Édition du 16 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Environnement

Révolution citoyenne pour respecter les limites de la planète

L’humanité est a une croisée des chemins et nous avons à choisir sur quelle trajectoire nous voulons que nos enfants se retrouvent : un cul-de-sac avec un "business as usual" ou un mode de vie durable sous l’impulsion d’un réveil citoyen.

Car l’avez-vous remarqué ? Nous sommes prisonniers d’une contradiction :

 D’un coté, une crise environnementale grave se traduisant par une pollution galopante tant de l’air que de l’eau et de la terre, ainsi que par une raréfaction rapide des ressources naturelles non renouvelables ;
 De l’autre, une crise économique et financière mondiale tout aussi grave dont la seule issue, compte tenu des règles actuelles, réside dans la relance de la croissance, autrement dit plus de production et de consommation. Cette thérapie digne des médecins de Molière revient à aggraver la première maladie pour soigner la seconde. Or si on ne peut nier les souffrances qu’engendre la seconde sur les plus fragiles, c’est oublier que les effets de la première sont mortels pour tous ! Notre monde est actuellement comparable à un cancéreux du poumon à qui on demande de fumer plus pour pouvoir financer la recherche. Il faut en sortir !

Ce réveil citoyen devrait selon nous se dérouler en trois phases plus ou moins concomitantes :

 1. Mise a jour de notre contrat social,
 2. mise à jour de notre démocratie,
 3. mise à jour de notre économie.

Mise à jour de notre contrat social

Pour amorcer un tel changement dans notre société, cela prend une volonté politique forte qui ne peut exister que sur une volonté tout aussi forte de la population à respecter les limites de la planète. Un engagement collectif donc, qui, pour être efficace dans un État de droit, doit prendre la forme d’un partage des responsabilités écologiques, sociales, économiques, informationnelles et politiques entre les personnes et les organisations incluant les entreprises et l’État. Ce partage des responsabilités pourrait compléter les droits et libertés de la personne et, ce faisant, constituer une mise a jour de notre contrat social québécois comme la charte des droits et libertés de la personne en est une. Mais au lieu d’être imposé par le gouvernement, cette mise à jour serait élaborée et adoptée par la population du Québec lors d’un vaste débat public favorise par un processus de démocratie participative.

Mise à jour de notre démocratie

Une fois l’engagement collectif formulé et adopté, nous pourrions mettre à jour notre démocratie qui date de 3 siècles et qui reflète un esprit impérialiste britannique du "diviser pour régner "où l’intérêt général se réduit à l’addition des intérêts particuliers. Cela se traduit par des luttes et marchandages entre partis politiques opposés. Que d’intelligence et d’énergies gaspillées à ce jeu ; que de décisions prises au détriment du bien commun pour conserver ou conquérir le pouvoir ! Si ce système d’opposition et du chacun-pour-soi est très efficace pour maintenir le statu quo et la domination des intérêts privés, il est en totale contradiction avec la "biodiversité" sans laquelle aucune vie n’est possible. C’est un principe de "variété requise"et de subsidiarité qui doit présider à cette mise à jour de notre démocratie.

Le principe de "variété requise" dit que le contrôle d’un système complexe doit être de même niveau de complexité que le système que l’on veut contrôler. Ainsi, une diversité des points de vue doit être présentée dans les décisions collectives afin de refléter la complexité de notre société. La représentation législative proportionnelle, la direction exécutive collégiale et la gouvernance régionale permettraient de refléter dans la complémentarité et non plus la lutte la diversité des partis politiques, la responsabilité du gouvernement face aux décisions d’hier et de demain, et les identités régionales. C’est le contrat social préalablement défini, reflétant l’intérêt général et partagé par l’ensemble de la population qui inspirera et rendra cohérentes les décisions collectives. Et pour s’assurer que l’intérêt général est au coeur de nos décisions collectives, la population doit pouvoir avoir le dernier mot dans ces décisions et exercer sa souveraineté légitime au moyen de processus participatifs comme le référendum d’initiative populaire. Il serait souhaitable que ces différents éléments de la mise a jour de notre démocratie se retrouvent dans une constitution québécoise élaborée par une assemblée constitutive composée de citoyens n’exerçant pas le pouvoir et s’engageant à ne pas l’exercer et adoptée par la population par référendum.

Mise à jour de notre économie

De même que nous sommes prisonniers d’une contradiction, nous le sommes aussi de la puissance des conditionnements culturels qui nous poussent à accepter certaines pratiques sclérosantes pour la seule raison qu’elles ont été hissées au niveau de valeurs républicaines. Drapées de ce glorieux manteau, comment pourrait-il nous venir à l’esprit d’y toucher ? Que pointe-t-on du doigt précisément ? La logique de redistribution de la richesse par la fiscalité présentée comme symbole de solidarité nationale.

Sans doute était-ce le cas lorsque la monnaie était matérielle et que sa quantité limitée conduisait naturellement à considérer l’argent comme un gâteau à partager ; mais depuis 1971 la monnaie n’est plus matérielle. Elle n’est plus qu’une unité de compte virtuelle créee par la seule décision humaine. Dès lors, le collectif n’a plus besoin de fonder ses recettes sur l’accaparement d’une partie des revenus des uns et des autres, il n’a qu’a créer ce qu’il lui faut à la hauteur de ce qui est reconnu d’utilité commune. Malheureusement, le pouvoir de création monétaire a été abandonné au système de banques privées, servant naturellement les intérêts de leurs actionnaires et non ceux des peuples.

Les mises à jour du contrat social et de la politique ne peuvent trouver leur pleine expression que par une mise à jour de l’économie afin qu’elle serve les peuples plutôt que l’oligarchie financière. Cette mise à jour de l’économie s’appuierait sur l’introduction dans la constitution québécoise d’une banque démocratique québécoise pour un développement durable des richesses collectives. Cette banque, sous mandat et contrôle citoyen, émettrait à hauteur des projets démocratiquement décidés, une monnaie complémentaire québécoise,
indépendante du dollar mais s’y ajoutant, que le Québec pourrait utiliser pour amener notre société à respecter les limites de la planète en transformant l’endettement écologique et social en enrichissement collectif. Le Québec pourrait ainsi trouver un niveau de souveraineté lui permettant de financer avec cette monnaie, sans impôts et sans emprunt, tout un ensemble de travaux de décontamination de l’air, de l’eau et des sols qui nuisent grandement à la santé des personnes. Il pourrait également financer des services à la population, grandement sous-financés actuellement et sortir une partie significative des Québécois de l’insécurité économique et des multiples maux sociaux qui en découlent. Il pourrait par exemple entreprendre les travaux nécessaires pour restaurer les bâtiments publics (hôpitaux, écoles, etc.), instaurer des systèmes de transports et énergétiques qui ne dégradent pas les écosystèmes. Précisons que cette monnaie complémentaire québécoise :

 Aurait cours légal, vote par le gouvernement québécois, rendant son acceptation obligatoire par tous les Québécois et toutes les entreprises établies au Québec, au même titre que le dollar.
 Ne seraient pas exportables dans des paradis fiscaux et ne serviraient qu’à un développement durable des richesses collectives au Québec.
 N’aurait cours qu’a l’intérieur du Québec, le commerce extérieur restant exclusivement effectue en dollars.
 Ne serait pas convertible et n’aurait donc pas d’effet sur le cours du dollar.
 Serait a parité de pouvoir d’achat avec le dollar canadien de sorte que les échanges économiques à l’intérieur du territoire pourraient se faire indifféremment avec l’une ou l’autre monnaie.

Ne permettrait d’acquérir, sauf exception réglementée, que des biens et services produits sur le territoire pour ne pas affecter le commerce extérieur. Cela représente un handicap au départ pour les personnes dont les revenus sont exclusivement en monnaie complémentaire, mais c’est à tous points de vue plus avantageux que de toucher des minima sociaux, sans oublier que cela favoriserait la relocalisation de certaines productions abandonnées, dans des conditions sociales et écologiques satisfaisantes.

Sans doute faudra-t-il débuter par de petits pas pour se dégourdir collectivement les jambes, car c’est d’une profonde révolution des consciences dont il s’agit là, mais d’une révolution tranquille comme nous savons les faire ! Alors, en route pour la Révolution tranquille phase 2 ? On pourrait par exemple commencer par développer un outil d’évaluation de l’acceptabilité écologique, sociale et économique de projets locaux et régionaux afin de s’assurer qu’ils contribuent à l’enrichissement collectif et pas seulement à l’enrichissement privé. Pour ce faire, il s’agirait d’évaluer si le projet respecte les limites écologiques, sociales et économiques afin qu’il ne contribue pas à l’endettement collectif. On pourrait ainsi élargir, à la lumière du développement durable, le processus actuel qui permet à la population d’exiger la tenue d’un referendum municipal si l’administration municipale veut endetter la communauté par un emprunt. Alors, un endettement écologique, social ou économique pourrait être refusé par la population lors d’un référendum d’initiative populaire. Un premier pas, donc, vers le respect des limites de la planète et de la mise à jour de notre démocratie.

Un autre pas possible serait de créer des monnaies complémentaires locales afin de permettre aux citoyens d’échange des services et des biens que l’économie actuelle n’arrive à prendre suffisamment en considération. Cela serait le prélude à l’introduction d’une monnaie complémentaire québécoise.

C’est une vision audacieuse que nous évoquons là. Mais n’avons-nous pas besoin d’une telle vision pour retrouver espoir en l’avenir de l’humanité et nous sortir du statu quo dans lequel nous maintient notre système politique actuel ? Que toutes les personnes qui veulent participer à ce réveil citoyen nous contact sur notre site Internet mvdq.org ou notre page facebook à “Révolution citoyenne Pour respecter les limites de la Planète et de l’Être humain”.


Jean Ouimet, ex-chef du Parti vert du Québec (1989-1993)

Philippe Derudder, ex-chef d’entreprise, conseil en économie et monnaies alternatives,

Roméo Bouchard, environnementaliste

André Belisle, environnementaliste

Claude Béland, gestionnaire

Omar Aktouf, professeur au HEC

Serge Robert, philosophe

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