Édition du 16 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

France

Chronique d’un voyage en France dans une période agitée

Françoise Roinsol et Ginette Lewis sont des militantes de Québec solidaire.

Partir en vacances, décrocher du quotidien, c’est nécessaire. Comme militantes politiques nous nous étions aussi mis comme objectif d’aller à la rencontre des gens, de la vie vécue au quotidien et surtout des luttes et des revendications puisque nous allions en France en pleine période d’ébullition sociale.

Dans le taxi

Quant nous avons questionné notre chauffeur taxi pris à Charles de Gaule sur l’entreprise Uber, nous avons eu droit aux mêmes récriminations que les chauffeurs de taxi québécois. Pour eux, c’est une question de survie dans un contexte d’extrême compétitivité. En France, en effet, il y a aussi les motos taxi qui prennent une partie de la clientèle à l’industrie traditionnelle du taxi. Leurs revendications sont les mêmes qu’au Québec soit l’encadrement d’Uber avec les mêmes règles que l’industrie générale du taxi. Notre chauffeur était tout content de savoir qu’une nouvelle loi passée au Québec allait dans ce sens.

En allant visiter

Pour vraiment visiter Paris, la marche est la façon la plus efficace. C’est ainsi qu’en arrivant à un carrefour, nous avons entendu des slogans. En nous approchant, nous avons découvert une ligne de piquetage. C’était des employéEs de la Caisse de dépôt qui débrayaient. Leur section risque d’être privatisée sous prétexte de faible productivité. Pourrait-on parler du rôle des cadres dans cette opération ? Le directeur est parti avec plus de 900 000 euros de primes et une cadre supérieure madame Nathalie Pelladet Chef avec 500 000 euros. Cette dernière est rendue au Québec à la Caisse de dépôt. Coïncidence ? C’est à suivre. Ces travailleurs et travailleuses luttent pour préserver leurs acquis (primes d’ancienneté, de congés et de conciliation famille- travail). Mais leur préoccupation est surtout de conserver le caractère social de leur travail. En effet, cette section de la Caisse de dépôt gère les logements sociaux de la couronne périphérique de Paris. En privatisant ce secteur que restera-t-il de la mission sociale de cet organisme ? D’un soutien social à une approche entrepreneuriale de propriétaire gérant, on peut s’interroger sur les conséquences pour les usagers.
Vous pouvez consulter leur site à Facebook : https://www.facebook.com/NON-%C3%A0-la-vente-dIcade-Services-Groupe-Caisse-des-d%C3%A9p%C3%B4ts-195952747407402/?fref=ts

Au fil des rencontres

Nous avons rencontré une déléguée syndicale CFDT et des grévistes des raffineries. Tous s’entendent pour dire qu’il faut réformer le monde du travail dont les règles ont été établies avant la concurrence européenne et la mondialisation. En effet le chômage des jeunes (plus de 25%) et des plus de 50 ans ne fait qu’augmenter. La société est bloquée, les gens ont l’impression qu’il n’y a pas d’espoir.

Les grévistes rencontrés ont dit clairement qu’ils se battaient non pour eux – leurs conditions de travail sont meilleures que le minimum défini par les accords de leur branche industrielle – mais pour les travailleuses et travailleurs des petites entreprises qui n’ont pas de représentation syndicale et dont les patrons pourraient imposer des diminutions d’avantages (supplément de salaire pour les heures supplémentaires) ou des changements à leurs conditions de travail (horaires et durée de la semaine de travail…).

La syndicaliste CFDT a insisté pour dire qu’il faut négocier des changements à la proposition de loi travail avec le gouvernement et trouve dangereuse et inefficace l’attitude de la CGT qui en exige le retrait pur et simple.

Tous dénoncent l’attitude du gouvernement qui veut faire passer en force le texte tel qu’il est.

Cependant les conflits actuels ne sont pas tous reliés à l’opposition à la loi El Komri. Les cheminots et les agriculteurs se battent essentiellement sur des revendications qui leur sont propres. Et les pilotes d’Air France veulent profiter de la « grande messe » du soccer (l’Euro) pour faire grève afin de faire annuler l’accord qu’ils ont conclu il y a 2 ans lorsque la société risquait de faire faillite et qui leur demandait de faire les mêmes efforts que les autres salariés de l’entreprise.

De tous les côtés on sent la déception, l’écoeurement par rapport au gouvernement Hollande, le manque d’espoir mais les gens continuent de vivre leur quotidien comme si cette agitation sociale était normale. Tout le monde s’adapte aux grèves et on n’a pas senti de révolte ni de panique comme nous l’ont fait croire les reportages alarmistes.

Et la télévision ne parle que d’inondations !

Ginette Lewis
Françoise Roinsol

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