Édition du 3 décembre 2024

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Économie

Comment les économistes dominants expliquent le chômage

La prégnance du chômage doit être légitimée : c’est l’une des tâches imparties aux économistes mainstream. On propose ici un survol critique des théories dominantes, jusqu’à leur implosion récente.

tiré de : Entre les lignes et les mots 2018 - 28 - 28 juillet : Notes de lecture, textes, lien et annonce

Le chômage : impossible en théorie, inéluctable en pratique

Longtemps, les économistes ne se sont pas préoccupés du plein emploi. Le terme même de chômage est à peu près absent des traités d’Alfred Marshall (1842-1924) qui, durant de longues décennies, fut l’économiste de référence en Angleterre. Les conceptions de Marshall en sont restées à celles des auteurs du fameux rapport de 1834 sur la loi pour les pauvres [1], comme le montre bien une lettre adressée en 1903 à Percy Alden, où Marshall livre le fond de sa pensée [2]. Il y a, écrit-il, deux catégories de chômage. Le chômage occasionnel résulte des fluctuations économiques, mais ne se développe qu’en raison de « l’incapacité, de la part de personnes à l’intelligence limitée, à prévoir avec une parfaite précision les besoins et les opportunités économiques. » Il faudrait leur apprendre que « dépenser l’intégralité de son revenu en période de prospérité et se retrouver sans ressources lorsque la conjoncture se retourne, est incompatible avec le respect que chacun se doit à lui-même. »

Quant au chômage plus durable, il frappe des « personnes qui ne veulent pas ou ne peuvent pas travailler avec assiduité et en faisant tous leurs efforts, de telle sorte qu’ils ne peuvent être employés de façon régulière. Ils sont à la recherche de petits boulots qui sont en général des emplois « tranquilles ». Une grande partie du chômage actuel me semble relever de cette catégorie : c’est donc un symptôme plutôt que la cause de la maladie. » Marshall en appelle à une « discipline bienveillante mais sévère à l’égard de ceux qui élèvent des enfants dans des conditions physiques et morales qui feront d’eux les recrues de la grande armée des chômeurs. »

Le discours des économistes va progressivement incorporer une analyse moins moralisatrice mais tout aussi implacable. Dans le monde parfait de la libre concurrence, le chômage ne peut exister, ou alors seulement sous la forme d’un chômage « volontaire » fruit d’un arbitrage rationnel entre salaire et loisir. Leur principale recommandation consiste donc à préconiser l’élimination de tout ce qui faisait obstacle à l’équilibre entre l’offre et la demande sur le marché du travail. Ce marché n’est pas fondamentalement différent de celui de n’importe quelle autre marchandise, patate ou chaussette.

Quant au terme de plein emploi, on avance parfois qu’il est apparu pour la première fois sous la plume d’Arthur Pigou (1877-1959) – un disciple de Marshall – dans son livre Unemployment, paru en 1913 [3]. Il se trouve que c’est un contresens, car Pigou parle de plein emploi en un sens différent, qui désigne l’emploi à plein temps de certaines catégories de travailleurs. Le livre de Pigou est cependant intéressant car il expose de manière très claire une approche de la question du chômage qui reste alors largement dominante. Son principe de base est que « le chômage est entièrement causé par le désajustement entre les salaires et la demande ». Par conséquent, si les salaires étaient déterminés par le « libre jeu des forces de la concurrence (…) le chômage ne pourrait exister » (p.51-52), en dehors des fluctuations conjoncturelles. En particulier, « toute tentative d’un syndicat d’obtenir pour ses membres un salaire supérieur au salaire de référence de sa branche (…) est une cause de chômage, et l’abandon d’une telle politique est par conséquent un remède au chômage » (p.241).

Les instruments visant à réduire le chômage ont forcément des effets pervers. L’emploi public évince – comme on le dirait aujourd’hui – l’emploi privé. Pigou cite à ce propos un rapport de la commission sur la pauvreté (Transvaal Indigency Commission) sud-africaine. La référence est curieuse, mais l’énoncé est très clair : « Quand un gouvernement donne du travail aux chômeurs (…) il diminue l’emploi d’une main, tandis qu’il l’augmente avec l’autre. Il prend du travail aux personnes employées par des particuliers, et le donne à des personnes choisies par l’Etat » (p.171).

Enfin on retrouve – déjà – la sempiternelle dénonciation du salaire minimum : « Lorsque des considérations humanitaires conduisent à l’instauration d’un salaire minimum au-dessous duquel aucun travailleur ne sera embauché, l’existence d’un grand nombre de personnes ne valant pas ce salaire minimum est cause de chômage. » (p.242)

Cependant, même si toutes les recommandations étaient mises en œuvre, cela ne suffirait pas à « abolir le chômage » et c’est pourquoi il faut recourir à des « palliatifs », tels que l’assurance-chômage. Autrement dit, le chômage est un attribut indissociable d’une économie de marché : on peut seulement en limiter la portée et en « atténuer les conséquences néfastes ».

Le terme de plein-emploi est généralement associé au nom de William Beveridge (1879-1963). Il est intéressant de revenir sur sa première contribution, avec son livre Unemployment. A Problem of Industry, publié en 1909 [4], et cité favorablement par Pigou. Beveridge y considère que le chômage est « une partie du prix à payer pour la concurrence économique » et que la réponse appropriée consiste à « en réduire ses effets néfastes jusqu’à les rendre relativement bénins. » (p. 235) C’est donc plutôt une théorie du chômage « frictionnel » et on est encore loin du plein emploi dont Beveridge sera plus tard un des promoteurs les plus actifs.

Il est important de relever que les théories économiques ne sont pas imperméables à la conjoncture économique qui fournit parfois des démonstrations concrètes. Un bel exemple est donné par John Hobson, un économiste hétérodoxe rendu fameux par ses analyses de l’impérialisme. Mais on peut aussi le considérer comme un précurseur de Keynes pour ses travaux sur le chômage. Dans son livre Problems of poverty, publié en 1899 [5], il soulignait que « le fait que le volume de chômage avait pratiquement disparu en 1890, réduit définitivement à néant l’allégation selon laquelle les chômeurs sont des oisifs qui choisissent de ne pas travailler en période de récession. »

Cependant la prospérité enregistrée au cours de la « belle époque » qui va de 1896 à 1914 permettait aux observateurs de se contenter d’analyses du chômage comme le résultat de désajustements transitoires. C’est la grande crise de 1929 (annoncée par la récession de 1925) qui a fait éclater ces représentations.

Keynes découvre le chômage involontaire

C’est en 1929 qu’un économiste propose de changer radicalement de point de vue : « L’idée qu’il existerait une loi naturelle empêchant les hommes d’avoir un emploi, qu’il serait « imprudent » d’employer des hommes et qu’il serait financièrement « sain » de maintenir un dixième de la population dans l’oisiveté pour une durée indéterminée, est d’une incroyable absurdité. Personne ne saurait y croire s’il n’avait pas eu la tête bourrée de sornettes pendant des années ». Et le même économiste avance un raisonnement simple, que certains qualifieraient sans doute de simpliste : « Il y a des tâches à accomplir ; il y a des hommes pour le faire. Pourquoi ne pas faire correspondre les deux ? (…) Ce serait une folie que de rester assis en tirant sur sa pipe et d’expliquer aux chômeurs qu’il serait trop risqué de leur trouver du travail. »

Cet économiste n’est autre que John Maynard Keynes qui signait avec Hubert Henderson une brochure intitulée Can Lloyd George Do It ? [6] L’auteur de ces lignes y a retrouvé avec plaisir le fil directeur de cet ouvrage : « Le travail des chômeurs est disponible pour augmenter la richesse nationale. Ce serait folie de croire que nous nous ruinerions financièrement en essayant de trouver des moyens de l’utiliser et que la « sécurité d’abord » consiste à continuer à maintenir les hommes dans l’oisiveté. »

C’est à un grand renversement auquel nous invite Keynes, qui consiste à oublier les « sornettes » et à revenir à une approche rationnelle. Il ne faut pas redouter le retour à un certain « bon sens » et Keynes tient à nous rassurer sur ce point : « ce qui semble raisonnable est raisonnable, et ce qui semble être un non-sens en est vraiment un. » Il ne faut pas se laisser effrayer par l’épouvantail qui, aujourd’hui encore, est brandi les avocats d’un chômage « naturel » : « La proposition selon laquelle il y aurait plus de personnes au travail si de nouvelles formes d’emploi leur étaient offertes, est aussi évidente qu’il y paraît et elle ne se heurte à aucune objection cachée. Employer des chômeurs à des tâches utiles conduit au résultat attendu, à savoir une augmentation de la richesse nationale ; et l’idée que nous pourrions, pour des raisons compliquées, nous ruiner financièrement en recourant à ce moyen d’augmenter notre bien-être, est bien ce qu’il paraît : un épouvantail. »

Keynes ne se satisfait pas non plus du « filet de sécurité » procuré par les indemnités versées aux chômeurs, parce qu’elles ne créent rien « sinon encore plus d’assistés ». La véritable sécurité, c’est pour lui « une honnête journée de travail pour un salaire décent. » Et le plein emploi (même s’il n’emploie pas le terme), ce n’est pas 5% de chômeurs : il faut réduire le chômage « au niveau que nous connaissons en temps de guerre (…) soit moins d’un pour cent de chômeurs. » Pour cela, l’Etat devra faire « tout ce qui peut être humainement fait. »

C’est pourquoi Keynes se déclarait en faveur de programmes de grands travaux publics et se souciait peu que leur taux de rendement soit « de 5%, 3%, ou 1% » : l’important étant de réduire le chômage, mieux vaut un faible rendement que pas de rendement du tout. Ces propositions ont été caricaturées en prêtant à Keynes l’idée que les chômeurs devraient être employés à creuser des trous puis à les reboucher. C’est sans doute le risque qu’il y a à être trop subtil, car Keynes n’a jamais dit cela. Dans la Théorie générale, il imagine que le gouvernement enfouit des bouteilles remplies de billets à charge pour les chômeurs de les déterrer. Mais il s’agissait d’une parabole sur la création monétaire établissant un parallèle avec les mines d’or où on creuse aussi des trous.

Avant même la publication de la Théorie générale en 1936, une partie des idées « de bon sens » de Keynes furent mises en application aux Etats-Unis par Franklin Roosevelt, dans le cadre du New Deal. Il est élu après la catastrophique présidence d’Herbert Hoover, qui voyait « la reprise au coin de la rue. » Quand Roosevelt accède au pouvoir, il y a 12 millions de chômeurs, pour une population active d’environ 50 millions, auxquels il faut ajouter plusieurs millions de sans-abri.

Alors que la précédente administration se bornait à distribuer des aides, l’objectif est cette fois de créer des emplois. L’un des administrateurs du programme, Harry L. Hopkins pouvait justifier ainsi ce basculement : « faites l’aumône à un homme : vous sauvez son corps et détruisez son esprit. Donnez-lui un travail avec un salaire régulier, et vous lui sauvez à la fois le corps et l’esprit [7]. »

C’est donc un vaste programme de travaux publics qui est lancé en 1933 avec la mise en place d’une Agence des Travaux Publics (PWA, Public Works Administration), d’un Corps civil de protection de l’environnement (Civilian Conservation Corps), puis en 1935, de la Works Projects Administration. L’ensemble de ces programmes ne permettra pas de revenir au plein emploi et ne réduira le chômage que d’environ un tiers.

Le bilan du New Deal que l’on ne peut qu’esquisser ici est mitigé. Les plans de Roosevelt se heurtèrent à une grève de l’investissement des milieux d’affaires que l’initiative publique n’a pu contrebalancer. Il y avait encore six millions d’Américains au chômage en 1941, et le plein emploi ne fut pas rétabli avant l’entrée en guerre.

L’après-guerre sera marqué par le développement de l’Etat social en Europe, dont l’un des principaux inspirateurs est William Beveridge, auteur de deux célèbres rapports [8]. Le premier est consacré (en 1942) à la sécurité sociale ; le second, en 1944, traite du « plein emploi dans une société libre. » Dans le prologue à ce rapport, Beveridge signale d’emblée que le plein emploi « ne signifie pas qu’il n’y a pas de chômage » mais « qu’il y a plus de postes vacants pour les travailleurs que de travailleurs à la recherche d’un emploi. » Il subsistera toujours un taux de chômage frictionnel qu’il évalue à 3% de la population active dans le cas du Royaume-Uni.

La courbe de Phillips, ou le réglage fin du chômage

En 1958, Alban Phillips [9] publie un article [10] qui lui vaudra la célébrité, puisqu’on parle aujourd’hui encore de la « courbe de Phillips ». Son article établit que la croissance des salaires nominaux évolue en sens inverse du taux de chômage (et de sa variation). Les données de Phillips portent sur l’évolution à long terme du chômage et des salaires au Royaume-Uni, entre 1861 et 1957. Quand l’article paraît en 1958, le taux de croissance du salaire nominal est certes assez élevé, mais le pays est quasiment au plein emploi : le taux de chômage y oscille autour de 2% depuis 1945.

Le projet de Phillips ne traite donc pas d’un problème économique contemporain. Son projet est au fond différent : il s’agit de fournir les bases empiriques à la théorie du chômage.

Mais dans quel sens faut-il lire la courbe ? Pour Richard Lipsey, un collègue de Phillips qui cherche à trouver un fondement plus théorique pour la courbe, la détermination va clairement du chômage aux salaires : « si l’on veut prédire le taux de variation des salaires, il faut connaître non seulement le niveau de chômage mais aussi sa répartition entre les différents marchés [11]. »

Une lecture inverse va être proposée par Paul Samuelson et Robert Solow dans un article de 1960 [12]. Les deux futurs « prix Nobel » cherchent à construire une courbe de Phillips pour les Etats-Unis, qu’ils finissent par la tracer à la main. Ils proposent une lecture de la courbe où c’est le taux de chômage qui détermine les salaires : « les salaires tendent à augmenter lorsque le marché du travail est tendu. » Mais surtout ils en déduisent l’idée qu’il existe un arbitrage possible entre une inflation modérée et un taux de chômage proche du plein emploi : « Les salaires dans l’industrie semblent se stabiliser complètement quand 4 ou 5% de la population active est au chômage ; et une progression des salaires égale à l’augmentation de la productivité de 2 à 3% par an conduit dans cette configuration moyenne à un taux de chômage de 3%. »

La courbe de Phillips devient un instrument de « réglage fin » (fine tuning) de la politique économique durant les années 1960, pendant lesquelles les idées keynésiennes influencent les administrations Kennedy (1961-novembre 1963) et Johnson (1963-1969) en faveur d’une politique budgétaire expansive

Cela fonctionne bien jusqu’à la fin des années 1960 : les courbes de l’inflation et du chômage varient en sens inverse. Mais cette relation conforme à la courbe de Phillips se détraque en deux temps : d’abord avec la récession de 1967 (c’est à cette date que le taux de profit commence à baisser), puis avec la récession (mondiale) de 1974-75. On entre alors dans la période dite de « stagflation » où inflation et chômage augmentent ensemble : elle durera jusqu’au milieu des années 1980 (graphique 1).

La stagflation et la déroute des keynésiens

Milton Friedman ouvre l’offensive dès 1967 dans son adresse à l’assemblée de l’American Economic Association [13]. Mais c’est dans son discours de réception du « prix Nobel » en 1977 [14] que Friedman livre le récit le plus clair. Il commence par évoquer le passage de la Théorie générale où Keynes admet qu’il lui manque une équation : « On ne peut donc savoir quel sera le volume global de l’emploi tant qu’on ne connaît pas le prix nominal des biens de consommation ouvrière, et on ne peut savoir quel sera le prix nominal des biens de consommation ouvrière tant qu’on ne connaît pas le volume global de l’emploi. Comme nous l’avons dit, il manque une équation [15]. »

La courbe de Phillips aurait donc comblé ce manque. En outre, « elle semblait constituer un outil fiable pour la politique économique, permettant à l’économiste d’informer le décideur politique des alternatives qui s’offraient à lui. » Mais, avec le temps, on s’est aperçu qu’il fallait « des doses d’inflation de plus en plus élevées pour réduire le niveau de chômage. La stagflation avait montré sa tête hideuse. »

La critique de Friedman peut-être résumée de la manière suivante : la courbe de Phillips a été reçue par les keynésiens comme la pièce manquante de leur modèle. Elle établissait la possibilité d’un arbitrage (trade-off) entre taux de chômage et taux d’inflation, mais à condition de postuler la stabilité à long terme de la courbe de Phillips. Sur cette base, les keynésiens ont inspiré des politiques de plein emploi qui se sont révélées inflationnistes. L’apparition de la stagflation dans les années 1970 est liée à la correction des anticipations parce que la courbe de Phillips n’est pas stable, contrairement au postulat des keynésiens [16].

Le concept d’anticipations joue un rôle clé : l’idée est que si l’on accepte une certaine accélération de l’inflation, les « agents » vont anticiper une poursuite du mouvement, et la courbe de Phillips va se déplacer. C’est ce que n’ont pas compris les responsables de la politique en s’en tenant à la courbe de Phillips de base : « L’écart entre la vraie courbe de Phillips avec anticipations et les modèles sans anticipations a laissé le champ libre à l’inflation, ce qui aurait pu être évité, si les autorités monétaires avaient connu le vrai modèle [17]. »

Deux économistes de la Banque nationale de Belgique ont récemment repris cette critique. Pour eux, le point de vue selon lequel on peut « choisir des taux d’inflation et de chômage donnés en stimulant ou en réfrénant la demande globale » est erroné [18]. Cela ne peut fonctionner qu’à court terme et la notion d’anticipation est à nouveau mobilisée : « La banque centrale ne peut continuellement maintenir le taux de chômage en deçà de son niveau naturel. Les pressions qui en résulteraient pousseraient en effet constamment les anticipations d’inflation et l’inflation réelle à la hausse, et le taux de chômage reviendrait systématiquement vers son niveau naturel. Il en découlerait in fine une inflation plus élevée mais qui ne s’accompagnerait pas d’un taux de chômage plus bas. »

Le démenti apporté par la stagflation au paradigme keynésien ouvre donc la voie à une véritable contre-révolution. L’un des plus farouches opposants au keynésianisme est Robert Lucas, qui va jusqu’à récuser la notion de chômage involontaire. Ce serait une lubie de Keynes : « Le chômage involontaire n’est pas un fait ou un phénomène que les théoriciens auraient à expliquer. C’est au contraire une construction théorique que Keynes a introduite dans l’espoir qu’il pourrait servir à donner une explication satisfaisante à un phénomène réel : les fluctuations à grande échelle du chômage total [19]. »

Du coup, la notion même de plein emploi disparaît : « il ne semble pas possible, même en principe, de distinguer un chômage volontaire et un chômage involontaire en fonction des choix auxquels les individus sont confrontés. Même conceptuellement, il n’est pas possible d’arriver à une définition utilisable du plein emploi, comme une situation où le chômage involontaire a disparu. » De manière très polémique, Lucas souhaite que l’économie théorique moderne ne perde pas son temps avec les « constructions théoriques de nos prédécesseurs » (sous-entendu celles de Keynes) qui est le plus sûr chemin « vers la stérilité. »

Cette offensive des monétaristes anticipe sur la contre-révolution néo-libérale. Ils préconisent la neutralisation de la politique monétaire réduite à une règle de croissance stable de la masse monétaire. Quant au chômage, il doit être combattu en flexibilisant le marché du travail et en faisant reculer ses rigidités structurelles. Il est inutile de souligner ici que l’on voit se constituer la doxa néo-libérale : indépendance de la Banque centrale et réformes structurelles.

Une synthèse impossible : le rapport McCracken

Le rapport McCracken publié par l’OCDE en juin 1977 porte un titre significatif (Pour le plein emploi et la stabilité des prix) et marque un double partage des eaux. Il intervient juste après la récession généralisée de 1974-75 qui marque la fin de « l’âge d’or » et au plus fort de l’offensive néo-libérale contre le keynésianisme. L’opposition entre ces deux courants se cristallise, comme le montre Vincent Gayon, « sur l’un des instruments centraux des politiques macroéconomiques d’après-guerre utilisé dans la plupart des pays membres de l’OCDE : la courbe de Phillips [20]. »

Cependant le rapport reste à la croisée des chemins et révèle un certain désarroi, car, comme l’avoue son responsable (cité par Gayon) : « nous ne savions pas quelle idée nous voulions produire. » Robert Lucas, l’un des anti-keynésiens les plus virulents, parle d’un « éclectisme désordonné » et d’un « opportunisme se faisant passer pour du pragmatisme [21]. »

Le NAIRU, ou le chômage en équations

A partir du tournant néo-libéral des années 1980, une nouvelle conception du chômage s’impose : elle explique pourquoi le plein-emploi n’est ni possible ni souhaitable. Fondamentalement, cette théorie aujourd’hui dominante repose sur une reformulation de l’arbitrage entre inflation et chômage. Il existe un taux de chômage en dessous duquel l’inflation augmente, et cette hausse de l’inflation a des effets récessifs qui le ramènent à ce niveau incompressible.

On parle de « Nairu » (Non-Accelerating Inflation Rate of Unemployment : taux de chômage qui n’accélère pas l’inflation), de taux de chômage structurel, d’équilibre, voire « naturel ». Au-delà des sophistications, tout cela renvoie à la même idée : un fonctionnement fluide du capitalisme nécessite un certain volant de chômage qu’il est impossible de réduire sans effets néfastes sur l’activité économique. On pourrait dire que la courbe de Phillips est inversée : ce n’est plus l’inflation qui permet de réguler le chômage, c’est le chômage qui sert à contenir l’inflation.

Ce concept de Nairu a été introduit en 1975 par Franco Modigliani et Lucas Papademos [22], deux économistes plus ou moins keynésiens qui cherchaient à assouplir le concept de taux de chômage naturel de Milton Friedman. Ils parlent plus exactement de NIRU (taux de chômage non-inflationniste). C’est James Tobin qui introduit le terme de Nairu en 1980, alors même qu’il affirmait, quelques années plus tôt que : « La courbe de Phillips a été une découverte empirique à la recherche d’une théorie, comme les caractères de Pirandello à la recherche d’un auteur [23]. » Sans doute l’avait-elle enfin trouvée…

Ce dogme du chômage d’équilibre scientifiquement calculé à conduit à ces commentaires amers de Robert Solow, à l’issue d’une conférence marquée par l’offensive des anti-keynésiens menée notamment par Lucas et Sargent : « il faut vraiment que vous ayez de sérieuses raisons de décréter que le taux de chômage naturel est de 5 1/2% avant de sortir de cette salle et de vous trouver nez à nez avec toutes ces personnes qui sont au chômage. Ce n’est pas une plaisanterie. Pour les statisticiens, il ne s’agit que de chiffres, juste quelque chose qui sort quand vous mettez quelque chose égal à zéro et divisez un nombre par un autre. Mais ces gens dehors, ils n’ont pas de travail. Vous devriez être vraiment sûr de ce que vous racontez, et que le bon chiffre est de 5 1/2 et non pas 3 1/2 ou 4 1/2 avant de prétendre que cela a un quelconque rapport avec la vie réelle [24]. » Beaucoup d’économistes devraient méditer ces remarques.

Ce nouveau concept a donné lieu à un volume considérable de discussions théoriques byzantines, mais aussi à de nombreuses – et vaines – tentatives d’évaluer le fameux Nairu de manière stable et consensuelle. On en épargnera le détail au lecteur pour montrer plutôt la face cachée de ce montage théorique.

Sous l’inflation, le profit

Il faut commencer par remarquer que le Nairu ne fait que reprendre à sa façon l’analyse de Marx du rôle du chômage (« l’armée industrielle de réserve ») sur l’évolution du salaire : « Les mouvements généraux du salaire sont en gros exclusivement régulés par les phases d’expansion et de contraction de l’armée industrielle de réserve, qui correspondent aux changements de périodes du cycle industriel. Ils ne sont donc pas déterminés par les évolutions de l’effectif absolu de la population ouvrière, mais par le rapport changeant selon lequel la classe ouvrière se divise en armée active et armée de réserve, par l’augmentation et la diminution du volume relatif de la surpopulation, par le degré où cette population est tantôt absorbée, tantôt de nouveau libérée [25]. »

Avec le Nairu, ce mécanisme est habilement occulté puisqu’il s’agit de naviguer au mieux entre Charybde (l’inflation) et Scylla (le chômage). Mais derrière l’inflation, il y a les salaires et par contrecoup le profit. De ce point de vue, l’OCDE et la Commission européenne sont plus explicites, en calculant un Nawru, autrement dit un taux de chômage qui n’accélère pas les salaires. Les choses sont ainsi plus claires, parce que c’est bien d’un arbitrage salaires-profit dont il est en réalité question. Comme le rappelle excellemment Patrick Artus (un marxiste très occasionnel), il ne faut jamais « oublier que l’inflation apparaît quand la profitabilité des entreprises est inférieure au niveau souhaité [26]. » L’inflation « résulte de la volonté des entreprises de redresser leur profitabilité si elle est inférieure au niveau qu’elles souhaitent ».

On tient là la clé d’une autre explication de la stagflation aux Etats-Unis que le recours aux anticipations et autres délires monétaristes. Il suffit d’y observer le taux de profit. Jusqu’à la récession de 1967, il fluctue à un niveau élevé : c’est aussi, comme on l’a vu, la période où la courbe de Phillips fonctionne. Mais il est clair que la baisse du taux de profit à partir de 1967, jusqu’au début des années 1980, s’accompagne d’une accélération de l’inflation. Le choc des politiques néo-libérales déclenche, de manière simultanée, la remontée du taux de profit et le retour du taux d’inflation à son niveau des années 1960. Le véritable arbitrage est donc entre inflation (lire : les salaires) et profit, et le taux de chômage est l’outil qui permet de régler cet arbitrage.

Le schéma est donc le suivant : si le taux de chômage baisse trop, le rapport de forces entre capital et travail se modifie en faveur des salariés. L’augmentation des salaires mord sur le profit et les entreprises répondent en augmentant leur prix. Le taux de chômage qui n’accélère pas l’inflation pourrait aussi bien, et ce serait plus clair, être baptisé « taux de chômage que ne fait pas baisser le taux de profit. »

Derrière l’appareil mathématique, on peut repérer l’artifice central dans le mode de calcul du Nairu (voir l’annexe ci-dessous). L’équation de prix dit que ce dernier se forme en appliquant un taux de marge au coût salarial unitaire. Toute l’habileté consiste à postuler subrepticement que ce taux de marge, qui n’est rien d’autre que la part du profit, est en quelque sorte intouchable. Il suffit d’une phrase pour que Layard, Nickell et Jackman – les auteurs du classique Unemployment [27] – évacuent ce détail : « Les prix sont fixés par application d’une marge aux salaires. Cette marge a tendance à augmenter avec le niveau d’activité, même si cet effet ne saurait être très fort. » (p.13).

Le tour de passe-passe est assez réussi. C’est ce petit détail de spécification qui permet de remplacer la question du partage entre salaires et profit par un arbitrage entre chômage et inflation. Il suffit de poser discrètement que le taux de marge est fixe, autrement dit que le partage salaires/profit est immuable.

La théorie du Nairu revient donc à fétichiser le chômage en en faisant un instrument de réglage de l’économie. Le plein emploi étant hors d’atteinte, il ne peut plus faire partie de l’agenda politique. Les gouvernements sont en quelque sorte déchargés de toute responsabilité en matière d’emploi : « L’une des graves conséquences involontaires de la préoccupation des économistes pour le Nairu a été d’envoyer aux dirigeants politiques le message qu’ils n’ont aucune responsabilité à exercer dans ce domaine, et que l’arbitrage entre inflation et chômage peut être géré par la Banque centrale au moyen du taux d’intérêt [28] » (James K. Galbraith). Le chômage n’est plus un phénomène social mais l’un des rouages de la grande mécanique économique.

Bye bye, Phillips ?

Le débat fait aujourd’hui rage entre les économistes pour savoir si la courbe de Phillips continue ou non à fonctionner. En effet, le taux de chômage baisse dans plusieurs pays et on se rapproche ainsi du plein emploi, tel en tout cas que le définissent ces économistes. Et pourtant, ni les salaires, ni l’inflation ne redémarrent. Tout récemment, l’OCDE fait avec inquiétude le constat d’une « hausse de l’emploi éclipsée par une stagnation des salaires sans précédent [29]. »

Certains, comme le FMI [30], proposent des aménagements, d’autres soutiennent qu’elle est toujours valide même si elle s’est aplatie [31] ou au contraire qu’elle a disparu. Les économistes de la Banque de France cherchent bien à se rassurer [32] : « les estimations réalisées à la Banque de France montrent que la pente de la courbe de Phillips dans la zone euro est restée faible mais stable et significativement différente de zéro depuis la crise », mais ils restent dubitatifs : « Cependant, nos estimations de la courbe de Phillips demeurent incertaines. Nous devons rester attentifs à l’ensemble des déterminants de l’inflation. »

Deux économistes vont jusqu’à soutenir que le fait qu’il est difficile d’identifier empiriquement la courbe de Phillips n’implique pas qu’elle ne fonctionne pas. Sa disparition est « une conséquence naturelle d’une bonne politique monétaire [33]. » C’est donc l’action de la Banque centrale (consciente de l’existence de la courbe) qui conduit à la faire disparaître.Enfin, Patrick Artus [34] constate que « la courbe de Phillips est à l’envers. »

Bref, la courbe de Phillips se déplace, s’inverse, disparaît ou reste invisible : on est en plein dans la pensée magique. On trouve dans ce débat une assez bonne illustration des dérives de la science économique académique. Décidément, Robert Solow avait raison de dire que l’article de Phillips « a créé plus d’emplois que tout autre projet depuis la construction du canal Érié [35]. » Et peut-être pourrait-on aujourd’hui reprendre la remarque de Mark Blaug qui décrivait le débat des années 1960 comme « l’une des controverses les plus frustrantes et les plus irritantes de toute l’histoire de la pensée économique, ressemblant souvent aux pires disputes médiévales [36] ».

Le désarroi néo-libéral

Plusieurs raisons peuvent être invoquées pour expliquer l’aplatissement ou la disparition de la courbe de Phillips. Il y a d’abord l’idée, qui s’applique bien à la France, selon laquelle une baisse modeste à partir d’un taux de chômage élevé ne suffit plus à réduire les tensions sur le marché du travail. D’autres facteurs peuvent jouer, comme l’augmentation du taux d’emploi des seniors ou l’extension des emplois précaires : dans les deux cas, les catégories de salarié·e·s concernées ne sont pas en mesure de revendiquer des augmentations de salaires. Le FMI – déjà cité – l’explique en ces termes : « Certes l’emploi à temps partiel involontaire a sans doute aidé à soutenir la participation au marché du travail et permis un lien plus étroit avec le monde du travail que l’alternative du chômage, mais il semble aussi avoir affaibli la croissance des salaires. »

Enfin, les réformes structurelles, le recul du taux de syndicalisation et celui, qui va sans doute de pair, de l’emploi industriel jouent dans le même sens. Tout cela concourt à ce que le taux de chômage ne soit plus en tant que tel un indicateur du rapport de forces entre capital et travail, de même qu’il n’est plus une mesure adéquate du dynamisme des marchés du travail.

Ce désarroi des économistes a une autre explication que les déconvenues économétriques : l’effacement de la courbe de Phillips met à mal le modèle théorique dominant. En premier lieu, l’explication classique du chômage naturel, d’équilibre, etc. ne tient plus si la baisse du taux de chômage n’a plus l’inflation comme contrepartie, il n’est plus possible d’expliquer ou de légitimer son niveau incompressible.

Mais les choses sont encore plus graves, car le réglage de l’économie n’est plus possible. Le modèle de base qui sous-tend les discours et les pratiques néo-libérales met en jeu trois relations :

◾la courbe de Phillips ou l’un de ses succédanés : le chômage permet de régler une inflation essentiellement salariale ;

◾la demande globale : elle varie en sens inverse du taux d’intérêt réel ;

◾la « règle de Taylor » quand l’inflation dépasse la cible, la banque centrale augmente le taux d’intérêt et réduit ou freine la demande, donc l’emploi.

Il est clair alors que si la courbe de Phillips s’évapore, ce modèle de gestion disparaît. C’est ce que craint Olivier Blanchard, déjà cité : « la courbe de Phillips est toujours là. Mais sa forme actuelle pose de sérieux défis pour la politique monétaire ». Patrick Artus va plus loin : « Si ces évolutions persistent, tout le fondement théorique de la politique monétaire de la zone euro (pilier monétaire, réaction des taux d’intérêt au taux de chômage ou à l’output gap, crédibilité) s’effondre et devait donc être remplacé [37]. » Et c’est le Financial Times qui résume le mieux la situation : « retirez la courbe de Phillips, et les banquiers centraux vont patauger [38] ».

Dix ans après l’éclatement de la crise, les économistes dominants constatent avec dépit que leurs joujoux ne fonctionnent plus. Leurs schémas à prétention théorique n’ont plus de prise sur le fonctionnement concret du capitalisme. Patrick Artus, décidément très lucide, reconnaît ne plus savoir « analyser la situation [39] ». Il est assez incroyable de constater que The Economist déplore le trop faible pouvoir de négociation des travailleurs [40]. La bible du néo-libéralisme intelligent suggère d’« accroître le pouvoir des travailleurs » et « historiquement, la meilleure façon d’y parvenir est d’amener plus de travailleurs à se syndiquer. » On croit rêver ! Mais la conclusion de l’article sonne aussi comme un avertissement : « Plus de pouvoir aux travailleurs mécontenterait sans doute les patrons. Mais un monde où les augmentations de salaires seraient inimaginables est beaucoup plus effrayant. »

Michel Husson

http://alencontre.org/economie/comment-les-economistes-dominants-expliquent-le-chomage.html

Notes

[1] voir : Michel Husson, « Des lois anglaises sur les pauvres à la dénonciation moderne del’assistanat(II) », A l’encontre, 7 avril 2018.

[2] Alfred Marshall, « Letter to Percy Alden », 28 January 1903.

[3] Arthur Pigou, Unemployment, Williams & Norgate, London, 1913.

[4] William Beveridge, Unemployment. A Problem of Industry, Longmans, Green & Co, London,1909.

[5] John Hobson, Problems of Poverty. An Inquiry into the Industrial Condition of the Poor, Methuen & Co, London, 1899.

[6] John Keynes, Hubert Henderson, Can Lloyd George Do It ?, The Nation And Athenaeum, London, 1929.

[7] cité par William Bremer, « Along the “American Way” : The New Deal’s Work Relief Programs for the Unemployed », TheJournal of American History, Vol. 62, No. 3, December 1975.

[8] William Beveridge, Social Insurance and Allied Services, 1942 ; Full Employment in a Free Society, George Allen & Unwin Ltd, London, 1944.

[9] voir Michel Husson, « Phillips (l’inventeur de la courbe) : une trajectoire hors du commun », note hussonet n°121, 3 juillet 2018.

[10] A.W.H. Phillips, « The Relation Between Unemployment and the Rate of Change of Money Wage Rates in the United Kingdom, 1861-1957 », Economica, Vol. 25, n° 100, November 1958.

[11] Richard Lipsey, « The Relation between Unemployment and the Rate of Change of Money Wage Rates : A Further Analysis », Economica, vol. 27, n°105, February 1960.

[12] Paul Samuelson, Robert Solow, « Analytical Aspects of Anti-Inflation Policy »,The American Economic Review, Vol. 50, No. 2, 1960.

[13] reproduite dans : Milton Friedman,« The Role of Monetary Policy » The American Economic Review, Volume 58, n°1, March 1968.

[14] Milton Friedman, « Inflation and Unemployment », Nobel Lecture, The Journal of Political Economy, Vol. 85, No. 3, June 1977.

[15] John Maynard Keynes, Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie, 1936. Traduction de Jean de Largentaye, Payot, 1942, p. 188.

[16] Nous reprenons ici la présentation de Goulven Rubin, « Robert Solow de la courbe de Phillips à la question des fondements de la macroéconomie : 1960-1981 », 2012 (même si cet auteur s’attache à la critiquer).

[17] Thomas Sargent, Noah Williams, Tao Zha, « Shocks and Government Beliefs : The Rise and Fall of American Inflation », The American Economic Review 96(4), 2006.

[18] N. Cordemans, J. Wauters, « Inflation et activité économique sont-elles mal synchronisées dans la zone euro ? », Revue économique de la Banque Nationale de Belgique, juin 2018.

[19] Robert Lucas, « Unemployment Policy », The American Economic Review, Vol. 68, No. 2, May 1978.

[20] Vincent Gayon, « Le keynésianisme international se débat. Sens de l’acceptable et tournant néolibéral à l’OCDE », Annales Histoire, Sciences sociales, 72 (1), 2017.

[21] Robert E. Lucas, « OECD’s McCracken Report. A Review » Carnegie-Rochester Conference Series on Public Policy, vol. 11, n° 1, 1979.

[22] Franco Modigliani et Lucas Papademos, « Targets for Monetary Policy in the Coming Year » Brookings Papers on Economic Activity, 1975 (1).

[23] James Tobin, « Inflation and Unemployment », The American Economic Review, Vol. 62, No. 1/2, March 1972.

[24] Robert Solow, dans After the Phillips Curve : Persistence of High Inflation and High Unemployment, The Federal Reserve Bank, 1978.

[25] Karl Marx, Le Capital, Livre I, chapitre 25, pp. 714-715.

[26] Patrick Artus, « Ne pas oublier que l’inflation apparaît quand la profitabilité des entreprises est inférieure au niveau souhaité », Flash Economie, 10 avril 2018.

[27] Richard Layard, Stephen Nickell, Richard Jackman, Unemployment. Macroeconomic Performance and the Labour Market, Oxford University Press, 1991.

[28] James K. Galbraith, « Time to Ditch the NAIRU », Journal of Economic Perspectives, vol.11, n° 1, winter 1997.

[29] OECD, « Rising employment overshadowed by unprecedented wage stagnation », July 2018.

[30] IMF, « Recent Wage Dynamics in Advanced Economics : Drivers and Implications », World Econoamic Outlook, October 2017, Chapter 2.

[31] Olivier Blanchard, « The Phillips Curve : Back to the ’60s ? », American Economic Review : Papers & Proceedings, 2016, 106(5).

[32] Clémence Berson et al., « La courbe de Phillips existe-t-elle encore ? », Rue de la Banque N° 56, Banque de France, février 2018.

[33] Michael McLeay, Silvana Tenreyro, « Optimal Inflation and the Identification of the Phillips Curve », Vox, 3 July 2018.

[34] Patrick Artus, « La courbe de Phillips est à l’envers », Flash Economie, 8 janvier 2018.

[35] Robert Solow, « What We Know and Don’t Know About Inflation »,Technology Review 81 (3), 1979 ; cité par Johannes Schwarzer, Price Stability versus Full Employment : The Phillips Curve Dilemma Reconsidered, 2016.

[36] Mark Blaug, The methodology of economics, 1980.

[37] Patrick Artus, « Va-t-il falloir changer complètement la théorie qui sous-tend la politique monétaire de la zone euro ? », Flash Economie, 24 mai 2018.

[38] Gavyn Davies, « The (non) disappearing Phillips Curve : why it matters », The Financial Times, 22/10/2017.

[39] Patrick Artus, « On ne sait plus analyser la situation à long terme des économies », 7 décembre 2017.

[40] « Pour que les salaires augmentent, il faut que les travailleurs aient un plus grand pouvoir de négociation », Le nouvel Economiste, 5 juin 2018. Traduction d’un article de The Economist (disponible dans le documents)

Michel Husson

Économiste, administrateur de l’ INSEE, chercheur à l’ IRES (Institut de recherches économiques et sociales), membre de la Fondation Copernic. Auteur entre autres, de "Les casseurs de l’ État social", La Découverte.

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