Édition du 26 mars 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Syndicalisme

Appel d’intérêt pour construire des hôpitaux privés, ou …

« Mets ta pelle dans le cash ! »

« Mets ta pelle dans le cash ! » [1] [2]

Quelle belle formule « appel d’intérêt » on devrait plutôt dire « Qui est intéressé à obtenir » :

1- un contrat long terme,
2- avec un client unique (le gouvernement) qui paye tout ;
3- qui garantit un afflux permanent de clients ;
4- qui vous offre un contrat qui demeurera secret comme les contrats PPP ;
5- qui fait peu de reddition de compte ;
6- un contrat fera de vous des multimillionnaires ?

Soyons clairs, qui que ce soit qui remportera la course vers un premier hôpital privé recevra toutes les subventions, abaissements d’impôts et tous les avantages fiscaux possibles et imaginables. De plus, le régime public va continuer de payer les médecins, les équipements médicaux, les infirmières, le personnel. Bref les dépenses resteront publiques et les profits resteront privés. C’est-y pas un beau programme ça !

Pourquoi maintenant ?

Déjà, le service public craque car il a perdu beaucoup de médecins qui sont partis au privé. Les médecins s’incorporent, ce qui leur permet de réduire leurs impôts d’environ 30%. Cet exode des médecins allonge les listes d’attentes partout et dans tous les domaines médicaux.

Déjà notre réseau perd des infirmières au privé qui les attire avec des salaires souvent supérieurs à ce qui est payé au public. Celles qui restent voient leur temps supplémentaire obligatoire augmenter et cette situation en pousse d’autres à s’exiler vers le privé.

Ça devient un cercle vicieux, plus l’exode vers le privé s’accentue, plus on dégrade les conditions de travail des employé-es sdu secteur public et cela finit par dégrader la qualité des soins offerts aux patient-es.

Présenter le privé comme une solution aux problèmes du réseau est purement et simplement une arnaque.

Les Groupes de Médecine Familiale (GMF) privés c’était la phase 1 de la privatisation

Au lieu de mieux financer les CLSC, les libéraux avaient opté la création de Groupe de médecine familiale privés, les GMF.

En 2015, le Vérificateur général [3] , [4] a produit un rapport dévastateur dénonçant les multiples facettes du gaspillage et d’abus de fonds publics dans l’aventure des GMF privés.

Le Vérificateur général contestait les motifs pour recourir au privé en écrivant que :

« Les agences attribuent un soutien financier aux GMF en s’appuyant essentiellement sur la volonté des médecins de pratiquer dans le cadre de ce modèle d’organisation peu importe le secteur géographique. Les besoins de la population et la proximité des services de première ligne sont peu pris en compte [5] »

Le VG soulignait déjà le risque de perdre des effectifs du réseau public :

« Les mécanismes actuels que le ministre a mis en place en vue d’encadrer la répartition des effectifs médicaux n’ont pas comme objet de favoriser l’équilibre entre les cliniques médicales et les établissements. [6] »

Le trésor public paie les infirmières des GMF privés [7] , mais ils ne sont pas tenus de suivre le guide du Ministère quant aux des tâches affectées aux infirmières et ce, même si le GMF privé reçoit les sommes allouées à ces tâches [8] .

Des « trucs » pour gonfler les profits

Le Vérificateur dénonce plusieurs « trucs » que les GMF privés peuvent adopter pour gonfler leurs profits.

Par exemple, ils peuvent choisir d’embaucher des infirmières techniciennes (DEC) alors que le Ministère paie pour des infirmières cliniciennes (universitaires), ce qui signifie que le GMF privé empoche la différence salariale, qui en 2014 était de 6,50$ de l’heure [9] . Autre « truc » ; constaté par le Vérificateur général, lorsqu’un médecin fait un vaccin il est payé plus cher que lorsque c’est l’infirmière qui le fait [10] .

En 2014, 43% des GMF n’avaient pas le nombre de patients pour lesquels ils recevaient des sommes du Ministère. [11]

Sans oublier, que le gouvernement ne disposait d’aucune donnée fiable sur les activités réalisées par le personnel clinique [12]. Et même si le privé triche et ne respecte pas les exigences établies, on continue de les financer. [13]

Déjà en 2015, la privatisation des services informatique faisait des ravages jusque dans les GMF.

C’est le trésor public qui équipe les GMF en systèmes informatiques fournis et installés par des firmes privées Il n’y a pas de balises, pas de résultats prévus pour justifier les dépenses, pas de suivis par le Ministère et pas d’intégration des données avec le réseau de la santé [14].

On a juste à changer Ministère de la santé en 2015 pour SAAQ en 2023 et on pourrait se servir du même rapport, comme quoi, quand il est temps de « faire une place au privé » on n’a rien appris de nos erreurs.

Privatisation phase 2 en 2023

Ceci est un tout petit exemple parmi beaucoup que se déroulent en ce moment à travers la province.

L’Hôpital de Lachine fait partie du CUSM. Avant la pandémie il y avait deux salles de chirurgie réservées uniquement pour faire des opérations de la cataracte. Arrive la pandémie, les salles d’opérations ferment. Les médecins se dirigent vers l’Institut de l’œil de Montréal qui est privé.

Maintenant que toutes les opérations de l’hôpital reprennent, les médecins ne veulent pas revenir, ils veulent rester au privé c’est plus payant et les salles d’opération à Lachine ne sont pas utilisées en ce moment.

Pour nous endormir, le gouvernement répète que le patient/client qui ira au privé ne paiera pas de frais, que tout sera payé par le trésor public. C’est absolument vrai, le gouvernement paie 100% de toutes les opérations effectuées au privé, donc, même les profits viennent directement des fonds publics.

C’est tellement grossier que c’est vulgaire. Récemment une secrétaire administrative de l’Institut de l’œil a demandé pour avoir un ordinateur neuf. Le patron de l’Institut envoie la question à un cadre du CUSM qui répond :« Achète tout dont tu auras besoin on refile la facture à Lachine »….

Le système de gestion des patients de l’institut de l’œil n’est pas compatible avec celui du réseau public. Résultat : une agente administrative du CUSM doit entrer « à la mitaine » les dossiers des patients de l’institut ce qui prend presque 2 heures par patient alors qu’il fallait moins de 10 minutes pour le faire lorsque les patients étaient traités directement à Lachine.

C’est aussi une agente administrative de l’Hôpital qui doit faire tout le travail de gestion des patients ainsi que l’achat et la gestion de tout le matériel médical nécessaire aux opérations de l’institut.

La privatisation des opérations de la cataracte à Lachine se fait même si Lachine est L’hôpital le mieux classé au Canada parmi les hôpitaux de taille comparable selon le magazine Newsweek [15]. Une privatisation en douce qui ne fait rien pour améliorer les services mais beaucoup pour enrichir une firme privée.

À moins de croire au père Noël… le privé en santé c’est NON

Il y a plus de 20 ans avons eu les GFM privés, ensuite on nous a imposé les méga-hôpitaux en PPP. Maintenant ce sont les mini-hôpitaux privés qui sont chers au cœur de la CAQ.

On peut déjà vous dire qu’ils seront chers tout court. Les contrats seront secrets, Et derrière ce secret commercial se cache tous les abus. Dans le cas des hôpitaux en PPP le gouvernement est lié par un contrat de 30 ou 35 ans selon l’hôpital, et personne au Québec n’a le droit de savoir combien ça coûte changer une ampoule électrique au CHUM et au CUSM.

Comme disait si bien Albert Einstein :

« …la folie c’est de refaire toujours la même expérience et continuer d’espérer obtenir des résultats différents »

Dans un prochain article, nous reviendrons pour rafraîchir la mémoire de la CAQ sur les abus de toutes sortes qui surviennent encore aujourd’hui, et pour longtemps avec les contrats PPP secrets.

Jean-Pierre Daubois

Syndicaliste


[1Appel d’intérêt pour construire des hôpitaux privés, ou…

[2Paroles de Richard Desjardins dans la chanson Koulou Koulou sur le disque Abbittibbi Live

[3NOTE : L’intégrale du rapport du Vérificateur général est inséré ci-dessous en format PDF, cliquez sur cette icône pour lire ce rapport

[5Ibid. paragraphe 57 du rapport du Vérificateur général

[6Ibid. paragraphe 62

[7Ibid. paragraphe 72

[8Ibid. paragraphes 74, 75

[9Ibid. paragraphe 76

[10Ibid. paragraphe 77

[11Ibid. paragraphe 97, 98

[12Ibid. paragaone 79

[13Ibid. paragraohe 94

[14Ibid. paragraphes 88,89,90

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