Édition du 16 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Mouvements sociaux

Appel des travailleurs et travailleuses du Mexique

Une lutte continentale pour des salaires décents

Une coalition de syndicats progressistes, de courants démocratiques à l’intérieur d’autres syndicats et de mouvements populaires du Mexique, comme l’Asemblea Popular de los Pueblos de Oaxaca (APPO), viennent d’émettre une proposition audacieuse et porteuse d’un potentiel énorme : la mise sur pied d’une lutte continentale pour l’augmentation des salaires et revenus minimum dans les trois pays à un niveau décent, pour limiter la journée de travail à 8 heures, et pour l’interdiction du travail des enfants. L’idée commence à faire son bout de chemin un peu partout sur le continent… et au Québec ?

D’abord publié dans le magazine Relay, #16, Avril 2007, en version longue (www.socialistproject.org).
Adapté et traduit de l’anglais par Gabrielle Gérin

Au Mexique, il s’agit d’une réponse à la chute dramatique des salaires réels, et d’un début de résistance à l’approfondissement de l’offensive néolibérale que laisse envisager l’élection frauduleuse du président Calderon. Cette coalition se présente comme la Jornada Nacional y Internacional Por la Restitucion del Salario y Empleo (Campagne Nationale et Internationale pour la Restitution du Salaire et de l’Emploi). Elle considère que la lutte ne peut être consolidée et remportée qu’à l’échelle continentale. En effet, si les salaires, dont le salaire minimum, sont augmentés dans un pays, les entreprises pouvant se relocaliser vers des endroits où les salaires sont restés bas le feront ; le salaire plancher doit donc être relevé dans les trois pays.

Ainsi, la coalition est bien consciente qu’une augmentation du salaire minimum aux Etats-Unis, sans augmentation au Mexique, ne ferait qu’accroître pour les entreprises l’incitation à y déménager. Elle réclame des emplois au Mexique mais non si cela implique la perte d’emplois dans d’autres pays et le maintien de salaires de misère au Mexique. Elle croit que les demandes qu’elle met de l’avant créent la base d’une potentielle lutte commune dans les trois pays. Et bien qu’elle considère que la lutte devrait démarrer au sein des pays de l’ALENA, elle prévoit l’étendre ensuite pour inclure l’Amérique latine entière, et même devenir une campagne globale.

Cette proposition est un appel lancé par des travailleurs et travailleuses du Sud à leurs camarades du Nord, pour qu’ils et elles s’engagent dans une lutte commune : une lutte qui résiste les entreprises et gouvernements cherchant à les mettre en compétition, de façon à permettre un glissement continu des salaires et des conditions de vie et de travail partout au monde. Pour les travailleurs et travailleuses du Canada, des Etats-Unis et du Mexique, l’ALENA fait partie intégrante de cette offensive : cet accord est la raison principale pour laquelle plus de 10 millions de mexicains et mexicaines ont été forcés-es de quitter leurs foyers et leurs familles pour aller travailler aux Etats-Unis, ceci étant leur seule solution pour survivre.

Cette proposition cherche donc à unir ces travailleurs et travailleuses – du Mexique, des Etats-Unis, du Canada, du Québec ; blancs et blanches, noirs-es, latinos et latinas ; avec ou sans emploi, aux emplois stables ou précaires, syndiqués-es ou non, détenant des droits légaux ou non – autour d’une lutte commune contre la pauvreté et l’exploitation dans toute l’Amérique du Nord. Son succès amènerait, à court terme, des gains réels dont le besoin se fait désespérément sentir, tout en construisant les bases d’un mouvement international des travailleurs et travailleuses à plus long terme. Une campagne qui mettrait en œuvre cette proposition viserait à dépasser la notion de solidarité entendue comme simple appui pour les luttes des autres peuples, pour faire de la solidarité une lutte menée de façon commune.

Il existe présentement une multitude de luttes et d’organisations militant contre la pauvreté, le chômage et l’exploitation, et pour une vie digne dans laquelle les besoins de tous et toutes se verraient comblés, dans chacun de nos pays ; mais ces luttes sont le plus souvent isolées les unes des autres. L’espoir que porte cette campagne est celui de prendre avantage du potentiel porté par le contexte présent pour unir ces luttes et en construire un mouvement plus large, puissant et englobant, tout en respectant l’autonomie de chacune.

Au Mexique, la coalition se constitue depuis plusieurs mois déjà et a réussi à mobiliser 20 000, puis 100 000 personnes en décembre et en janvier derniers. Elle prévoit une grève générale le 2 mai prochain. Aux Etats-Unis, un processus est en cours pour qu’une coalition voie le jour, ainsi qu’à Toronto. Au Québec, le potentiel de mise sur pied d’une telle coalition est palpable : nombre d’organisations militent déjà pour une augmentation significative du salaire minimum, ainsi que de l’assistance sociale, ou sont directement rejointes par ces revendications. Avec la montée toujours plus fulgurante de la droite au Québec, et la ré-élection d’un gouvernement libéral, les mouvements sociaux québécois ne pourront faire l’économie d’une lutte unificatrice, porteuse de potentiel et appelant la population à la rue. De même pour Québec Solidaire : après un repos bien mérité, il sera temps de profiter de la lancée provoquée par les élections pour porter le parti vers la lutte, les mouvements et la rue. La venue prochaine d’un Forum Social Québécois, et la tenue d’une Assemblée des mouvements sociaux en son sein, pourrait être l’occasion de poser les bases d’une coalition rassembleuse. Organisons-nous !

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