Édition du 10 décembre 2024

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Canada

Une catastrophe annoncée

En représailles à l’attentat du Hamas du 7 octobre 2023, le gouvernement israélien s’est lancé dans une opération militaire de grande envergure dans la bande de Gaza, en plus de soumettre ce territoire à un blocus total qui fait suite à un blocus partiel qui prévaut depuis 2006.

photo Serge d’Ignazio

En décembre 2023, l’Afrique du Sud a ouvert une procédure devant la Cour internationale de justice (CIJ) contre Israël concernant un génocide en cours dans la bande de Gaza et demandant à la Cour de prendre des mesures conservatoires (l’équivalent d’une injonction provisoire) étant donné l’urgence, tout en lui demandant de se prononcer sur le fond de l’enjeu.

Le jugement de la CIJ

Le 26 janvier dernier, la Cour a rendu un jugement mi-figue mi-raisin concernant ces mesures conservatoires. Cependant, elle n’a pas reconnu valides les arguments de la partie israélienne et s’est déclarée compétente pour instruire cette cause.

Parmi les aspects positifs de ce jugement, mentionnons que la Cour a reconnu le très grand nombre de personnes mortes et blessées, la destruction d’habitations et le déplacement forcé de la population palestinienne de Gaza (ce qui est prohibé par la Convention sur les génocides). Elle a également rappelé et fait siennes les observations du secrétaire général adjoint de l’ONU, de l’OMS et du commissaire général de l’UNRWA. Elle note également les propos déshumanisants de hauts responsables israéliens. De plus, elle accorde une plausibilité prima facie aux allégations de l’Afrique du Sud, à savoir que nous sommes devant un génocide. Elle reconnaît également le risque de détérioration de la situation d’ici à ce qu’elle rende un jugement sur le fond et admet qu’il y a une situation d’urgence. La Cour demande également à Israël de rendre disponibles les services de base et l’aide humanitaire et lui demande de faire un rapport sur les mesures prises dans un délai d’un mois.

Ces faits ne sont pas nouveaux. L’intérêt du jugement de la CIJ est de les faire attester par le droit international. Cependant, et là nous passons à l’aspect plus négatif de ce jugement, la Cour n’a pas appelé Israël à cesser immédiatement ses activités militaires dans la bande de Gaza, ce qui lui donne un délai supplémentaire d’un mois pour poursuivre ses exactions, ce dont elle ne se prive pas si l’on se fie à ce qui est rapporté par les médias. Le juge ad hoc israélien a même voté contre les mesures, tirées directement de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, demandant à Israël de s’abstenir de tels actes. À quoi s’attendre fin février puisque, dans leur plaidoyer, les représentant.es de l’État d’Israël ont nié l’ampleur des dommages infligés à la population civile et se sont même targués de permettre l’aide humanitaire à Gaza. De plus, la Cour qui avait le pouvoir d’en appeler à la communauté internationale, a laissé Israël seul juge de ce qu’il convient de faire.

Les réactions d’Israël et de ses alliés

Quelle a été la réponse du gouvernement israélien depuis ce jugement ? D’abord, de dénoncer la participation de 12 employé.es de l’UNRWA aux attentats du 7 octobre (ce qui représente moins de 0,1% du personnel de l’UNRWA en Palestine). Ensuite de demander la démission du responsable de l’UNWRA. Enfin, de planifier une attaque contre Rafah où s’est réfugiée la majorité de la population palestinienne de Gaza. Sans parler du climat de terreur et des violences que font subir les colons aux populations palestiniennes de Cisjordanie et de Jérusalem-Est, le tout avec la complicité de l’armée israélienne. Sans parler, également, des manifestations récurrentes de l’extrême-droite israélienne pour empêcher l’aide humanitaire de transiter par le point de passage de Kerem Shalom.

Dans la foulée des « révélations » israéliennes concernant la participation de certains employé.es de l’UNRWA aux attentats du 7 octobre, plusieurs gouvernements occidentaux, dont le gouvernement canadien, n’ont rien trouvé de mieux à faire que d’annoncer la suspension de leur financement à l’UNRWA. Or, il s’avère que l’UNRWA gère, depuis 1948, les camps de réfugié.es (les personnes déplacées par la première Nakba et leur descendance), s’occupe de l’éducation et du système de santé et constitue la principale organisation humanitaire en territoire palestinien. Suspendre l’aide financière à l’UNRWA, c’est éventuellement se rendre complice du génocide israélien à Gaza et dans les autres territoires palestiniens occupés.

De plus, le Canada poursuit (et même intensifie) son commerce d’armement avec Israël. Dans le cas présent, cela signifie donner les moyens au gouvernement israélien de poursuivre son œuvre génocidaire. Or, selon la Convention internationale pour la prévention et la répression du crime de génocide, tous les États signataires (dont le Canada) doivent s’abstenir de contribuer directement ou indirectement à la commission d’un tel crime.

Que pouvons-nous faire ?

Évidemment, la première chose à faire, c’est de participer aux manifestations hebdomadaires organisées par la communauté palestinienne dans les principales villes canadiennes. Mais il y a actuellement plusieurs campagnes qui pourraient éventuellement changer la donne.

La première concerne l’annulation de l’implantation d’un bureau commercial à Tel Aviv. Le gouvernement québécois a suspendu l’ouverture de ce bureau du fait de la guerre actuelle, mais il ne l’a pas annulé. Nous devons faire savoir haut et fort au gouvernement québécois qu’il n’est pas question d’accroître nos liens commerciaux avec un État génocidaire. Au contraire, il faudrait les annuler et revoir l’entente Québec-Israël.

La deuxième concerne le rétablissement du financement à l’UNRWA. C’est actuellement la seule organisation humanitaire encore présente sur l’ensemble du territoire de Gaza et la seule en mesure de coordonner l’aide humanitaire si jamais celle-ci se rend. De plus, elle joue un rôle de premier plan en dans les autres territoires palestiniens occupés par Israël et dans les camps de réfugié.es palestinien.nes au Liban, en Syrie et en Jordanie. CJPMO a lancé une pétition à cet effet.
La troisième est la cessation de tout commerce d’armes avec l’État d’Israël. Il est insensé de soutenir militairement un gouvernement qui fait fi des règles à respecter lors d’affrontements armés. Plus encore, selon la Convention pour la prévention et la punition du crime de génocide, tous les États signataires sont tenus de faire tout en leur possible pour prévenir le crime de génocide. Contrairement à ses obligations ionternationales, le Canada alimente la machine génocidaire. Là encore CJPMO a lancé une pétition en ligne à cet effet.

En ces moments tragiques, nous devons manifester de toutes les façons notre soutien au peuple palestinien. Nous ne pouvons pas détourné le regard et dire que nous n’en savions rien : tous les jours des images atroces nous parviennent de Gaza occupée, ceux et celles qui nous les envoient risquant leur vie pour que le monde cesse de les ignorer.

Diane Lamoureux

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Diane Lamoureux

professeure, département de science politique, Université Laval

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