. La preuve semblait être faite qu’ils étaient capables de résister à tout.

Une crise profonde qui révèle la vérité des cryptos

Pourtant, en mars 2022, tout s’est à nouveau effondré. Ce fait seul est venu confirmer l’aspect hautement volatil de ces actifs, capables en un an de perdre 56 %, puis de gagner 100 % pour à nouveau perdre 57 %. Il est venu aussi confirmer que les « cryptos » ne sont pas ce que ses partisans prétendaient qu’ils étaient : de « l’or moderne » capable de protéger contre l’inflation et les « manipulations monétaires » des États.

C’est une décision chinoise qui avait, l’an passé, provoqué un premier krach. Cette fois, c’est l’accélération de la hausse des prix à la consommation qui a affaibli ce marché en dessinant la possibilité d’un resserrement monétaire le privant de ressources pour alimenter la hausse. En parallèle, l’inflation a incité certains détenteurs à vendre pour disposer soit de ressources supplémentaires, soit d’actifs plus stables pour faire face à la hausse des prix.

Capitalisation du marché global des cryptos. © Coinmarket

Le mythe libertarien des cryptos s’est donc effondré comme un château de cartes. Loin de concurrencer les monnaies souveraines, ces actifs sont des objets financiers purement spéculatifs et en cela hautement sensibles aux conditions financières sous-jacentes. Comme, depuis 2008, le secteur financier est sous perfusion massive des banques centrales, les cryptos ne sont donc pas une « défense » contre les manipulations de marché, mais au contraire une conséquence de ces dernières.

On avouera que l’affaire ne manque pas de piquant : ces « monnaies » qui devaient permettre d’échapper à l’emprise et aux manipulations des pouvoirs publics n’étaient bel et bien qu’une bulle alimentée par les banques centrales. Le retour de l’inflation a joué le rôle de juge de paix : la plupart des acteurs ont jugé que la hausse des prix et le possible resserrement monétaire sonnaient le glas de la hausse des cryptos et qu’il était temps de prendre ses gains. Bref, les cryptos ont logiquement suivi depuis quelques semaines le chemin à la baisse des marchés financiers, notamment des actifs technologiques.

Cette fois, l’affaire semble donc beaucoup plus sérieuse. Mardi 10 mai, les résultats trimestriels de Coinbase, la plate-forme de transactions majeure des cryptos, ont montré que le volume des transactions, celui des utilisateurs et des actifs ont tous reculé. Pourtant, entre janvier et mars, les prix avaient baissé par rapport aux plus-hauts de novembre.

Ce qui tendrait à indiquer que la mode est en train de passer. Les cryptos auraient atteint une sorte de point haut en termes d’intérêt. Les montagnes russes de l’année 2021 en ont certainement découragé plus d’un et mis en doute le récit d’une hausse inévitable et perpétuelle qui domine dans le milieu. Concrètement, cela signifie que « l’armée de réserve » de nouveaux investisseurs venant « acheter à la baisse » pour faire repartir le marché est plus étroite. La correction pourrait donc, en retour, être moins vive. Si elle a lieu.

Cours de l’action Coinbase. © Copie d’écran Google

Or rien n’est moins sûr, car le mouvement de correction sur les autres marchés, en particulier sur les valeurs technologiques, ne montre pas de signe de repos. Pas davantage que l’accélération des prix alimentée par la crise sanitaire chinoise, la guerre en Ukraine et les effets de la première crise du Covid. Fed et BCE annoncent des resserrements monétaires et les revenus réels chutent un peu partout dans les pays avancés. Si un des problèmes majeurs du marché crypto est la demande d’actifs, on voit mal d’où viendra le salut.

Au reste, cette nouvelle réalité a été illustrée par la semaine noire que ce marché a connue à partir du 9 mai et qui, pour la première fois, a touché une des « infrastructures majeures » des cryptos, les « stablecoins ».

Les « stablecoins » dans la tourmente

Ces « jetons » sont des cryptos qui garantissent une valeur stable en monnaie réelle. Ils sont très largement utilisés par les acteurs du marché pour acheter et vendre des cryptos classiques. Il est en effet difficile de « convertir » directement des dollars en bitcoins ou en Ethereum, le processus peut prendre du temps et coûter cher. On passe alors par un « stablecoin » qui permet d’agir directement sur le marché.

Ces jetons sont donc des formes de « bureaux de change » du marché des cryptos qui ont une fonction centrale : en assurer la liquidité générale, mais aussi en assurer la sécurité. Lorsque vos bitcoins chutent, vous pouvez vous replier sur un stablecoin pour laisser passer l’orage et revenir ensuite. Ces actifs sont donc des sortes d’outils centraux dans le fonctionnement des marchés. Leur capitalisation a atteint 180 milliards de dollars avant le krach, soit à peu près 10 % de l’ensemble du marché des cryptos. Mais, selon certaines sources, près de 70 % des transactions en bitcoins sont réalisées en stablecoins.

Tout cela ne fonctionne toutefois que si cet actif tient sa promesse : être du quasi-cash dont la valeur est la même que celle du dollar états-unien. Et c’est bien ici que le bât blesse. Concrètement, les acteurs du marché utilisent quatre grands stablecoins : Terra, USD Coin, Binance USD et Tether. Chacun a une façon très particulière de garantir sa valeur. En période de gros temps, ces méthodes sont mises à rude épreuve. Et si ces garanties se révèlent fragiles, la chute est inévitable. C’est ce qui s’est produit la semaine passée.

La première alerte est venue de Terra, le plus petit des quatre « grands » stablecoins, qui représente environ 10 % du marché. Pour garantir le taux de change stable d’un dollar pour un Terra, ce jeton utilise un algorithme qui, selon l’argument de ses défenseurs, lui permet d’être entièrement indépendant des marchés financiers et des régulations étatiques.

Pour acheter des Terra, il faut passer par un autre crypto, le Luna. L’offre et la demande de ces deux actifs sont donc censées s’équilibrer puisque le « minage » (création) de l’un conduit automatiquement à la destruction de l’autre. Si l’offre de Terra est trop forte, sa valeur chute et les investisseurs ont donc intérêt à acheter des Luna meilleur marché.

Pour favoriser l’ajustement et tenter de restaurer l’équilibre, un algorithme met en vente des Luna ou des Terra et compte sur les « arbitragistes », des financiers spécialisés dans les petits gains à forts volumes, pour réaliser cet équilibre. Lorsque le Terra passe ainsi sous le dollar, l’algorithme met en vente des Luna équivalent à un dollar de Terra. Les arbitragistes empochent la différence et l’offre de Terra se réduit, ramenant le prix vers le dollar.

Cours du Luna sur un an. © Coinmarket

Ce mécanisme ne fonctionne que s’il y a toujours des acheteurs et des vendeurs qui croient que le système va tenir. Mais si ce n’est pas le cas, tout s’effondre. Si, soudain, il n’y a plus assez d’acheteurs, l’équilibre est impossible à restaurer. Or si l’équilibre ne tient pas, le Terra et le Luna ne sont plus des stablecoins. Dès lors, l’urgence devient de s’en débarrasser au plus vite. C’est ce qui s’est produit au cours des dernières semaines.

Le 4 avril, le cours du Luna a pourtant atteint un plus-haut historique, à 116 dollars, sous l’effet de la demande de stabilité des premières baisses de la fin mars. Mais rapidement, les pertes sur le marché des cryptos entraînent des sorties dudit marché. On vend donc aussi ses Terra et ses Luna. Le cours décroche ainsi fin avril à 80 dollars. À ce moment, beaucoup commencent à douter de la capacité du système à s’équilibrer. Y a-t-il encore assez d’acteurs sur le marché du Luna pour assurer l’ancrage du Terra au dollar ? Rien n’est moins sûr. Par sécurité, dans un contexte de baisse générale, on préfère donc sortir du système.

Le 9 mai, le Luna passe sous les 50 dollars. Cette fois, rien ne peut arrêter la spirale à la baisse. Le système s’évapore et le krach est inévitable. Le 12 mai, le Luna passe sous le dollar et est coté le 16 avril au matin 0,21 cent. Le Terra lui-même devient inopérant. La capitalisation du Luna est ainsi passée de 41 milliards de dollars à 1,4 milliard de dollars en un mois.

L’effondrement du Terra est un coup de semonce. Il montre qu’une partie des piliers du marché spéculatif des cryptos reposait sur du vent. Les stablecoins ne sont pas du cash, comme beaucoup l’ont aveuglément cru. Et dès lors, le doute est permis sur les autres acteurs de ce type, à commencer par le plus important, le Tether.

Le point faible du Tether

Le Tether est le stablecoin majeur. Il représente quasiment la moitié du marché des stablecoins avec une capitalisation qui était, il y a encore une semaine, supérieure à 80 milliards de dollars. En théorie, le Tether est beaucoup plus solide que le Terra. Pour garantir son cours, ses créateurs utilisent un système de réserves en dollars. Le système fonctionne donc comme un système d’ancrage monétaire classique. Lorsque le Tether perd de la valeur face au dollar, on rachète des Tether avec les dollars de la réserve. C’est exactement de cette façon que, par exemple, la Banque centrale danoise garantit la valeur stable de la couronne en euros.

L’ennui, c’est qu’ici on est dans le monde des cryptos, autrement dit dans un monde très faiblement régulé. Difficile donc de savoir comment le Tether est couvert. L’an passé, le régulateur états-unien des marchés à terme, la CFTC, avait condamné le gestionnaire de ce jeton à 41 millions de dollars d’amende pour des « déclarations fausses ou trompeuses » sur ses réserves. Selon ses propres dires, seulement 4 % de ses réserves seraient en numéraire, le reste étant en « commercial papers », des titres de dettes commerciales à court terme qui sont jugés équivalents à du cash, mais qui n’en sont pas. Car pour obtenir du cash, il faut vendre ces titres. Tout dépend alors de la valeur de ces titres et de l’état du marché.

Cours du Theter sur trois mois. © Coinmarket

En temps normal, nul ne se soucie de tout cela. Mais avec l’effondrement du Terra, le marché a commencé à douter de la stabilité de cet actif. La méfiance est contagieuse et, faute de vraie sécurité, certains ont commencé à réduire leur exposition. Le 11 mai, un milliard de dollars de Tether ont été vendus. Le 12 mai, c’est là aussi le « crash ». La valeur du Tether va subitement reculer dans la matinée de 4 %.

La baisse va être vite effacée, le Tether a finalement pu sauvegarder une grande partie de sa valeur, sinon son intégralité. Depuis vendredi, il évolue à 0,12 % en dessous de la parité avec le dollar, mais parvient à maintenir cette valeur. Il n’empêche. Ce « crash » temporaire va laisser des traces. D’abord parce que si l’intervention a rétabli partiellement la parité, la capitalisation de cet actif a fortement reculé. En une semaine, elle a fondu de près de 10 %, soit 8 milliards de dollars. Cette perte ne s’explique donc que par les ventes massives, reflet de la perte de confiance.

Si la valeur du Tether est à nouveau testée massivement, on ignore donc ce qui se passera. Un des dirigeants de ce stablecoin a prétendu disposer de 40 milliards de dollars de dette souveraine états-unienne. Mais il n’y a là aucune preuve et le risque est aussi que l’entreprise ait acquis du commercial paper bon marché, donc risqué. Comme il n’y a aucune garantie régulatrice, chacun croira ou non ces déclarations. Mais le Tether n’est clairement pas à l’abri d’une nouvelle offensive. Une des questions immédiates est de savoir si les investisseurs peuvent ou non accepter la décote actuelle de 0,12 %, alors que la promesse du Tether est d’être l’équivalent du cash.

Quelles conséquences ?

Ce sont ces doutes et ces attaques contre les stablecoins qui ont accéléré la chute du marché la semaine passée. Et qui rendent un rebond à la fois moins probable et, s’il a lieu, encore plus fragile. Dans ces conditions, la question des conséquences sur l’économie réelle de ce krach des cryptos devient un sujet central.

La plus importante d’entre elles est de savoir si l’effondrement des cryptos peut causer un effet domino au reste du système financier. On aurait alors une sorte de retour de flammes : la chute des marchés produirait la chute des cryptos qui accélérerait la chute des marchés en pesant sur les bénéfices du secteur financier. C’est souvent comme cela que se créent des spirales conduisant au pire.

Jusqu’ici, la règle était que le monde des cryptos était plutôt fermé. La possibilité de contagion était donc réduite. Mais depuis quelques mois, la hausse des cours a attiré de plus en plus d’investisseurs, y compris institutionnels, qui ont voulu leur part du gâteau. Des dérivés ont été créés par certaines grandes Bourses, comme Deutsche Börse. Le rempart entre les cryptos et le reste de la finance est donc plus faible, même si l’exposition directe des géants de la finance reste faible.

Mais dans la finance moderne, les expositions « directes » ne sont pas toujours représentatives du risque. Le « crypto crash » peut d’abord causer une forme d’insécurité globale et de panique qui peut se transmettre aux autres marchés. Cela est particulièrement vrai pour le secteur déjà très touché des valeurs technologiques. D’ailleurs, à cela peuvent s’ajouter des effets plus concrets où certains investisseurs sortiraient de ces deux marchés pour limiter la casse. C’est dans ces effets de comportement que la contagion peut devenir réelle.

Nayib Bukele le 1er juin 2021 devant le Congrès du Salvador. © MARVIN RECINOS / AFP

En attendant, certains vont être frappés plus directement. Et, naturellement, tous les regards se tournent vers le Salvador, ce pays d’Amérique centrale dirigé par un président fanatique des cryptos, Nayib Bukele. Après avoir fait du bitcoin une des monnaies légales du pays avec le dollar l’an passé, le gouvernement a soutenu massivement son usage. Son ambition est désormais de créer « Bitcoin City », une ville où les taxes seront absentes et où le minage sera réalisé grâce à l’énergie d’un volcan actif.

Nayib Bukele qui, par ailleurs, est en pleine dérive autoritaire, ne s’en laisse pas conter par la baisse des marchés. En bon adepte de la foi crypto, il y voit l’occasion d’acheter à bon compte. Le Fonds national salvadorien a donc racheté la semaine passée des bitcoins à plus de 30 000 dollars. En tout, les pertes cumulées du Salvador sur ce marché s’élèvent à 40 millions d’euros.

L’ennui, c’est que, depuis que le pays s’est lancé dans cette expérience, il a perdu l’accès aux marchés financiers en dollars, qui reste la monnaie la plus utilisée du pays (le Salvador a renoncé à sa propre monnaie en 2001). Or le pays connaît un déficit courant qui pèse sur ses réserves.

La question est désormais de savoir si, compte tenu des pertes passées et à venir sur le bitcoin, le Salvador pourra faire face à sa prochaine échéance de remboursement de dette et rembourser les 800 millions de dollars qu’il doit payer en janvier 2023. Selon les agences de notation, même si cette échéance est passée, la pression sur le financement de l’État restera élevée. Le risque est donc moins que la baisse du bitcoin pèse sur les utilisateurs salvadoriens du pays qui sont peu nombreux (comme l’a prouvé cette étude) que sur l’État lui-même, ce qui conduirait à une crise de la dette et à une violente austérité et frapperait les plus fragiles parmi la population.

Ce que signifie ce « krach des cryptos »

À quelque chose malheur est bon. Même si Nayib Bukele reçoit, lundi 16 mai 2022, 44 pays pour vanter ces actifs, cette crise et l’exemple salvadorien pourraient décourager la tentation de plusieurs pays émergents d’échapper au système financier international par les cryptos. Voilà quelques semaines, la République centrafricaine avait suivi l’exemple du Salvador. Or, comme le démontre l’exemple centraméricain, cet espoir est un leurre : non seulement il met encore plus le pays à la merci de la spéculation, mais il ne permet pas de se débarrasser de la dépendance au dollar et aux marchés financiers internationaux.

Démonstration d’échanges de cryptomonnaie à la Thailand Crypto Expo à Bangkok, le 14 mai 2022. © Photo Anusak Laowilas / NurPhoto via AFP

Globalement, le krach des cryptos est aussi une bonne nouvelle environnementale. Le « minage » et les opérations financières sur ces actifs sont extraordinairement gourmands en ressources et en énergies, pour une utilité très réduite.0,55 % de la production mondiale d’énergie est consacrée à cette activité, ce qui peut sembler peu, mais qui est en réalité trop alors même que le monde est entré dans une terrible crise énergétique et cherche par tous les moyens à réduire la consommation.

Avec cette crise, les cryptos apparaissent pour ce qu’ils sont réellement : des tentatives de soutenir la rentabilité globale du système capitaliste soumis depuis 2008 à une crise profonde du système productif, comme le signale l’économiste Michael Roberts. Les cryptos ne sont qu’un énième chapitre de cette tentative de soutenir l’accumulation en régime de basse croissance. En se refermant, il met d’ailleurs en danger une autre tentative du même type, les « jetons non fongibles », ou NFT, dont les volumes avaient déjà chuté de 50 % au premier trimestre et qui sont encore davantage mis sous pression.

C’est sans doute ainsi qu’il faut comprendre cet effondrement des cryptoactifs. L’expérience libertarienne s’est muée en une béquille du système d’accumulation. Le rêve de remplacer un pouvoir monétaire politique par un pouvoir technologique a mené à une intégration renforcée au système financier sans contre-pouvoir. Tant que les banques centrales garantissaient une liquidité illimitée, les cryptos pouvaient faire illusion.

Mais désormais les cryptos sont intégrés dans la crise globale du mode de gestion néolibéral du capitalisme. La fuite en avant du système a causé maintes bulles, de l’immobilier aux cryptos en passant par la technologie et les NFT. Aucune de ces bulles n’est en mesure de régler le problème principal du capitalisme contemporain : le ralentissement structurel des gains de productivité qui pèse sur la rentabilité globale. Inévitablement vient donc le moment où le réel se rappelle au spéculateur et où les châteaux de cartes financiers s’effondrent. L’inflation a ici joué le rôle de juge de paix. Le krach des cryptos n’est qu’un simple chapitre de cette crise de régime. C’est donc moins l’émergence de ces actifs que leur crise qui constitue le berceau d’un monde nouveau

Romaric Godin

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