Édition du 29 avril 2025

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Canada

La politique canadienne favorable au gaz naturel liquéfié (GNL) soutient la nouvelle forme de fascisme de D. Trump alimenté par les énergies fossiles

Le Président Trump rend les contradictions de la politique climatique canadienne vraiment visibles. La production du soit disant gaz naturel américain (un mélange d’hydrocarbures où le méthane domine) a commencé à exploser sous l’administration Obama et n’a cessé de progresser depuis. Le processus de liquéfaction nécessaire pour que le gaz puisse être expédié a débuté en 2016 et a augmenté sans arrêt chaque année. Les régulations ne sont pas le plus grand problème de cette industrie, au contraire, ce sont les marchés.

Nick Gottlieb, Canadian Dimension, 4 avril 2025

Traduction, Alexandra Cyr

L’adoption des énergies renouvelables en Asie dépasse toute les attentes et on s’attend à ce que les marchés du GNL soient dramatiquement en surplus de production dans les prochaines années.

Pour gérer cette situation, l’industrie a deux approches possibles : limiter la production en mettant un arrêt sur la construction de nouvelles infrastructures ou élargir le marché pour absorber le surplus tout en maintenant les prix à un niveau durable.

Le Président Trump, dont le Secrétaire à l’énergie provient directement de l’administration de Liberty Energy, la deuxième plus grande compagnie de fracturation aux États-Unis, semble vouloir aider cette industrie à poursuivre une plus grande stratégie à savoir de déployer le pouvoir économique américain pour imposer et développer la demande de GNL partout dans le monde. Déjà, début février, Taîwan, l’Inde et le Japon ont indiqué qu’ils augmenteraient leurs importations de GNL américain pour apaiser l’administration Trump et éviter des droits de douanes punitifs. La Corée du sud, le Vietnam et l’Union européenne semblent aller dans le même sens ce que Bill McKibben décrit justement dans sa chronique de « faire se coucher ».

Ici au Canada, les politiciens.nes se sont vite distancés.es de D. Trump à cause de sa menace d’annexion du pays pour en faire le 51ième État américain. Mais en même temps, en criant bien fort leur opposition à D. Trump et à ses plans pour le monde entier, le partenariat s’est poursuivi pour élargir le marché du GNL par tous les moyens possibles dont le déploiement du pouvoir politique pour soutenir les compagnies gazières et de gazoduc qui ont des liens étroits avec l’administration Trump.

Bien sûr ce n’est rien de nouveau c’est une des caractéristiques de l’État capitaliste. L’étendue de l’adhésion à l’automobile par exemple ne s’est pas produite à cause de la demande (pour ce type de transport) ou sa supériorité naturelle sur les transports en commun (détestés de tous) mais à cause de décisions sur les infrastructures et de la propagande poursuivie par l’État dans des campagnes introduites dans le système d’éducation qui incitaient les gens à acheter des voitures. Même à ça, l’adoption de la voiture individuelle et le mode de vie américain reposant fortement sur le pétrole, s’est répandu lentement en dehors des États-Unis. Après la deuxième guerre mondiale, Washington s’est servi du Plan Marshall pour lui donner un coup de pouce magistral. Il a reconstruit l’Europe de l’ouest de telle sorte que la dépendance au pétrole y était installée au grand bénéfice des compagnies américaines qui contrôlent la majorité du flot de pétrole dans le monde. Les exemples en sont incalculables mais le plus important est que de manières remarquables, l’allure de ces marchés n’est pas déterminée par la nature humaine qui définit la « demande » mais par les réserves et l’habileté des entreprises avec leurs alliés étatiques à créer la demande voulue. Cette distinction a de profondes conséquences dans notre compréhension de l’avenue des changements, comment notre économie s’est retrouvée en surproduction et, probablement plus important encore en ce moment, pour comprendre comment nous pouvons amoindrir les changements climatiques.

Tout cela pour dire que l’utilisation du pouvoir étatique pour créer des marchés pour des productions intérieures a été la norme depuis des siècles. Qui y a-t-il de différent aujourd’hui dans notre situation politique ? D. Trump a effrontément poussé la menace à un niveau qui lui assure un marché à long terme pour la production la plus rapide d’un produit d’énergie fossile dans le monde : le gaz de schiste. Les politiques climatiques sont pleines de rumeurs et de mystifications mais, dans le cas présent, D. Trump révèle le non-dit. Ce faisant, il rend les contradictions de la politique climatique canadienne clairement visibles.

Notre gouvernement déclare « croire » dans le changement climatique et même d’être un leader dans ce domaine. Mais depuis des années il déploie des moyens en arrière scène pour aider des compagnies comme TC Energy, la compagnie impliquée dans le Coastal GasLink, pour enfermer d’autres pays dans les infrastructures des énergies fossiles repoussant ainsi les énergies renouvelables et affaiblissant la lutte contre le réchauffement climatique. Une grande partie de ce projet est fait en collaboration très proche, mais occultée, avec les États-Unis et d’autres alliés dont les pays membres du réseau de renseignement connus sous le nom de Five Eyes. Ce sont les États-Unis, l’Australie, le Royaume uni, la Nouvelle Zélande (et le Canada).

Cette collaboration n’est pas dirigée que par des intérêts communs mais aussi par des personnels communs. La direction de TC Energy déborde de « douzaines de liens entre le géant du gaz naturel et l’administration Trump », selon la Fondation pour le journalisme d’investigation. Elle a toujours été le principal moteur du projet Prince Rupert Gas Transmission, le gazoduc contre lequel les Premières nations et des groupes communautaires se battentdevant les tribunaux. L’été dernier, elle a vendu le projet à un groupe de partenaires, (joint venture) Western LNG et une petite entreprise basée à Houston (Texas) alliée de D. Trump, avec aussi le gouvernement de Nisga’a Lisims (Première nation). Plusieurs anciens employés de TC poussent le projet vers l’avant sous cette nouvelle propriété. Les détails des enjeux auxquels fait face TC avec cette vente restent nébuleux. PRGT et ses installations d’exportation proposées par Ksi Lisims, sont tous les deux soutenus par des compagnies de financement américaines comme par le PDG de Blackstone, Steve Schwarzman qui était aussi un financier majeur de la campagne présidentielle américaine en 2024.

L’industrie canadienne du gaz de schiste n’est pas qu’alignée sur l’administration Trump, elle y est imbriquée. Malheureusement c’est aussi le cas de l’État canadien.

Les effronteries de D.Trump obligent les politiciens.nes de notre pays, à répondre à cette question : en ce moment, êtes-vous opposés.es au projet fasciste lié aux énergies fossiles des Américains ? Sinon vous ne faites que bavarder pour gagner sans peine des points de politique nationaliste pendant qu’en arrière scène vous continuez à travailler avec l’administration Trump et ses alliés à la promotion de l’expansion mondiale du gaz de schiste minimisant ainsi les pauvres petits progrès qui ont été faits dans la lutte pour le climat.

Une sérieuse opposition à D. Trump voudrait dire de mettre fin au soutien de l’extension de l’énergie du GNL, de faire cesser la mainmise des dirigeants.es des entreprises liées à l’administration Trump et d’annuler toutes les opérations militaires et diplomatiques qui cherchent à incruster la dépendance au gaz dans le monde.

Au moins la position de Pierre Poilievre, chef du Parti conservateur, est claire. Son appel à la création de zones prêtes à l’emploi est une reprise canadienne transparente du capitalisme anarchique américain lié aux monopoles de l’industrie des énergies fossiles qui offre aux géants canadiens de ce secteur tout ce qu’ils ont toujours demandé. Malheureusement, de l’autre côté du spectre, les politiciens à l’idéologie étroite que nous avons dans ce pays, soit le Premier ministre Mark Carney et le Premier ministre de la Colombie britannique, David Eby, ont fait la preuve de la faiblesse de leur opposition à D. Trump. D. Eby donne une poussée à des projets qui augmentent la production et l’exportation du gaz de schiste du bassin gazier de Montney Shale. Un des premiers gestes du Premier ministre Carney a été de verser 200 millions de dollars à Cedar LNG un nouveau projet d’exportation sur la côte nord-ouest de la Colombie britannique. Plutôt que de travailler avec d’autres pays à renforcer et augmenter la production de l’industrie des renouvelables et affaiblir le pouvoir des États-Unis dans ce secteur en ne soutenant pas l’industrie du GNL, le Canada continue à s’aligner sur les belligérants États-Unis, les leaders de l’obstruction à la lutte pour le climat.

Que les États-Unis sombrent dans le fascisme représente une crise mondiale. Mais c’est aussi une chance pour que des pays comme le Canada se séparent de la main de fer américaine sur les politiques globales, particulièrement sa propension à faire de l’obstruction à propos des changements climatiques. Est-ce qu’un Parti canadien nous présentera une vision pour un futur durable, ou somme nous condamnés.es à suivre nos voisins vers un avenir de plus en plus autoritaire défini par la domination militaire occidentale sur quiconque tente de s’éloigner du pétrole et du gaz ?

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