Édition du 23 avril 2024

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Asie/Proche-Orient

De l'holocauste à la Naqba

Mercredi le 22 janvier dernier, lors d’une cérémonie commémorative à Jérusalem, une brochette de chefs d’État a souligné le soixante-quinzième anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz par les Alliés en 1945.

On retrouvait à cette occasion bien sûr Benjamin Netanhayou, le premier ministre israélien, Mike Pence, le vice-président américain, Emmanuel Macron président français et le président russe Vladimir Poutine. On a eu droit aux déclarations convenues sur le génocide juif et l’obligation de faire en sorte qu’une telle horreur ne se reproduise jamais. Mais Netanyahou en a rajouté en assimilant l’hostilité iranienne à l’endroit de l’État hébreu à de « l’antisémitisme », même si les chefs d’État présents ne partageaient pas tous nécessairement sa position sur la question de l’antagonisme irano-israélien, sauf Mike Pence. En filigrane, même s’il ne fut pas mentionné par les politiciens présents, se dessinait l’interminable conflit israélo-palestinien.

Monsieur Netanyahou a confondu volontairement à cette occasion comme en d’autres, l’antijudaïsme (appelé à tort « antisémitisme »), c’est-à-dire l’hostilité aux gens de confession juive avec l’antisionisme, qui conteste le supposé droit des juifs à un territoire souverain en Palestine aux dépens de la population palestinienne. Il existe même dans le monde bien des personnes de confession juive qui rejettent le sionisme parce que ce courant nationaliste et politique leur semble trahir la spiritualité juive. Y aurait-il donc des juifs....antisémites ? Toute une contradiction avec les prétentions sionistes !

L’opportunisme de Netanyahou, qui consiste à assimiler l’hostilité des « tyrans de Téhéran » (selon son expression) à l’égard d’Israël à de l’antisémitisme en se servant de la mémoire des multiples victimes de l’Holocauste relève la malhonnêteté intellectuelle la plus répugnante. Cette tactique revient à utiliser sans vergogne la mémoire des millions de juifs et de juives morts en Europe de 1939 à 1945 pour légitimer sa politique agressive et paranoïaque (les deux s’appuyant l’une l’autre) de Tel-Aviv non seulement à l’endroit de l’Iran (qui n’est pas sans reproche lui-même, bien sûr), mais aussi vis-à-vis des Palestiniens et Palestiniennes. Il s’agit là d’un manque total de respect envers les victimes de l’Holocauste, marqué au coin d’un cynisme inqualifiable.

Venant de la part d’un chef de gouvernement (par ailleurs menacé de poursuites judiciaires dans son propre pays) qui a déclenché une guerre meurtrière contre l’enclave palestinienne de Gaza en 2011 et qui maintient la Cisjordanie sous une chape de plomb tout en poursuivant sa colonisation illégale et qui a au surplus annexé tout aussi illégalement Jérusalem-Est, assimiler l’esprit critique vis-à-vis de son pays et l’antisionisme à du « racisme »relève de la plus vile démagogie ; aussi quand on sait qu’il est un grand partisan des assassinats ciblés de résistants et résistantes palestiniens (tout comme son prédécesseur Ariel Sharon et le président américain Donald Trump, d’ailleurs), cette attitude révèle une mentalité de gangster,assez répandue parmi la droite israélienne.

C’est là une vieille tradition sioniste en Palestine, qui remonte à l’époque où des organisations clandestines juives éliminaient des résistants et résistantes palestiniens au nom du « droit à l’autodétermination du peuple juif » durant les décennies 1930 et 1940, précisément au moment où les nazis entreprenaient d’exterminer les juifs et juives d’Europe. Il en résulta la Naqba de 1948, l’exil forcé de centaines de milliers de Palestiniens et Palestiniennes de leurs foyers dans l’espoir de pouvoir y rentrer quand les sionistes seraient chassés de Palestine. On connaît la suite de l’histoire...

On ne peut évidemment pas comparer la Shoah et la Naqba, le gouvernement israélien n’a jamais établi de camps d’extermination de Palestiniens, mais une injustice historique majeure à l’égard d’un peuple, la nation palestinienne, qui n’avait aucune responsabilité dans les déboires des juifs et juives en Europe a bel et bien été commise. Les victimes palestiniennes au cours des conflits entre les deux nations depuis 1948 ont été innombrables et l’enclave de Gaza est toujours soumise pour sa part à un blocus israélien presque hermétique, scandaleux. La population gazaouie est une des plus miséreuses au monde, en particulier la mortalité infantile y est très élevée à cause du blocus israélien.

À quand alors la reconnaissance officielle de la Naqba de la part des classes politiques occidentales et les cérémonies commémoratives qui s’imposeraient à ce sujet ? Et surtout à quand de véritables pressions sur le gouvernement de Tel-Aviv pour le forcer à respecter le droit du peuple palestinien à l’autodétermination ?

Jean-François Delisle

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