Ne chipotez pas et admettez avec moi qu’à Montréal on est en automne. Les saisons astronomiques sont une chose, l’état de jaunissement des feuilles, la couleur du ciel changée et même l’eau des lacs qui semble plus « épaisse » nous indiquent bien qu’on est entré dans une nouvelle saison.
Qu’est-ce qui était donc si visible ? Les papas qui accompagnent leurs enfants à l’école, qui prennent leur garçon par la main et le conduisent jusqu’à la cour ou qui les ramènent à la maison. De même, pendant tout l’été, j’ai remarqué avec bonheur dans les parcs montréalais, les hommes qui poussent des landaus, qui jouent à la balle avec leurs enfants, qui discutent avec leurs voisins de questions se rapportant à l’éducation et aux soins de leurs enfants.
Qu’y a-t-il là d’extraordinaire ? Rien ! Il aurait toujours dû en être ainsi. Mais, voilà, ce rôle normal de parent engagé dans l’éducation de ses enfants, cette possibilité d’exprimer son affection envers ses rejetons mâles étaient autrefois interdits, par notre société psychorigide, à la plupart des hommes, complètement tabous. Quiconque s’écartait du modèle de l’homme pourvoyeur, distant et uniquement responsable de la discipline et des sanctions était considéré comme efféminé et suspect des pires dépravations.
On privait de cette façon les hommes de leur humanité pour en faire des machines distributrices insensibles. Ils ont dû en souffrir autant que nous, leurs fils, et peut-être même dans leur violence se trouvait-il une part tordue de cette affection qu’ils n’avaient pas le droit d’exprimer.
Il fait beau et bon de voir ces parents qui partagent les tâches. Il fait beau et bon de voir ces hommes qui amènent leurs bébés au parc. Il fait beau et bon de voir ces garçons recevoir naturellement les baisers et les caresses de leur père. Il y a de quoi se réjouir pour ces enfants et pour ces parents ; notre société a tout de même évolué même si tout le chemin n’est pas encore parcouru.
Il fait beau et bon de voir que beaucoup d’hommes aujourd’hui assument leur humanité. Espérons qu’ils inspirent les autres, ceux qui souffrent encore de son défaut.
LAGACÉ, Francis
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