Édition du 16 avril 2024

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Amérique centrale et du sud et Caraïbes

Comment expliquer l’embrasement social en Equateur ?

Depuis le 3 octobre, l’Equateur est plongé dans une crise politique et sociale qui a conduit le président Lenín Moreno à transférer la capitale de Quito à Guayaquil.

tiré de NPA 29

Christophe Ventura, directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques, spécialiste de l’Amérique latine, décrypte la situation.
Que s’est-il passé dans l’immédiat pour que Lenín Moreno transfère la capitale de l’Equateur à Guayaquil, où il s’est réfugié ?

Christophe Ventura – Cette décision intervient dans un contexte d’embrasement assez subit de l’Equateur depuis le 3 octobre. Le président équatorien a décrété l’état d’exception, équivalent à l’état d’urgence en France, pour soixante jours renouvelables. La Cour constitutionnelle a amen-dé cette décision en la réduisant à 30 jours, avec des exceptions pour certains secteurs profes-sionnels. Dans ce cadre, Lenín Moreno a demandé le changement de siège du gouvernement, de Quito, capitale politique de l’Equateur, à Guayaquil, capitale économique.

Quelle est l’origine de ce mouvement social ?

La décision récente qui a mis le feu aux poudres, c’est la même qui a lancé le mouvement des Gilets Jaunes en France : l’augmentation des prix des carburants à la pompe, jusqu’à 123 % pour le gazole, qui est le carburant populaire en Equateur. Le président a pris cette décision dans le cadre d’un paquet de mesures économiques qu’on qualifierait en France de mesures d’austérité.

Comme souvent dans les pays pétroliers, l’or noir est subventionné par l’Etat en Equateur, par tradition et par affirmation d’une souveraineté qui doit bénéficier aux habitants du pays. Les consommateurs payaient la moitié de leur litre d’essence, et l’Etat l’autre moitié. C’est cette deuxième moitié que l’Etat a décidé de stopper, ce qui a fait exploser socialement le pays.

Mais il y a aussi d’autres mesures : des restrictions salariales, des congés en moins pour les fonctionnaires, et la baisse de certains impôts sur la sortie des capitaux du territoire, donc concernant les groupes sociaux les plus riches. On se retrouve avec un mouvement multisec-toriel, qui met dans la rue les camionneurs, les opposants politiques de Moreno, les partisans de l’ancien président Rafael Correa, les secteurs indigènes… Il y a une coagulation de tous les mécontentements.

Les peuples autochtones ont marché sur la capitale. Ce sont eux qui semblent être le fer de lance de la contestation : pourquoi ?

Les peuples autochtones sont traditionnellement un des secteurs les plus radicaux. La Confédération des peuples autochtones (Conaie) a été au cœur des grandes convulsions sociales des années 1990, qui ont abouti à l’effondrement du pays et à l’arrivée de Rafael Correa en 2006. Ils ont été parmi les acteurs les plus mobilisés contre les plans d’ajustement structurel du FMI, que Lenín Moreno est en train de reprendre aujourd’hui.

En effet, les mesures qu’il prend s’inscrivent dans la contraction d’un prêt de 10 milliards de dollars en février dernier, auprès du FMI (à hauteur de 4 milliards de dollars), de la Banque mondiale, Banque interaméricaine de développement et de l’Agence Française de Dévelop-pement. L’Etat cherche à réduire la dépense publique pour rembourser ces prêts. Cependant, le secteur des camionneurs et les syndicats pèsent aussi lourd dans ce mouvement social. Elles sont moins visibles, mais d’autres actions ont lieu dans le pays, de blocage des flux économiques, des routes, etc.

09/10/19 Mathieu Dejean
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https://www.lesinrocks.com/

Mathieu Dejean

Journaliste Les Inrocks (France).

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