Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2023/04/15/lettre-ouverte-a-tous-les-clients-de-prostitution-du-monde-entier/
« Les bons clients », acheteurs d’âmes.
Ceci est pour les prostitueurs. Oui, vous qui souffrez du « syndrome du bon client » – vous qui pensez que vous êtes le bon client et que seuls les autres peuvent être de mauvais clients. Vous achetez souvent la « Girlfriend Experience » et certains d’entre vous ne se nomment même pas comme client, disent qu’ils n’achètent pas de sexe, mais sont des « Sugar Daddy » ou des « Sponsor », comme si le fait de les enrober de sucre rendait l’acte d’acheter du sexe différent.
Vous ne vous sentez pas seulement le droit d’acheter un accès au corps de la personne prostituée, cela ne fait plus l’affaire pour vous. Vous voulez acheter une expérience dans laquelle vous pouvez prétendre que la personne prostituée vous désire. Vous ne vous contentez pas du fait qu’elle offre « simplement » son corps pour que vous l’utilisiez sexuellement parce qu’elle a besoin d’argent – vous lui demandez de vendre aussi son « âme » (son mental). Vous lui demandez d’utiliser beaucoup d’énergie pour vous convaincre qu’elle vous désire, ce qui est extrêmement épuisant pour nous qui ne voulons « vendre de sexe » à personne pour commencer, mais qui n’avons pas d’autres options.
Si elle ne semble pas apprécier la transaction, vous êtes insatisfait. Vous devez être conscient qu’avec sa dernière once d’énergie, elle n’agit que pour l’argent, et vos exigences extrêmes aspirent la vie hors d’elle.
Vous voyez, il n’y a rien de réel à offrir la « Girlfriend Experience » à des centaines d’hommes pour de l’argent. Il n’y a rien de naturel à prétendre être la « petite amie » éternellement docile de chaque homme qui le demande, à des hommes différents chaque jour, juste pour survivre.
C’est un être humain, et aucune somme d’argent ne la fera automatiquement vous désirer. Pensez-y, clients. Comment vous débrouilleriez-vous dans une situation similaire de « sexe de survie » et de faux-semblants ? Cela vous semblerait-il naturel ? Pourquoi pensez-vous que c’est différent pour elle ?
Le fait de se percevoir comme « le bon client » implique également l’incapacité d’accepter qu’une femme prostituée refuse de vous servir pour quelque raison que ce soit. C’est là que vous vous mettez en colère et que vous dites : « Mais c’est moi le bon client ! Elle n’a pas le droit de me refuser ! » Cette situation n’est que trop familière pour moi et d’autres femmes prostituées. Combien de messages de « bons clients » en colère ai-je reçus après avoir décidé d’arrêter de les servir (quand j’en avais l’occasion – ce qui n’était décidément pas très souvent). Le harcèlement qui suit l’abandon d’un « bon client » autoproclamé peut durer des mois, voire des années parfois.
Vous, les clients les plus exigeants, semblez croire que les clients rapides (nous disons « faciles ») et déconnectés sont les seuls mauvais et inhumains clients, et que vous êtes les bons parce que vous faites semblant de ne pas « acheter du sexe », alors que vous voulez acheter tout le paquet de la prétendue mutualité. Eh bien, vous ne pourriez pas avoir plus tort. Je n’ai entendu aucune prostituée dire que plus le client exige un travail émotionnel et une prétendue intimité en plus de « l’achat de sexe », mieux c’est. J’ai seulement entendu le contraire. Oui, je parle à beaucoup d’autres prostituées. Non, pas sur les dégoûtants « forums d’évaluation des escortes » publics où vous, les clients, vous vous vantez d’avoir acheté le consentement au sexe (d’ailleurs, à mon avis, le vrai consentement ne peut pas être acheté, donc vous n’avez absolument pas de quoi vous vanter) et de la façon dont vous vous en êtes tirés en trompant à nouveau vos femmes. Dans ces forums, certaines prostituées font clairement de la publicité. Elles prétendent apprécier votre compagnie, elles prétendent tolérer vos exigences. Elles font tout cela pour de l’argent.
Mais pas dans votre dos, quand elles n’ont pas besoin de vous lécher les bottes. Dans votre dos, nous partageons une réalité très différente. Nous sommes fatigués du travail émotionnel que vous nous faites subir, non seulement du fait que vous vous sentez en droit de disposer de nos corps, mais aussi de notre mental. Nous parlons de facilité avec un « client » quand il est rapide, moins exigeant. Je dis « nous » parce que je parle de la majorité des prostituées avec lesquelles je parle, ainsi que de ma propre expérience dans le commerce du sexe.
Vous voyez, je suis dans le commerce du sexe depuis que je suis mineure.
Pendant deux décennies. Pas par choix, mais par désespoir. Mes problèmes de santé mentale sont extrêmement complexes, je n’ai jamais eu de réelle stabilité ou de soutien social dans ma vie, c’est donc le seul moyen que je connaisse pour survivre. Et la prostitution a aggravé tous mes problèmes de santé mentale. J’écris ceci parce que j’ai atteint le point de non-retour et que je suis très fatiguée de faire semblant. Si je peux laisser quelque chose derrière moi, je laisserai cette vérité derrière moi.
Je comprends que tout le monde n’est pas pareil, mais d’après mon expérience, c’est ce que la majorité d’entre nous pense, et beaucoup d’entre nous partagent des expériences de vie difficiles très similaires, les causes profondes de la prostitution ainsi que des points de vue similaires sur la façon dont le commerce du sexe a profondément endommagé notre santé mentale et physique. C’est pourquoi je dis « nous », même si je laisse de côté la minorité des prostituées qui n’ont pas de problèmes importants dans la vie, qui ne dépendent en aucune façon de l’argent des clients et qui peuvent donc avoir un véritable choix quotidien.
Les « clients » qui achètent la « Girlfriend Experience », vous nous poussez à l’extrême. Nous sommes fatiguées, nous souffrons, nous souffrons de problèmes de santé mentale, de dépendances, de trouble de stress post-traumatique, de nos souvenirs de violence durant l’enfance, et vous ajoutez à cela vos demandes extrêmes d’accès sexuel prolongé et de « travail » émotionnel prolongé. Mais nous maîtrisons la dissociation et le jeu en même temps, tout en masquant nos problèmes de santé mentale et nos dépendances.
Jusqu’à ce que nous n’en puissions plus. Vous appelez cela « mauvaise attitude » et « mauvais service », tandis que nous appelons cela être malade et fatiguée de la servitude sexuelle et émotionnelle envers des prostiTUEURS exigeants. Sans échappatoire. Oui, beaucoup d’entre nous sommes piégées dans le commerce du sexe pendant des années, voire des décennies. Je ne m’attends pas à ce que vous compreniez un jour ce sentiment, prostitueurs. Marchez un kilomètre dans nos chaussures ! Vous ne le pourriez pas.
J’ai dit à certains (pas beaucoup – j’essaie de me tenir à carreau !) de mes clients qui reviennent, en particulier ceux qui demandent la « Girlfriend Experience », que je déteste la prostitution. Parce que je les ai toujours trouvés comme les plus épuisants et les plus injustes de tous les clients. J’ai dit des choses comme « Je suis piégée dans la prostitution, je déteste ça, et je n’ai pas de pulsions sexuelles ». J’ai complètement perdu ma capacité à faire semblant à certains moments, et j’ai exprimé clairement à certains de mes clients réguliers à quel point je déteste la prostitution, et comment je suis en train de mourir lentement dans le commerce du sexe.
Devinez combien de mes clients se sont souciés de moi au point d’arrêter d’acheter mon corps pour le sexe, ou mon âme pour les faux-semblants, après que j’ai exprimé ma haine de la prostitution ? Pas beaucoup. Quelques-uns peut-être. J’estime qu’après avoir exprimé mon dégoût pour la vente de mon corps et surtout pour l’illusion contre-nature de la « petite amie », environ 80% de mes clients (« les bons clients » en particulier !) ont continué à m’acheter pour les actes sexuels et la prétendue intimité – beaucoup d’entre eux croient même qu’ils sont l’exception, qu’ils sont la bonne prise, contrairement à tous les autres clients. Parce que beaucoup d’entre vous, acheteurs de sexe, ont tendance à souffrir du « syndrome du bon client » – vous ne voyez rien de mal à le faire, seuls les autres peuvent faire le contraire.
Je ne m’attendais pas à ce que vous vous préoccupiez de mes sentiments, ni à ce que des hommes qui pensent avoir tous les « droits » croient que vous n’êtes pas mieux que les autres clients. Vous pensiez m’aider en étant le « bon client » autoproclamé, afin que je n’aie pas à prendre de « mauvais clients ». Vous ne m’avez jamais aidé en achetant un accès à mon corps et en exigeant toujours plus. Si vous vouliez m’aider, vous n’auriez pas exigé un accès à mon corps et à mon « âme ». Si vous vous souciez vraiment des personnes piégées dans le commerce du sexe, vous n’achèteriez pas leur corps pour le sexe, ni leur mental pour caresser votre fragile ego masculin. Soit vous ne nous toucheriez pas du tout, soit vous nous aideriez réellement sans rien exiger. Alors arrêtez de prétendre que vous êtes les bons clients qui sont là pour aider, alors que vous ne l’êtes pas.
[…]
À tous les acheteurs de sexe du monde entier : Elle pourrait être moi. Oui, je pourrais être elle. L’auteur de cet article pourrait être votre escorte préférée ! Celle qui semble vraiment « aimer son travail » ! Et vous ne le devinerez jamais, à moins que je ne vous aie déjà raconté tout cela, ou même une partie. Pour la plupart d’entre vous, je n’ai rien dit de ma réalité. Vous savez que tout n’est pas comme il paraît à la surface. Beaucoup d’entre vous vivent également dans le monde du mensonge et de la tromperie, vous devez donc le savoir. Vous trompez et mentez à vos femmes qui vous font confiance, encore et encore. Et vous vous mentez aussi à vous-mêmes.
Arrêtez de vous tromper vous-mêmes. Arrêtez de ruiner ce que vous avez. Certains d’entre nous seraient heureuses d’avoir ce que vous avez. Certaines d’entre nous ont perdu leur famille, leurs enfants, leur capacité à ressentir de l’amour, à cause du commerce du sexe. Je n’ai jamais été une personne jalouse, envieuse, mais les violences du commerce du sexe ont fini par me rendre amère et j’ai commencé à envier tous ceux qui n’ont pas perdu leur famille, leurs enfants, leurs proches, et leur autonomie corporelle, leurs droits humains fondamentaux. Le droit de dire non au sexe en toutes circonstances. Cela devrait être un droit humain fondamental.
Clients, vous pouvez croire que vous n’achetez du sexe qu’à des femmes consentantes qui ont tous les choix du monde, mais la réalité est différente. Aucun d’entre vous ne peut avoir la conscience tranquille.
Si vous voulez savoir si la « Girlfriend Experience » que vous avez achetée est réelle ou non, essayez de demander à la femme prostituée de se mettre avec vous tout à fait gratuitement pendant son temps libre. Si elle est sincèrement désireuse de le faire, alors l’expérience est probablement réelle. Mais il est plus probable qu’elle vous mette sur une liste noire et dise aux autres prostituées que vous lui faites perdre son temps.
« Clients », c’est déjà grave que vous vous sentiez autorisés à acheter nos corps pour réaliser tous vos fantasmes sexuels, mais c’est encore pire que vous exigiez que nous prenions plaisir à ces actes sexuels non désirés et donc dégradants et contre nature. Bien sûr, quand je dis tout cela, vous voulez me faire taire et me dire que mes opinions ne comptent pas. Les clients me disent toujours que « les choses ne sont pas si simples » parce que « les hommes ont besoin » d’utiliser le corps d’une femme pour le sexe (apparemment, peu importe qui elle est et si elle est consentante ou non). Nous devons toujours faire semblant d’être d’accord avec votre style de vie, parce que nous ne sommes pas censées avoir nos propres opinions ou sentiments à moins qu’ils ne soient approuvés par vous, et nous ne sommes pas censées avoir nos propres codes moraux parce que nous n’existons que pour servir sexuellement des centaines d’hommes. Nous ne sommes pas censées avoir une autre vie que celle de la servitude soumise aux clients. Nous ne sommes pas censées être des êtres humaines. Vous ne le voyez pas, clients ? Si nous nous opposons à vous de quelque manière que ce soit pour nous défendre, vous devenez facilement agressifs, que ce soit physiquement, verbalement ou émotionnellement. C’est juste la vérité derrière l’existence non désirée dans la prostitution, motivée par une multitude de problèmes dans notre passé.
Je me sens au bout de mon chemin, et c’est pourquoi j’écris ces mots. Ce n’est que de l’honnêteté brute, et tout cela vient de mon expérience personnelle d’être piégée dans le commerce du sexe pour survivre, pendant une longue période sans possibilité d’en sortir.
XXXX Réduite au silence par les prostituées de l’élite libérale, le lobby de l’industrie du sexe et les clients « dépendants du sexe ». C’est la véritable « expérience de la petite amie » pour beaucoup d’entre nous qui doivent jouer le rôle contre nature de la « petite amie » obsédée par le sexe, qui ne se plaint jamais et qui satisfait éternellement, celle qui n’existe pas dans la vie réelle. C’est beaucoup nous demander, nous faire sentir comme si nous n’étions même pas des êtres humains.
Pourquoi proposer la « Girlfriend Experience » alors ? Parce que l’industrie du sexe a changé en deux décennies, là où je vis. De nos jours, de plus en plus de clients semblent exiger cette forme de conformité, plus de prétendue intimité, plus de « connexion » contre nature avec un étranger. Sinon, ils ne seront pas satisfaits. Ce n’est pas un choix libre pour nous. Celui qui a l’argent a le pouvoir de choisir. La vérité est que la prostitution, ainsi que le porno, est tout le contraire de l’intimité pour nous qui sommes dans cette industrie. La véritable intimité ne s’achète pas.
Je veux laisser derrière moi l’héritage de la vérité. Et voici l’horrible vérité sur la prostitution, sans l’habituelle édulcoration médiatique que vous entendrez toujours de la part des personnes prostituées qui vous vendent des mensonges pour survivre, et de la part de tout le lobby « pro-industrie du sexe » sans éthique qui tire un énorme profit de l’ignorance des hommes.
Ai-je été grossière ? Désolé, mais ça fait du bien. La vérité fait du bien. Vous devriez essayer, chers « clients », la vérité est plus puissante qu’un million de mensonges. (…)
Cela nous déshumanise vraiment tous les deux.
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