Édition du 26 mars 2024

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Analyse politique

Québec solidaire : tendre l'oreille...

Le Conseil national de Québec solidaire se réunissait en fin de semaine pour faire le bilan de la dernière campagne électorale, évaluer les erreurs commises et surtout (c’est devenu une formule) "écouter la population". On trouve que certaines propositions ont été mal expliquées à l’électorat par le parti, notamment les taxes sur les véhicules polluants et sur la "fortune", l’impôt sur l’héritage.

Pour sa part, Gabriel Nadeau-Dubois le co porte-parole peut-il procéder à ce revirement ? Est-il l’homme de la situation ? Il a lui-même admis récemment que sa crédibilité était quelque peu plombée par son image de leader allergique à la remise en question et à l’autocritique. Dans la foulée, il a ajouté s’être tout de même livré depuis le 3 octobre dernier à un "exercice de réflexion et d’autocritique". Tant mieux si cette affirmation correspond à la réalité. On jugera aux résultats dans les prochains mois, ou même les prochaines semaines.

Toutefois, au moment où ces lignes sont écrites, il semble au sein de la direction du parti être moins question d’écouter la population que de mieux lui faire comprendre la "pertinence" de certaines propositions auxquelles elle est rétive. Ces deux attitudes ne sont certes pas incompatibles, mais elles ne se recoupent pas complètement. Le co porte-parole et sa garde rapprochée se conçoivent-ils comme des pédagogues qui se chargent de faire entrer dans le crâne des électeurs et des électrices le bien-fondé de leurs propositions (ce qui révèlerait un certain paternalisme de leur part) ou bien comme d’authentiques démocrates prêts à tenir compte de points de vue différents des leurs ? Nadeau-Dubois ne paraît pas très porté là-dessus.
À certains égards, la culture d’organisation et politique de Québec solidaire ressemble à celle du Parti québécois de la décennie 1970 : il fallait défendre à tout prix l’idéal souverainiste et pour y arriver, élever le niveau de conscience des Québécois et Québécoises.

Mais les problèmes de Québec solidaire ne se résument pas aux défaillances, réelles ou présumées des membres de sa direction. On en remarque deux principaux : l’adhésion à l’Indépendance en 2017 avec l’arrivée de Gabriel Nadeau-Dubois à sa tête et l’intégration d’Option nationale d’une part, et d’autre part l’opposition à la loi 21 à partir de mars 2019.
Rappelons que Québec solidaire a vu le jour en 2006 avant tout pour combattre le capitalisme rétrolibéral. Sa position constitutionnelle consistait en cas de prise du pouvoir, à convoquer une assemblée constituante ouverte à la plupart des courants idéologiques de la société pour rédiger un projet de constitution et le soumettre pour approbation à la population par voie de référendum.

Il s’agissait d’une position rassembleuse qui permettait au parti de continuer à prioriser la lutte sociale plutôt que la souveraineté, deux objectifs qui, quoi qu’on en dise, ne se recoupent pas. Mais avec l’arrivée en 2017 dans le décor solidaire de Gabriel Nadeau-Dubois, un indépendantiste convaincu et celle d’Option nationale de Sol Zanetti, changement d’orientation : exit l’assemblée constituante ouverte, remplacée par une autre, exclusivement formée de souverainistes. Elle proposera donc à l’électorat une question portant uniquement sur la souveraineté, ce qui revient à s’enfermer dans le ghetto indépendantiste.

Cette réorientation fut critiquée à l’époque justement parce qu’elle brouillait la distinction entre socialisme et indépendantisme. Mis on fit taire ces voix dissidentes.

L’autre problème majeur de Québec solidaire dont on a beaucoup traité et sur lequel par conséquent je ne m’attarderai pas est celui de son opposition à la loi 21, pourtant appuyée par une forte majorité de la population. Est-ce que volonté affichée de la direction solidaire de se mettre à l’écoute des gens peut la conduire aussi à remettre en cause cette opposition ?
Bien sûr, une majorité ne fait pas toujours une vérité mais il y a des limites à croire avoir raison contre tout le monde ! On tombe alors dans l’élitisme, un comble pour un parti qui se veut de gauche.

Quel sort attend donc celui-ci ? Chose certaine, son rival péquiste l’a talonné lors du scrutin d’octobre 2022 (14.6% contre 15.1%) et au dernier sondage, il atteint 18% des intentions de vote alors que Québec solidaire, lui, stagne toujours à 15%.

Québec solidaire devrait peut-être se mettre aussi en mode écoute à l’endroit du parti fondé par René Lévesque...

Jean-François Delisle

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