Depuis la publication du sondage réalisé par l’institut YouGov pour le compte du Sunday Times, qui l’a publié hier, dimanche 7 septembre, 51% des Ecossais consultés seraient favorables à l’indépendance, confirmation de la tendance qui s’était dessinée, après les deux débats télévisés entre Alistair Darling, ex-chancelier de l’Echiquier travailliste de 2007 à 2010 et, surtout, élu de la circonscription d’Edimbourg sud-ouest, et Alex Salmond, élu de la circonscription d’Aberdeen pour le Scottish Nationalist Party à Westminster et au parlement écossais dont il est, depuis 2007, First Minister depuis la dévolution de 1998, tendance donc qui donnait Salmond largement vainqueur.
La panique s’est emparée de la classe politique britannique depuis plusieurs semaines déjà et tout aura été essayé pour dissuader les Ecossais de n’en faire qu’à leur tête. Il y a eu tout d’abord le chantage à la devise, Cameron, rejoint aussitôt par les membres de son gouvernement, puis par l’état-major travailliste, a martelé qu’une Ecosse indépendante ne saurait utiliser la livre sterling comme monnaie, à lire ici. Comme cette menace n’avait guère d’effets, les deux grands partis politiques ont essayé la question de la sécurité militaire, aidés par l’establishment, les hauts grades de la royale armée et le gouvernement américain, à lire ici et là.
Le premier ministre de sa majesté, qui n’est plus très gracieuse face à cette éventualité, a rangé dans sa poche le chantage à la démission, qui avait eu d’autant moins d’efficacité que sa cote de popularité n’a rien à envier à celle de Hollande, et l’a fait savoir haut et fort, avec une emphase qui frise le ridicule. Même le chantage à l’indépendance énergétique relative au pétrole et au gaz des plates-formes d’exploitation de la mer du nord n’a pas ému les Ecossais, qui savent pertinemment que cette manne est aux mains de consortiums capitalistes européens et internationaux qui resteraient de marbre face à une sécession politique. Toutes ces gesticulations ne feront pas oublier l’essentiel.
A savoir d’une part que les Ecossais sont épris de liberté, d’autre part qu’ils ne se sont jamais vraiment sentis britanniques. Rappelons que l’intégration de l’Ecosse dans le Commonwealth ne remonte qu’à 1706, année où The Acts of Union furent votés par le parlement anglais, puis ratifiés en 1707 par le parlement écossais pour consacrer la fusion des royaumes d’Ecosse et d’Angleterre. Jusqu’à cette période les deux royaumes avaient un souverain distinct, avec une parenthèse, à partir de 1603, le roi James I hérita des deux couronnes, puisqu’il était le fils de Mary Stuart, reine d’Ecosse, et roi d’Angleterre. Mais cette fusion politique du début du 18ème siècle, largement préparée par le passage au pouvoir de Cromwell, ne fit pas l’objet d’une adhésion enthousiaste et délirante puisqu’elle fut contestée lors de la dernière grande bataille qui eut lieu au futur Royaume-Uni, plus précisément à Culloden, près d’Inverness.
Le 16 avril 1746, les chefs de clans écossais, petits hobereaux qui voulaient surtout défendre leurs terres plutôt que l’indépendance du pays entier, réussirent à lever une armée, plutôt de force que de gré, parmi leurs métayers et leurs valets de ferme, au prix d’un odieux chantage à la vie. Plus de deux mille écossais périrent dans cette brève boucherie d’un jour sous les ordres de Charles Stuart face à l’armée beaucoup plus organisée de William Augustus, duc de Cumberland. En 1964, le réalisateur de la BBC, Peter Watkins, en fit un film époustouflant, The Battle of Culloden, qui n’a pas eu le retentissement qu’il méritait, film innovateur et délibérément anachronique fait sous forme de reportage de guerre avec interviews et présentation des combattants :
Donc, quelle que puisse être l’issue de ce référendum du 18 septembre, les deux grands partis politiques devraient se rendre compte que l’on ne dompte, en aucun cas, l’esprit frondeur d’un écossais, exemple à rapprocher d’un précédent célèbre de 1967. Tony Blair avait peu élégamment dégagé en touche avec le programme très creux de devolution, qui permit la création du parlement écossais, sans véritable pouvoir, en 1998. Il faudra davantage désormais, mais Cameron a, décidément, bien des soucis depuis de longs mois.
Outre le référendum écossais et les élections législatives du printemps 2015, qui devraient redonner le pouvoir au Labour, un autre désagrément de taille se profile à l’horizon : Douglas Carswell, député conservateur de Clacton dans l’Essex, a démissionné de son mandat pour adhérer à UKIP et va se représenter à l’élection partielle engendrée par sa démission sous ses nouvelles couleurs politiques. Tous les sondages le donnent vainqueur avec 44% des suffrages, ce qui ferait de lui le premier député UKIP à entrer au parlement de Westminster.