Édition du 28 octobre 2025

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Avant la COP, le Brésil autorise de nouvelles explorations pétrolières

Les autorités environnementales du Brésil ont approuvé le 20 octobre l’exploration pétrolière au large de l’Amazonie. Une décision qui, à quelques jours de la COP30, expose les ambiguïtés de Lula sur la question climatique.

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21 octobre 2025

Rio de Janeiro (Brésil), correspondance

À vingt jours de l’ouverture de la Conférence des Nations unies sur le changement climatique (COP30) de Belém, c’est un énorme coup porté aux défenseurs de l’environnement brésiliens. L’Institut brésilien de l’environnement et des ressources naturelles renouvelables (Ibama) a approuvé le 20 octobre le début de perforations pour la recherche de pétrole sur le site de Foz do Amazonas, situé à 500 km de l’embouchure du fleuve Amazone.

La Petrobras, entreprise publique d’exploitation pétrolière, a donc le feu vert pour s’assurer dès aujourd’hui que la zone contient des hydrocarbures en quantité suffisante pour lancer une exploitation commerciale.

Une éventualité très probable, puisque la région de la Marge équatoriale, aire côtière de plus de 2 200 km de large où se trouve Foz do Amazonas, présente des caractéristiques similaires aux littoraux de pays voisins tels que le Suriname, la Guyane française et le Guyana, devenu en quelques années détenteur des plus grandes réserves de pétrole brut au monde. Selon le ministère brésilien des Mines et de l’Énergie, la Marge équatoriale pourrait contenir jusqu’à 10 milliards de barils.

Une énième menace sur l’Amazonie

L’exploitation d’une telle manne vient pourtant avec d’innombrables risques environnementaux, alors que la forêt amazonienne pourrait bien avoir déjà atteint le point de non-retour qui amènera à sa désertification.

Sous le feu des critiques, l’Ibama a déclaré, dans un communiqué, que la délivrance de la licence a eu lieu « après un processus rigoureux d’octroi de licence environnementale, qui comprenait la préparation d’une étude d’impact environnemental, la tenue de trois audiences publiques, 65 réunions techniques dans plus de 20 municipalités [...], en plus de la réalisation d’une évaluation préopérationnelle, qui a impliqué plus de 400 personnes ».

« Les communautés traditionnelles risquent d’être écrasées »

Pourtant, dans son rapport technique révélé par la Folha de São Paulo, plus grand quotidien brésilien, l’Ibama lui-même note la menace que l’exploitation de pétrole représentera pour la population de lamantins, ces gros mammifères aquatiques déjà menacés d’extinction, tout en pointant que les possibles effets sur les populations indigènes environnantes ont été tout simplement ignorés.

« Il s’agit d’une région très spéciale, où l’océan Atlantique rencontre la forêt. On y trouve par exemple un écosystème récifal [dominé par des récifs coralliens], très sensible à n’importe quel type d’activité, ainsi que des mangroves, d’où bon nombre de populations locales tirent leurs moyens de subsistance », explique Mariana Andrade, en charge de la section océans de Greenpeace Brésil.

Le site d’exploration pétrolière est à 175 km des côtes de l’état amazonien d’Amapá, où se trouve notamment la tribu Wayãpi, ici en 2017. © Apu Gomes / AFP

Localisé à 175 km des côtes de l’état amazonien d’Amapá, le mieux préservé du pays, le site de Foz do Amazonas pourrait, en cas de marée noire, affecter une région comportant 80 % des mangroves brésiliennes, selon le site d’infos économiques Brazil Journal.

Alors, face à de tels risques, comment ce projet a-t-il pu être approuvé ? Difficile de ne pas penser à la fantastique manne financière que de telles réserves représentent, qui plus est dans un pays dont l’ascension économique, au début des années 2000, est largement due à la découverte de gisements de pétrole offshore. Les partisans du projet y voient donc une opportunité pour l’Amapá, dont un tiers des habitants vit dans l’extrême pauvreté.

Mais cette rente ne pourrait être qu’une porte ouverte à d’autres menaces écologiques et sociales. «  Les villes côtières de l’Amapá ne sont pas préparées et vont subir une très forte pression urbaine. Les communautés traditionnelles, dont le mode de vie est très lié aux ressources naturelles, risquent d’être écrasées », avertit Mariana Andrade.

Un engagement écologique de façade

Alors que l’Amazonie doit accueillir à Belém sa première COP, l’événement met la lumière sur les ambiguïtés du président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva, dit Lula, sur la question écologique. Successeur du leader d’extrême droite Jair Bolsonaro, ouvertement hostile à la protection de la nature, l’ex-syndicaliste a fait de la protection de l’Amazonie son image de marque internationale dès son élection en 2022. Une posture qui contredit son soutien répété au projet de Foz do Amazonas.

« On ne peut pas abdiquer cette richesse. Ce que l’on peut faire, c’est s’engager pour qu’aucun dommage environnemental ne soit causé », voulait-il rassurer dans une interview en juin. Le voilà aujourd’hui cible des critiques des milieux écologistes. « Lula vient d’enterrer son ambition de devenir un leader climatique au fond de l’océan, à Foz do Amazonas », attaquait ainsi Suely Araújo, elle-même ancienne cheffe de l’Ibama, à l’annonce de la décision.

De leur côté, les écologistes ne baissent pas les bras. Accompagnée d’au moins sept autres ONG, Greenpeace Brésil a d’ores et déjà annoncé entamer une action judiciaire contre la décision de l’Ibama. « Nous sommes très optimistes, puisque le ministère public fédéral [équivalent brésilien du parquet, qui a divulgué sa position une semaine avant l’annonce de l’Ibama] s’est lui aussi positionné contre l’autorisation des perforations. »

Autre atout déterminant : la mobilisation de la société civile, qui compte bien profiter de la COP, organisée dans un pays démocratique pour la première fois depuis quatre ans, pour faire entendre sa voix.

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