Édition du 23 avril 2024

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Environnement

Mémoire d’Eau Secours ! Projet de loi 106 : Le Québec n’est pas le gruyère des pétrolières et des gazières

Eau Secours ! a déposé un mémoire à la Commission parlementaire sur le projet de loi 106, la loi concernant la mise en oeuvre de la Politique énergétique 2030 ET modifiant diverses dispositions législatives, dont le projet de loi sur les hydrocarbures.

« Avec le dépôt du projet de loi 106, vous marchez dans les traces du précédent gouvernement fédéral conservateur qui a tant été décrié pour son absence de respect envers la démocratie et l’intelligence de l’électorat. En bon élève, vous avez bien appris de la Loi C51 fédérale. Vous nous avez servi le même plat fourre-tout, mais cette fois-ci, portant le nom de Loi concernant la mise en œuvre de la Politique énergétique 2030 et modifiant diverses dispositions législatives. Caché aux confins de ce projet de loi se trouve le projet de loi sur les hydrocarbures, ce poison derrière les vœux pieux. La Coalition Eau Secours !, tout comme les comités de citoyens, n’ont pourtant pas été dupes.

À la lecture du projet de loi sur les hydrocarbures, l’équipe d’Eau Secours ! a constaté que les questionnements et les inquiétudes des citoyens ont été balayés de la main, et que leur refus de voir cette industrie se développer au Québec n’a pas fait le poids contre les lobbyistes des pétrolières et gazières. »

Extraits

Avec le dépôt du projet de loi 106, vous marchez dans les traces du précédent gouvernement fédéral conservateur qui a tant été décrié pour son absence de respect envers la démocratie et l’intelligence de l’électorat.

En bon élève, vous avez bien appris de la Loi C51 fédérale. Vous nous avez servi le même plat fourre-tout, mais cette fois-ci, portant le nom de Loi concernant la mise en œuvre de la Politique énergétique 2030 et modifiant diverses dispositions législatives. Caché aux confins de ce projet de loi se trouve le projet de loi sur les hydrocarbures, ce poison derrière les vœux pieux. La Coalition Eau Secours !, tout comme les comités de citoyens, n’ont pourtant pas été dupes.

Non content de nous offrir un ingrédient infect sous les apparences d’un plat de haute gastronomie, vous nous l’avez servi en plein été et en toute fin de session parlementaire. Ce n’est pas la première fois que vous employez ce stratagème. Le Règlement sur le prélèvement des eaux et leur protection nous a été servi de la même manière à l’été 2014.

À la lecture du projet de loi sur les hydrocarbures, l’équipe d’Eau Secours ! A constaté que les questionnements et les inquiétudes des citoyens ont été balayés de la main, et que leur refus de voir cette industrie se développer au Québec n’a pas fait le poids contre les lobbyistes des pétrolières et gazières. Manifestement, notre bon gouvernement préfère « ces citoyens corporatifs » à ceux qui l’élisent, comme quoi la vision gouvernementale de la démocratie ne se concrétise que tous les quatre ans ! N’est-ce pas là une belle leçon de mépris ?

La démocratie ne consiste pas à voter une fois tous les quatre ans et entre-temps, à se boucher les yeux et les oreilles en plus de se censurer.

C’est l’implication citoyenne qui fait la démocratie, pas l’aveuglement volontaire ni le déni de nos élus qui préfèrent dénigrer les citoyens informés qui s’impliquent dans la chose publique. Une élection n’est pas un chèque en blanc !

Parce que la Coalition Eau Secours ! respecte les principes de la démocratie, nous prenons le temps de rédiger et de déposer ce mémoire, à l’occasion de la Commission parlementaire qui étudiera le projet de loi 106, qui illustre les trop nombreuses incohérences, absurdités et mesures inacceptables en vertu de la protection de l’eau et du public. À cette fin, la Coalition charge nos représentants gouvernementaux de prendre les dispositions suivantes :

 Scindez le projet de loi no 106 et retirez-en le projet de loi sur les hydrocarbures : la transition énergétique et le développement de la filière des hydrocarbures n’ont rien à faire dans le même projet de loi.

 Retenez, renforcez et complétez les dispositions qui mènent le Québec
vers une véritable transition énergétique, sans pétrole ni développement du gaz naturel fossile, liquéfié ou non.

 Rachetez les « claims » qui ont été bradés à 0,10$ l’hectare et revoyez votre stratégie de fond en comble, de manière à suspendre indéfiniment toute activité d’exploration ou d’exploitation du pétrole et du gaz au Québec.

Nous ne saurions exiger rien de moins. Vous jouez avec notre eau, essentielle à toute vie, et avec le futur de nos enfants.

Le projet de loi 106 : démocratie bafouée, eau contaminée

Richard Langelier, juriste, sociologue et membre du Collectif scientifique sur la question du gaz de schiste, a analysé en détail le projet de loi 106. Il a fait la démonstration des nombreux droits citoyens bafoués dans le projet de loi sur les hydrocarbures au profit de l’industrie :

 Droit de propriété ;

 Droit au recours en justice ;

 Droit à l’accès à l’information ;

La Coalition Eau Secours !, bien qu’elle n’endosse absolument pas ce pied de nez à la démocratie, ne s’étendra pas sur les impacts de ces dispositions dans le futur quotidien des citoyens dans la vallée du Saint-Laurent dont les terrains ont déjà été « claimés » depuis belle lurette et à prix dérisoire.

L’objet de ce mémoire sera d’exposer les risques des dispositions du projet de loi 106, qui ouvre toute grande la porte à l’exploitation des hydrocarbures et du gaz de schiste, sur l’eau potable au Québec, puisque vous ne semblez pas encore les connaître.

Le camouflage des mots : complétion repérée

En étudiant les définitions et termes employés dans le projet de loi, nous ne pouvons que constater la stratégie d’en renommer quelques-uns afin d’éliminer les termes à connotation négative, soit ceux qui sont associés légitimement avec l’inquiétude et la méfiance des citoyens (ex. « raccordement » au lieu de « oléoduc »).

Cependant, la Coalition Eau Secours ! n’est pas dupe de la signification du terme « complétion ». L’article 31 du Règlement sur le prélèvement des eaux et leur protection (RPEP) définit la fracturation comme étant une opération qui consiste à créer des fractures dans une formation géologique en y injectant un fluide, sous pression, par l’entremise d’un puits, à l’exception de celle utilisant un volume de fluides inférieur à 50 000 litres. L’injection d’un volume de fluides inférieur à 50 000 litres est donc nommée « complétion ». Peu importe le volume de fluides injectés, cette activité et ses impacts demeurent les mêmes.

Fracturation ? Complétion ? Même menace à l’eau potable. En changer les termes ne change en rien la réalité et les risques.

PL106, article 3. Tous les travaux réalisés en vertu de la présente loi doivent l’être selon les meilleures pratiques généralement reconnues pour assurer la sécurité des personnes et des biens, la protection de l’environnement et la récupération optimale de la ressource.

Quelles seront ces meilleures pratiques ? Elles seront reconnues par qui ? Celles de l’industrie, évidemment. Les industries albertaines ne cessent de nous répéter qu’elles utilisent les meilleures pratiques disponibles et les plus sécuritaires (Enbridge, TransCanada, Pétrolia, etc.). Ce sont donc celles des gros joueurs du secteur pétrolier qui seront endossées par le projet de loi 106. La protection de l’eau n’est pourtant pas dans la charte des valeurs commerciales.

Vous laissez à une entreprise le loisir de déterminer les meilleures pratiques assurant la sécurité de leurs opérations et l’intégrité de nos cours d’eau. Vous vous délestez de la responsabilité de protéger nos milieux de vie. En cas de déversement, le projet de loi vous permet de vous laver les mains, « sachant » que l’industrie ne pouvait faire mieux, puisque « ses pratiques sont les meilleures existantes ».

Pourtant, la réalité est loin d’être rose. Malgré les discours de M. Arcand et de l’industrie, qui se veulent rassurants, voici un palmarès non exhaustif des résultats des « meilleures pratiques de l’industrie » pétrolière et gazière :

 Rivière Kalamazoo, Michigan, 1 million de gallons, juillet 2010

 Peace River (milieux humides), Alberta, 4,5 millions de litres, avril 2011

 Red Deer River, Alberta, 461000 litres, juin 2012

 Station de pompage d’Enbridge, Alberta, 230 000 litres, juin 2012

 Cold Lake Air Weapons Range, 1,5 million de litres, juillet 2013

 Zama City, Alberta, respectivement 15 et 1,8 million de litres d’eaux usées et salées, mai et octobre 2013

 Slave Lake, Alberta, 70000 litres avril 2014

 Tourbière de Red Earth Creek, Alberta, 60000 litres, novembre 2014

 Nexen Energy pipeline, au sud de Fort McMurray, Alberta, 5 millions de litres juillet 2015

 Keystone1, South Dakota, 63600 litres, avril 2016 (35 déversements au cours de la première année d’opération)

La plupart des déversements cités ci-dessus ont eu lieu en Alberta, province qui poursuit intensément l’extraction et le transport de ses ressources d’hydrocarbures. C’est ce qui attend le Québec avec l’entrée en vigueur du projet de loi 106. Certes, les hydrocarbures québécois sont d’une nature différente (davantage de gaz de schiste que de sables bitumineux), mais avec les projets de fracturation hydraulique et d’oléoducs sur le territoire québécois, nos sources d’eau potable n’en sont pas moins à risque.

(…)

L’article 3 signifie l’abandon réel des droits régaliens de l’État de fixer les normes nécessaires et les limites dans lesquelles l’industrie doit opérer afin de protéger les citoyens et l’environnement.

(…)

Lorsque les puits d’eau potable des citoyens seront contaminés des suites des activités de la fracturation hydraulique, les citoyens n’auront aucun recours pour se défendre.

(…)

Le pouvoir de déterminer les conditions d’exécution du projet de loi réside donc entre les mains du ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, qui s’est ouvertement prononcé en faveur de l’extraction des hydrocarbures québécois, et non entre celui des parlementaires. C’est beaucoup de pouvoir pour un si grand nombre de conditions, considérant les impacts et risques irréversibles de l’exploitation des hydrocarbures sur les sources d’eau potable.

Sortez-nous de l’ère noire des hydrocarbures

Le projet de loi sur les hydrocarbures donne une primauté de droits à l’industrie sans préciser comment l’exploitation se fera. Il dicte que les autorisations seront attribuées par licence, que les titulaires de ces licences devront payer des droits, respecter des délais d’autorisation renouvelables, rédiger des rapports et concevoir des plans de fermeture, mais n’entre pas plus en détail.

Le développement d’une industrie est censé être un levier économique pour se donner les moyens, comme société, d’offrir davantage de services publics et d’enrichir nos citoyens. Avec ce projet de loi, le développement se ferait ironiquement envers et contre les citoyens qui y perdent leurs droits fondamentaux, soient le droit à leur propriété, le droit à la justice, le droit d’être adéquatement informés et le droit à une eau et un environnement sains. Ici, les bénéfices ne valent pas les pertes significatives, dont plusieurs irréversibles, que subiront les Québécois et Québécoises.

Le projet de loi 106 et une aberration qui ne protège ni les citoyens ni l’environnement, et qui ridiculise la notion de Transition énergétique que réclame la société civile. Élus et fonctionnaires, vous devez retourner faire vos devoirs. Écoutez vos citoyens ! Ça fait belle lurette qu’ils vous parlent et leur message est clair : laissez les hydrocarbures dormir dans le sous-sol et faites enfin preuve de vision et d’une réelle transition énergétique.

Le gouvernement du Québec à un rôle à jouer : celui de protéger sa population et leur environnement. Au lieu de vous « à plat-ventrir » devant l’industrie, levez-vous debout, établissez (de concert avec vos citoyens) les règles du jeu et guidez le processus en devenant les leaders que nous sommes en droit d’attendre de vous.

Pour consulter le mémoire complet d’eau Secours !

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