Édition du 4 novembre 2025

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Le Monde

ONU : après 80 ans de promesses, un aveu d’impuissance !

Le 24 octobre 2025, l’Organisation des Nations Unies (ONU) fête ses 80 ans. Née des ruines de la Seconde Guerre mondiale, elle devait garantir la paix et éviter le retour du chaos. Huit décennies plus tard, le monde compte plus de guerres que de négociations réussies. L’ONU demeure pourtant l’un des rares lieux où toutes les nations peuvent encore dialoguer. Mais son influence s’effrite, freinée par les rivalités et les blocages d’un système devenu trop rigide.

28 octobre 2025 | tiré du Journal des alterntives
https://alter.quebec/onu-apres-80-ans-de-promesses-un-aveu-dimpuissance/

Aux origines : un espoir collectif

En 1945, cinquante pays signaient à San Francisco la Charte des Nations Unies. Le monde sortait à peine de la barbarie de la Seconde Guerre mondiale et l’idée d’un système fondé sur la coopération plutôt que sur la force paraissait révolutionnaire. L’ONU reposait sur trois piliers : maintenir la paix, défendre les droits humains et promouvoir la coopération internationale.

Les décennies suivantes ont vu des progrès majeurs : la décolonisation, la reconnaissance du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, la création d’agences comme l’OMS ou l’UNESCO. Pendant longtemps, l’ONU a incarné un idéal : celui d’une humanité capable de se doter d’institutions communes pour résoudre ses différends.

Gaza : le miroir d’un système à bout de souffle

Dès ses débuts, l’ONU a été marquée par la guerre froide. Le Conseil de sécurité, censé garantir la paix, a donc accordé à certaines puissances un droit de véto capable d’empêcher toute décision collective. Ce pouvoir, imaginé pour préserver l’équilibre entre grandes nations, s’est vite transformé en outil de blocage.

Depuis, les États-Unis en font un usage répété, souvent pour protéger Israël. Le conflit à Gaza en est la preuve la plus récente : Washington a opposé plusieurs vétos à des résolutions réclamant un cessez-le-feu ou la protection des civils. Cette position alimente un profond sentiment d’injustice dans une grande partie du monde.

La guerre à Gaza est alors devenue le symbole de l’impuissance de l’ONU. Les images de destructions, les chiffres des morts civiles, les cris d’alarme des ONG, tout cela contraste avec le silence du Conseil de sécurité.

L’Assemblée générale, où chaque pays dispose d’une voix, a voté à une large majorité en faveur d’un cessez-le-feu immédiat. Mais ces votes, non contraignants, n’ont eu aucun effet concret. La comparaison entre les réactions au Conseil de sécurité de l’ONU face à l’invasion de l’Ukraine et au conflit de Gaza souligne les limites du système actuel : tout dépend de la position des membres permanents du Conseil et de leur usage du droit de véto.

Cette situation affaiblit la crédibilité de l’organisation et relance le débat sur sa capacité à représenter équitablement la communauté internationale.

Le véto : un privilège à repenser

La question du droit de véto est aujourd’hui au cœur de tout débat sur la réforme de l’ONU. Depuis 1945, les États-Unis ont utilisé le véto plus de 80 fois, majoritairement pour protéger Israël. La Russie s’en est également servie à maintes reprises, notamment pour bloquer des résolutions sur la Syrie ou l’Ukraine. La Chine, plus discrète, l’a employé pour défendre ses alliés.

Beaucoup de pays demandent aujourd’hui que le véto soit limité, suspendu dans les cas d’atrocités massives, ou soumis à une justification publique. Des propositions circulent aussi pour élargir le Conseil de sécurité à des pays d’Afrique, d’Amérique latine ou d’Asie, afin de mieux refléter le monde d’aujourd’hui.

Mais ces réformes supposent l’accord des membres permanents eux-mêmes. Autrement dit, ceux qui profitent du système devraient renoncer à une part de leur pouvoir.

Réformer sans détruire

Réformer l’ONU ne veut pas dire la remplacer ou la démanteler. Face aux crises climatiques, aux pandémies, aux guerres et aux migrations, aucun État ne peut agir seul. La coopération reste vitale.

L’ONU doit se réinventer sans perdre son âme : devenir plus transparente, plus représentative, plus réactive. Elle doit redonner du sens à la parole collective. Les jeunes générations, dans le monde entier, ne comprennent plus qu’on puisse condamner la guerre d’un côté et rester silencieux devant une autre.

Le monde d’aujourd’hui n’est plus celui de 1945. Les rapports de force ont changé, les menaces aussi. Le multilatéralisme doit redevenir un outil d’équilibre, pas une scène de blocage.

80 ans après : que reste-t-il du rêve ?

À 80 ans, l’ONU se trouve à un tournant décisif de son histoire. Plusieurs la jugent affaiblie, d’autres la considèrent comme indispensable. Sans l’ONU, il n’existerait ni coordination pour l’aide internationale, ni accords sur le climat, ni véritable espace de dialogue universel. Mais si l’organisation reste inefficace, le monde demeure soumis à la loi du plus fort et aux intérêts particuliers des grandes puissances.

Aujourd’hui, l’ONU ne peut plus se contenter de déclarations et de résolutions symboliques. Elle doit démontrer sa capacité à agir concrètement, même lorsque les enjeux impliquent les États les plus influents. Faute de quoi, elle pourrait connaitre le même sort que la Société des Nations, incapable de prévenir les conflits majeurs et confrontée à l’échec face à la guerre. L’avenir de l’organisation dépend donc de sa volonté et de sa capacité à transformer ses principes en actions tangibles.

Pour un multilatéralisme vivant

Célébrer 80 ans d’existence, c’est reconnaitre une réussite : celle d’avoir maintenu un espace de dialogue malgré les divisions et les conflits. Mais c’est aussi un appel à refonder cet espace.

Le monde a besoin d’une ONU forte, non pas autoritaire, mais juste. D’une ONU qui écoute les peuples autant que les États. D’une ONU qui protège, arbitre et alerte, sans crainte de froisser les puissances.

Le rêve de 1945 n’est pas mort. Il attend simplement d’être remis à jour.

Laila Abed Ali

Correspondante en stage au Journal des alternatives.

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