Édition du 23 avril 2024

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Asie/Proche-Orient

Turquie : Les candidatures massives des femmes kurdes révolutionnent les municipales

C’est probablement un cas unique sur la planète. Le Parti pour la Paix et la Démocratie (BDP) présente pour les élections municipales en Turquie du 30 mars un système de co-candidatures avec lequel un homme et une femme co-dirigeront la municipalité en cas de victoire, ce qui se produire certainement dans des dizaines de petites, moyennes et quelques grandes villes des provinces orientales du pays.
Concrétiser une telle proposition dans un pays européen serait déjà toute une nouveauté, mais le faire dans la « Turquie profonde », majoritairement rurale et avec un grand poids de la religion musulmane, cela suppose toute une révolution.

Pour donner une plus grande présence et protagonisme social aux femmes, le BDP a inclus dans ses listes 55% de femmes. En conséquence de ce système, dans 49 villes importantes c’est une femme qui figure en tête de liste ou à la seconde place. Outre le maintient du contrôle d’une bonne partie des localités de la partie sud-est de la Turquie, le BDP aspire à arracher à l’AKP (Parti de la Justice et du Développement), actuellement au pouvoir, certains de ses fiefs les plus significatifs, comme dans le cas de la ville historique d’Ourfa (800.000 habitants) et de Gaziantep, métropole qui avoisine les deux millions d’âmes.

Néanmoins, tous les regards se tournent vers Diyarbakir, capitale du Kurdistan turc, avec près d’un million d’habitants. Ici, Gultan Kisanak, journaliste et féministe déclarée, l’emportera avec certitude dans les urnes, ce qui fera de l’ancienne Amed la plus grande ville de Turquie gouvernée par une femme.

Pour donner une idée de la « révolution » que suppose le choix du BDP, il suffit de comparer ce quota de 55% de femmes sur ses listes avec le 4,32% que présente le Parti Républicain du Peuple (CHP), d’orientation social-démocrate et qui passe pour incarner l’alternative laïco-progressiste au gouvernement islamique actuel de Tayip Erdogan ; le 2,51% du parti d’ultra-droite MHP, ou encore le 1,15% de l’AKP.

Dans les villes des régions méditerranéennes et du centre de l’Anatolie, le BDP compte avec le soutien de plusieurs organisations de gauche et de candidats indépendants, regroupés sous le sigle du Parti de la Démocratie Populaire (HDP), avec l’espoir d’obtenir également d’importants résultats à Istanbul, Izmir, Mersin et Adana. Du fait de sa matrice politique, le HDP est en train de subir une véritable campagne de violence de la part de groupes d’ultra-droite. Il est également co-présidé par un homme - l’intellectuel de gauche Ertugrul Kurkçu – et une femme, la parlementaire pour Istanbul Sebehat Tuncel.

Le BDP ne cache pas son objectif de féminiser la politique en Turquie. Il a réalisé une présentation spécifique avec les principales candidates aux mairies et sur ses affiches de propagande il utilise les photographies des co-candidatures, montrant les femmes habillées à l’européenne. Il est également habituel que dans les meetings où parlent ces femmes apparaissent les portraits des trois militantes du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) assassinées en janvier 2013 à Paris.

Le pari risqué réalisé par la principale organisation kurde de Turquie fait face à quatre importants ennemis politiques. Le premier, ce sont les groupes nationalistes turcs, qui les accusent de vouloir implanter de facto une autonomie kurde au travers des gouvernements municipaux. D’autre part, et à partir d’une perspective religieuse, il y a le parti gouvernement AKP, le Parti Huda (Parti de Dieu), un groupe islamiste radical kurde légalisé par Tayip Erdogan pour enlever des votes au BDP, et la puissante confrérie Gulen, également islamiste et opposée à toute concession politique en faveur de la population kurde.

Par rapport à sa campagne électorale novatrice, le dirigeant du BDP Salahatin Demirtas a déclaré en janvier dernier dans un meeting de soutien au HDP à Adana que ces élections vont être un véritable cauchemar pour le projet islamiste de Erdogan parce que le simple présentation d’un tel nombre de femmes représente déjà une victoire. « Nulle part ailleurs dans le monde on a présenté autant de candidatures présidées par des femmes », a dit Demirbash, en ajoutant que « si les révolutions du Moyen Orient et du Printemps arabe ont échoué, c’est précisément à par l’absence des femmes. »

Source : http://www.cuartopoder.es/terramedia/las-candidaturas-masivas-de-mujeres-kurdas-revolucionan-las-municipales-turcas/5673

Traduction française pour Avanti4.be : Ataulfo Riera

Manuel Martorell

Militant turc.

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