Édition du 11 novembre 2025

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Afrique

Maroc - Génération Z en colère : quand la répression remplace l’écoute, la rue s’enflamme !

La gestion sécuritaire des manifestations du week-end dernier a révélé un fossé grandissant entre les autorités et la jeunesse marocaine. Plutôt que d’étouffer la colère, la répression l’a exacerbée, mettant en lumière les limites d’une approche autoritaire face à une génération connectée et consciente de ses droits.

Réagir à la colère par le mépris, c’est nourrir le ressentiment. Les événements du dernier week-end au Maroc en sont une illustration éclatante. Ce qui devait être des manifestations pacifiques, menées principalement par des milliers de jeunes de la génération Z, s’est transformé en scènes de violence essentiellement à cause de la manière dont ils ont été gérés.

Au lieu d’encadrer ces manifestations pour en canaliser l’énergie, les forces de l’ordre ont choisi la voie de la répression. Des arrestations ont été ordonnées alors que, selon des milliers de vidéos relayées en ligne, aucune justification ne semblait valable. Ce choix stratégique s’est avéré contre-productif : il a provoqué les débordements que l’on prétendait éviter.

D’après le journal Le Monde "un jeune homme a été grièvement blessé, à Oujda, dans l’est du pays, après avoir été renversé par un fourgon des forces de l’ordre. Diffusée sur les réseaux sociaux, une vidéo virale montre l’estafette bleue filer à toute allure, gyrophares allumés, sur une place de la ville, avant de percuter de plein fouet un manifestant, de lui rouler dessus et de poursuivre sa route"

Lorsqu’une colère est légitime, elle doit pouvoir s’exprimer librement, être écoutée et recevoir des réponses à la hauteur des attentes qu’elle porte. Cette même jeunesse avait déjà pris part, à plusieurs reprises, aux mobilisations contre le génocide à Gaza, sans faire l’objet de répression. Pourquoi, alors, une telle fermeté aujourd’hui ? Sans doute parce que cette fois, leur cri ne vise pas l’extérieur : il renvoie à des responsabilités internes, dérangeant des consciences impliquées dans la corruption, la dégradation des services publics et la flambée du coût de la vie.

En ordonnant des arrestations arbitraires, les autorités ont donné l’impression de sous-estimer, voire de mépriser, cette génération. Comme si l’on pouvait encore gérer les mouvements sociaux avec les réflexes d’une autre époque. Or, le Maroc de 2025 n’est plus celui des années de plomb.

Ce n’est que le mardi suivant, deux jours après les manifestations, que la majorité gouvernementale a publié un communiqué promettant aux jeunes écoute et réformes. Dans le même texte, elle saluait la « gestion équilibrée » des forces de l’ordre et insistait sur le respect des procédures légales. Un discours officiel décalé par rapport à la réalité vécue sur le terrain, renforçant le sentiment d’injustice et de déconnexion.

Reconnaître une erreur n’est pas une faiblesse politique ; c’est souvent le point de départ d’une reconquête de la confiance citoyenne.

L’histoire juridique marocaine rappelle pourtant l’importance des libertés publiques. Dès 1958, avant même la Constitution de 1962, le Dahir du 15 novembre avait établi un cadre libéral pour la presse, les associations et les rassemblements publics, reposant sur un simple régime déclaratif.

Fermer la porte à la liberté de manifester, c’est bloquer la voie de l’émancipation et de la modernisation démocratique.

Certains Marocains, notamment de la diaspora, ont appelé les jeunes au calme. Oui, c’est nécessaire de retrouver le calme en toute urgence. Les jeunes doivent traduire leur colère en discours politique. Par ailleurs, les responsables de cette répression doivent reconnaître leur erreur. Un simple communiqué ne peut apaiser une colère profondément ancrée. Des gestes politiques forts sont nécessaires : libérations rapides de certains détenus d’opinion, ouverture d’un dialogue sincère avec la jeunesse, démission de certains ministres qui ont échoué dans leur mission.

Le Maroc est une nation riche et fière de sa grande histoire. Mais cette histoire s’écrit aussi avec ses citoyens d’aujourd’hui. Ces jeunes manifestants représentent le Maroc contemporain et celui de demain. Ils méritent respect et considération. Leur mobilisation, annoncée pacifique, a été dénaturée par des arrestations injustifiées qui ont rallumé une colère longtemps contenue.

Loin d’être une menace, la colère de la génération Z est un signal d’alerte, une opportunité pour les gouvernants de repenser leur rapport au citoyen. Cette génération constitue, de fait, le meilleur contre-pouvoir démocratique dont le Maroc a besoin pour avancer.

Et qu’on ne vienne pas évoquer une main étrangère derrière cette manifestation populaire. Ce serait une insulte à l’intelligence des Marocains. Les véritables causes sont internes : une gouvernance à bout de souffle et une élite politique sourde aux aspirations populaires.

Dans un pays où la démocratie est encore en construction, empêcher le peuple d’y participer, c’est attaquer le cœur même de cette construction. Il est temps que ceux qui prétendent gouverner se souviennent : ce n’est pas au peuple de craindre l’État, mais à l’État de respecter le peuple et sa Constitution.

Je rappelle aussi que c’est le mouvement du 20 février, inspiré des révoltes du Printemps arabe, qui a amené le roi Mohammed VI à proposer une réforme constitutionnelle. Elle a été soumise au vote populaire. 98,49% des marocains ont voté en faveur de la nouvelle constitution qui réaffirmait, notamment, leur droit à manifester.

Ne pas respecter la constitution revient à ne pas respecter ni le peuple, ni le roi !

Mohamed Lotfi

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