Édition du 16 avril 2024

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Canada

Luttes autochtones au Canada

Chronique d’une occasion manquée de combiner droits autochtones et justice climatique

La flambée de barrages qui a éclaté au Canada au début de 2020 pour contrer la construction d’un gazoduc traversant des terres autochtones en Colombie britannique a ravivé des luttes de vieille date de communautés qui auraient pu être rejointes, dans leur combat, par tous ceux et celles qui se mobilisèrent massivement quelques mois plus tôt pour la défense du climat. Mais cette quasi-coïncidence des mobilisations ne s’est guère traduite par leur conjonction, alors que d’évidence l’objet de récrimination récurrent des premières nations, l’exploitation de combustibles fossiles, fait figure de principal responsable du réchauffement climatique. [1]

Les Wet’suwet’en représentent une première nation de quelque trois milliers de personnes vivant sur un territoire intérieur de la Colombie britannique, à l’ouest du Canada, que les chefs traditionnels défendent contre les plans extractivistes d’une multinationale. La lutte des Wet’suwet’en et d’autres nations autochtones alliées, qui s’est déroulée du 20 janvier au 5 mars 2020, comporte d’emblée un paradoxe. Le nombre de gens mobilisés sur place et à travers le Canada, quelques milliers en tout, est très loin du demi-million de la manifestation « Greta Thunberg » du 27 septembre 2019 à Montréal (1), mais ses effets sociopolitiques ont été autrement plus grands. Pourquoi ? Parce que, pour parodier une expression de Greta Thunberg, « ils/elles ont osé » s’attaquer frontalement à deux piliers emblématiques de l’économie du Canada, soit l’extraction des ressources naturelles, en particulier des hydrocarbures, et les transports à longue distance, cruciaux dans ce pays très étendu et dont le rail reste l’épine dorsale.

La pomme de discorde est représentée par la mise en route en 2019 du projet d’exploitation de gaz naturel liquéfié (GNL) Coastal GasLink et la construction relative du gazoduc qui traverse les terres Wet’suwet’en pour atteindre le terminal sur la côte Pacifique. L’entreprise canadienne TC Énergie a été chargée des travaux par un groupe international de sociétés anglo-néerlandaise (Shell, 40 %), malaisienne, chinoise, japonaise et coréenne. Soutenu par le gouvernement canadien et celui de la Colombie britannique, et ayant reçu le feu vert de la Cour suprême de la Colombie britannique, le chantier a été protégé par la Gendarmerie royale du Canada (GRC) qui a arrêté plusieurs dizaines d’autochtones Wet’suwet’en suite à la tentative, au début de février 2020, de dresser une barricade pour empêcher l’accès au chantier.

Mais les blocages les plus consistants sont venus d’autres nations autochtones de l’Ontario et surtout du Québec. En Ontario, le blocage du chemin de fer transcontinental a eu lieu sur le territoire des Kanien’keháka (Mohawks) de Tyendinaga. Au Québec, la solidarité s’est manifestée par le barrage dans la banlieu de Montréal sur le territoire des Kanien’keháka de Kahnawake et celui des Mig’maq de Listiguj au sud de la Gaspésie. Ces obstructions de lignes ferroviaires secondaires de la part de deux nations autochtones riches d’une histoire de dure résistance ont été les plus importantes, mais n’ont pas été les seules. Il faut signaler de brefs blocages de quelques heures à quelques jours de la part d’autres nations autochtones en Colombie britannique, dont ceux opposés à la construction de l’oléoduc bitumineux Trans Mountain racheté au prix fort par le gouvernement canadien. S’ajoutent enfin des manifestations à travers le Canada, parfois de quelques milliers de personnes, et un siège pacifique, animé par de jeunes autochtones, du Parlement de la Colombie britannique à Victoria qui s’est maintenu tout au long du conflit.

Une politique de « réconciliation »… qui rejette toute souveraineté autochtone

Le gouvernement fédéral dirigé par le Parti libéral vit une contradiction : officiellement engagé en faveur du climat et de la « réconciliation » avec les peuples autochtones, il défend l’exploitation des hydrocarbures, laisse maintes communautés autochtones sans eau potable et s’accommode d’enquêtes bâclées et sans suite sur les meurtres en série de jeunes femmes autochtones. Il craint plus que tout une nouvelle crise d’Oka (1990) ou d’Ipperwash (1995), deux mouvements de désobéissance civile (avec occupation et barrage) qui avaient été réprimés dans le sang par l’armée ou la police. Ottawa cherche un dialogue que les chefs traditionnels Wet’suwet’en lui auraient bien accordé, mais à condition que ,pour le temps des négociations, la GRC quitte leur territoire – ce qu’elle n’a fait que simuler – et surtout que soient suspendus les travaux de construction. Le gouvernement de centre-gauche dirigé par le Nouveau Parti démocratique (NPD) et le Parti vert de la Colombie britannique, autre larron de l’affaire et fidèle allié du Parti libéral au niveau fédéral, a tenté de venir au secours du grand frère en ordonnant une révision de l’enquête environnementale, ce qui a obligé TC Énergie à consulter les chefs traditionnels pendant que les travaux ont été brièvement arrêtés.

Plusieurs s’étonnent que la politique dite de « réconciliation » du gouvernement de Justin Trudeau ne l’ait pas incité à se rendre aux exigences raisonnables des chefs traditionnels Wet’suwet’en. Toutefois, consentir au retrait des forces de l’ordre canadiennes, noyau dur de la souveraineté de l’État canadien, c’est avouer à la face du monde que la souveraineté autochtone pourrait l’emporter sur celle canadienne. Cette abdication, même apparente, outre qu’elle serait susceptible d’ouvrir une brèche qui mènerait à renoncer à faire passer le gazoduc sur les territoires des autochtones non consentants, aurait pour conséquence la reconnaissance de la prééminence des gouvernements autochtones dit traditionnels sur ceux administratifs imposés par une loi colonialiste de 1876, la « loi des Indiens » : les Conseils de bande [2]. Ce serait là une mise en cause complète de l’épine dorsale de la stratégie économique de la bourgeoisie canadienne qui requiert le pillage des ressources naturelles situées sur les territoires autochtones.

À revers, les chefs traditionnels ont tenté, dans un premier temps, de négocier avec Ottawa sans ce contrôle canadien de leur territoire. Il s’agissait de ne pas laisser entendre qu’ils renonçaient à leurs droits ancestraux reconnus, d’une part, par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 et, d’autre part, par la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones qui prévoit leur « consentement libre et informé ». Suite au référendum perdu de 1980 pour l’indépendance du Québec, le gouvernement fédéral s’était entendu avec toutes les provinces anglophones pour promulguer une loi constitutionnelle en 1982 que, à ce jour, le Québec rejette formellement mais accepte pratiquement. Pour isoler le Québec, l’autorité fédérale s’était résignée à accorder aux nations autochtones une vague reconnaissance de droits dits inhérents qui, depuis lors, fait la joie de l’appareil judiciaire et la fortune d’une coterie d’avocats ergotant sur une matière si indéfinie.

La question nationale québécoise s’en mêle

Il n’a pas fallu longtemps pour que la question québécoise surgisse quand on a constaté que les deux seuls barrages solides qui restaient en place étaient au Québec, soit ceux de Kahnawake et de Listiguj. Tout comme en Colombie britannique où les arrestations ont été moindres, en Ontario la police provinciale a réussi à démanteler sans coup férir les barrages des Kanien’keháka de Tyendinaga à l’est de Toronto qui bloquaient le chemin de fer transcontinental. Les tactiques désespérées de faire un feu sur les rails pendant le passage d’un train de marchandises ont fait long feu tout en provoquant une certaine indignation étant donné le risque encouru.

C’est dans ce délicat scénario de tensions identitaires qu’est intervenu avec ses gros sabots le très nationaliste Premier ministre du Québec dont les ministres invoquaient le sort de plusieurs PME qui « auraient atteint un point critique » dû aux blocages. (Depuis, la pandémie a fait de ce « point critique » une farce.) Pour justifier l’inaction de sa police provinciale, échaudée par la douloureuse crise d’Oka, le Premier ministre a affirmé tout de go : « On a des renseignements qui nous confirment qu’il y a des armes [chez les manifestants], des AK-47 pour les nommer » [3]. Un responsable Kanien’keháka s’est empressé de démentir de telles allégations et de les dénoncer comme « irresponsables », en soulignant que la communauté ne veut rien savoir de revivre les événements dramatiques de 1990. Pour ce qui concerne le barrage du chemin de fer en Gaspésie, le gouvernement du Québec s’y sentait encore plus impliqué puisque cette voie régionale lui appartient.

Comment ne pas voir que le gouvernement fédéral a tenté de manœuvrer, d’instinct ou consciemment, pour précipiter un affrontement entre deux nations opprimées en mal d’affirmation nationale dont il finirait par être l’arbitre de la situation sur le dos de l’une et de l’autre comme lors de la crise d’Oka en 1990 ? La nation québécoise était prise en sandwich entre son statut « blanc » de demi-état colonial et sa situation de nation conquise et non reconnue. (À remarquer cependant que penser l’État canadien comme d’abord colonial et non pas d’abord capitaliste permet d’effacer la question nationale québécoise comme point d’appui pour les luttes nationales et sociales.) Ou bien le peuple québécois se laissait entraîner dans une prise d’assaut des barricades donnant libre cours au chauvinisme anti-autochtone comme les forces de l’ordre du Québec l’avaient fait à Oka ou bien il poussait son gouvernement à la modération. Finalement, le Premier ministre du Québec a envoyé un message subliminal d’apaisement quand il a affirmé que le projet de gaz naturel liquéfié (GNL) au Québec « devra obtenir non seulement l’aval de la communauté, mais aussi l’aval des communautés autochtones », alors qu’on connaît l’intense souhait du gouvernement québécois de voir se réaliser ce grand projet très semblable à celui litigieux en Colombie britannique et dont l’approvisionnement provient de l’autre bout du pays, l’Alberta.

Le racisme anti-autochtone

paraît reculer en dépit de l’extrême-droite.
Les sondages, religion des politiciens professionnels, explique cette demi volte-face. Ce n’est pas qu’il n’y ait pas eu une montée du racisme anti-autochtone :

Alors que les protestations en faveur des chefs héréditaires de Wet’suwet’en continuent de déferler sur le Canada, les experts en matière de racisme disent que le racisme et la violence anti-autochtones sont en augmentation et devraient être combattus. On constate un grand changement avec des suprémacistes blancs et des groupes haineux qui redirigent leur attention sur les peuples autochtones, dit Evan Balgord du Réseau canadien anti-haine.

Ce racisme n’est pas que verbal :

Le mercredi 19 février 2020, des vigiles d’extrême droite ont démoli un blocus mis en place à l’extérieur d’Edmonton par des Autochtones agissant en solidarité avec les défenseurs des terres des Wet’suwet’en. La GRC et des politiciens envoyés sur place pour des raisons de “sécurité publique”’, sont restés impassibles pendant que les extrémistes de droite affrontaient les bloqueurs et éliminaient le blocus.

Au Québec, c’est le Premier ministre lui-même qui en a rajouté :

Le premier ministre du Québec n’a pas l’intention de s’excuser pour les propos qu’il a tenus mercredi sur la présence d’armes d’assaut de type AK-47 sur le territoire de Kahnawake, au sud de Montréal. […] Kenneth Deer, qui est également secrétaire de la Longhouse, le système politique traditionnel mohawk, a établi un parallèle entre le refus de Legault de s’excuser et le projet de loi 21 – l’interdiction controversée du gouvernement sur les symboles religieux.

L’opinion publique québécoise n’en était pas moins mitigée comme l’illustre cet échange de propos entre deux personnes gaspésiennes alors que les barrages duraient depuis plus de deux semaines :

La population demeure partagée sur le barrage. Il y a beaucoup de gens qui ont perdu leur emploi à cause de ça. [Les manifestants] ne devraient pas être capables de contrôler le gouvernement comme ça, lance une dame. Le gouvernement fédéral se traîne un peu les pieds, mais les Autochtones ont leurs idées et il faut les respecter, réplique un homme.

Selon un sondage, le racisme anti-autochtone aurait reculé, en particulier au Québec, probablement à cause de l’impopularité du gouvernement fédéral, gestionnaire de la crise, et aussi parce que l’Ouest canadien est plus affecté par l’enjeu des infrastructures gazières et pétrolières :

S’ils sont en colère contre les barricades qui les privent d’un train de banlieue, les Québécois ne laissent pas ce sentiment colorer leur perception des causes autochtones. C’est ce que révèle un sondage Léger mené pour le compte de La Presse canadienne. […] Les chiffres suggèrent également que la plupart des Canadiens blâment le gouvernement fédéral pour la crise qui a éclaté après l’arrestation de partisans des chefs héréditaires de Wet’suwet’en en Colombie Britannique. […] Une majorité de répondants – 57 % – ont dit croire que les revendications territoriales autochtones sont valides et […] appuyaient massivement la consultation des groupes autochtones sur les projets de développement. Le vice-président exécutif de Léger, Christian Bourque, affirme que cela représente un changement majeur dans le soutien du public aux questions des droits des autochtones par rapport aux décennies précédentes. Mais quand il s’agit de savoir si les peuples autochtones devraient avoir un droit de veto sur les développements majeurs sur leurs terres, l’enquête Léger suggère que l’opinion est plus divisée […] Les Québécois sont aussi prêts à donner un droit de veto aux Premières Nations – 55 % pour ce droit de veto et 31 % contre – lorsqu’il s’agit de projets d’infrastructures. À comparer, dans le reste du Canada, seulement 38 % seraient en faveur de pareil droit de veto, 44 % s’y opposeraient.

Le maelstrom d’obstacles et de limites menaçant de noyer les chefs traditionnels

Les nations premières peuvent-elles compter sur le « consentement libre et informé » de la fameuse Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones ? En 2007, le Canada refusa, tout comme l’Australie, la Nouvelle-Zélande et les États-Unis de la ratifier. Il a fallu attende 2010 pour que le gouvernement, comme les trois autres pays récalcitrants, se résolve à adopter le document et en 2016 pour qu’il « renonce à sa position d’objecteur permanent et confirme appuyer sans réserve la Déclaration. » Il faut dire que le dernier article affirmant qu’« aucune disposition de la présente Déclaration ne peut être interprétée comme […] autorisant ou encourageant aucun acte ayant pour effet de détruire ou d’amoindrir, totalement ou partiellement, l’intégrité territoriale ou l’unité politique d’un État souverain et indépendant » en limite passablement la portée. S’imagine-t-on que les États impérialistes, qui ont la main à l’ONU, vont laisser amoindrir leur souveraineté ?

Les chefs traditionnels ont aussi dû tenir compte qu’ils ne faisaient pas l’unanimité dans leur communauté. Cinq chefs de « bande » sur six des Wet’suwet’en ont signé des ententes avec les représentants de TC Énergie assurant quelques revenus afin de pallier la pauvreté de cette petite nation isolée d’à peine plus de 3 000 personnes. On devine les tensions internes. Même les « mères de clan », peut-être parce que plus sensibles aux besoins immédiats, auraient été réticentes aux blocages. Il n’en reste pas moins que ces chefs de bande n’ont juridiction que sur les « réserves », qui ont servi de modèle au système d’apartheid de l’Afrique du Sud, à travers lesquelles le gazoduc ne passe pas. Juridiquement, l’arrêt Delgamuukw de la Cour suprême en 1997, à l’initiative d’ailleurs des Wet’suwet’en et de leurs voisins du Nord, les Gitksan, assure que les droits sur les terres ancestrales non cédées englobant les réserves sont du ressort des chefs traditionnels. Ces territoires ont une superficie non négligeable de 22 000 km2, soit les deux tiers de la Belgique.

Les chefs traditionnels ont proposé en 2014 un tracé alternatif que TC Énergie a refusé pour des raisons pécuniaires et… environnementales. On réalise qu’il y aurait là une sortie de secours du point de vue strictement et étroitement « nationaliste » Wet’suwet’en, à condition que quelqu’un finance le milliard de dollars canadiens supplémentaire et que le tracé alternatif ne trouverait pas sur son chemin un autre blocage autochtone. Peut-on raisonnablement exiger d’une pauvre et minuscule nation de sauver à elle seule la civilisation blanche de sa turpitude d’accumulation capitaliste jusqu’à l’annihilation de la civilisation ? C’est déjà énorme que les chefs traditionnels Wet’suwet’en, avec l’appui crucial des nations Kanien’kehá:ka et Mig’maq toujours à la pointe de la lutte autochtone, aient pu résister quelques semaines à la pression du patronat aux abois et de la droite appelant à la répression armée.

Pas de jonction

Le mouvement climatique, malgré moult déclarations de soutien, n’a pas été au rendez-vous dans la rue. Au Québec, il y a bien eu une poignée de jeunes gens cagoulés qui ont tenu un barrage ferroviaire d’une journée ou deux. Il faut saluer leur courage mais regretter leur gauchisme qui se manifestait par un comportement complotiste de refus de s’expliquer auprès des journalistes, à quelques déclarations lapidaires près. C’est ce qu’on appelle créer un événement puis se tirer dans le pied. Il ne faut pas s’étonner que cette attitude bizarre n’ait pas été invitante. Il faut signaler cependant plusieurs rassemblements à l’initiative de petits groupes, qui comprenaient souvent de jeunes autochtones, mobilisant par réseaux sociaux qui ont parfois réuni un peu plus de mille personnes. Mais on était loin du compte de la gigantesque manifestation de Montréal alors que pourtant, le prix gagnant aurait pu être une victoire stratégique mettant en l’échec un projet majeur de GNL qui, après l’abandon de l’immense projet d’exploitation des sables bitumineux par Teck Frontier, aurait signifié une défaite majeure de la bourgeoisie canadienne.

De cette défaite résulte qu’en pleine pandémie, le 31 mars 2020, TC Énergie, qui avait dû renoncer à l’oléoduc Énergie est reliant l’Alberta à la côte est, a pu annoncer, grâce au feu vert donné par le gouvernement de l’Alberta, qu’elle allait de l’avant avec la construction de l’oléoduc Keystone XL qui reliera l’Alberta au Nebraska [4]. De la sorte, elle faisait fi de la lutte mémorable engagée à Standing Rock, dans les Dakota du Nord et du Sud, en 2016 contre un autre projet qui traversait des terres indiennes, et donnait suite au souhait de Trump – alors qu’Obama s’y était opposé. Le gouvernement fédéral en a rajouté en annonçant dès le 23 mars qu’il maintient « les consultations publiques qui doivent conduire à l’élimination des évaluations environnementales pour les futurs forages exploratoires au large de Terre-Neuve ».

Pour rassembler en masse, on se serait attendu une mobilisation des grandes organisations écologistes québécoises et canadiennes. Elles sont restées prisonnières de leurs propres campagnes et fascinées par le réformisme gouvernemental. L’Assemblée des Premières nations, fédération des chefs de bande, poussait à un impossible compromis tout en ne condamnant pas les blocages. Quant au NPD fédéral, c’est l’un de ses anciens députés qui a servi de médiateur entre le gouvernement central et les chefs traditionnels Wet’suwet’en ! Le petit Parti vert canadien, coincé par la participation des Verts de la Colombie britannique au gouvernement NPD de cette province, a débuté par une prise de position ferme contre la construction du gazoduc et l’intervention de la GRC pour finir par se réjouir de l’accord final entre les Wet’suwet’en et les deux gouvernements concernés. Pourtant, le contenu de cet accord demeure inconnu à ce jour et il n’a pas encore été ratifié par la nation autochtone. Last but not least, cet accord reste silencieux sur la construction du gazoduc, le coeur du conflit. Il ne faut pas alors s’étonner que sa construction ait repris en pleine pandémie !

Le parti indépendantiste de gauche Québec solidaire a cru s’en tirer par son refus d’entériner au parlement une motion du parti gouvernemental de droite Coalition Avenir Québec et des deux autres partis d’opposition sur cette crise parce qu’on n’y parlait pas du rôle des autochtones et de la nécessité du pacifisme. Cette joute parlementaire l’a dédouané de prendre position sur le fond – le refus du gazoduc en Colombie britannique et le droit souverain autochtone de dire non – et sur la méthode – la pertinence et le courage politiques de faire des barrages, même si cette méthode n’a pas été condamnée explicitement. Alors que le Conseil national autochtone de Québec solidaire s’était mobilisé dans la manifestation de Montréal en appui aux Wet’suwet’e, les députés du NPD et de Québec solidaire se sont abstenus de se rendre sur les barrages et même d’être présents aux manifestations de soutien. Pour renverser la vapeur contre le Canada des hydrocarbures afin que ceux-ci restent sous terre, il faudra bien un jour frapper dans le plexus l’accumulation du capital, par des grèves et blocages généralisés et prolongés dûment dirigés et coordonnés avec une alternative prête à prendre la relève.


[1« À Montréal, une marée humaine défile avec Greta Thunberg »,
Le Monde, 28 septembre 2019 [NDLR].

[2Les Conseils de bande sont la forme administrative communale réservée aux communautés autochtones. Ils fonctionnent avec des fonds fédéraux [NDLR].

[3Toutes les citations sont tirées des sites web de Radio-Canada, de CBC et du quotidien de Montréal Le Devoir.

[4Rémy Bourdillon, « En pleine pandémie, Canada et États-Unis lancent la construction de l’oléoduc Keystone XL », Reporterre, 15 avril 2020, sur reporterre.net [NDLR]

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