Édition du 12 novembre 2024

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Canada

Dans le passé nous avons résolu la crise du logement. Pouvons-nous le refaire ?

Pierre E. Trudeau s’est servi du logement comme instrument de justice économique. Cinquante ans plus tard, son fils, l’utilise comme moteur de l’inégalité. Dans un rapport du gouvernement sur «  la spirale de la hausse du prix du logement » les auteurs.trices expriment leur préoccupation face « au niveau des constructions au Canada en regard de la demande projetée  ».

James Hardkick, Canadian Dimension, 3 octobre 2024
Traduction, Alexandra Cyr

On y souligne que la politique de l’offre et de la demande est un facteur qui contribue à «  l’incapacité des Canadiens.nes à bas revenus d’acheter leur propre logis ». On y trouve aussi des commentaires sur le problème créé par la hausse des taux d’intérêts, l’inflation des coûts des services publics et « l’augmentation des coûts du capital dans le secteur de la construction  ».

Le rapport aurait pu décrire l’état du marché du logement en 2024 ou de n’importe quelle autre année des dix dernières où ce problème existe. Mais, en fait il s’agit d’une évaluation du Programme d’aide au logement équitable (FHAP) qui a été mis en place il y a presque 50 ans. Il répondait en détails à l’action d’Ottawa face à la crise de 1970.

Au début de cette décennie, les coûts du logement étaient hors de contrôle ; «  leur prix étaient constamment au-delà de la capacité de payer des Canadiens.nes ». Le gouvernement fédéral a donc lancé le FHAP qui a permis à l’État de construire des logements sociaux, d’offrir des subventions au loyer et de fournir des hypothèques à rabais aux acheteurs.euses de maisons.

Ce fut un franc succès. À la fin de la décennie le prix des maisons avait vraiment baissé. Les travailleurs.euses pouvaient en acheter une. Ceux et celles qui préféraient louer, avaient accès à une variété de solutions dans le logement social qui pouvaient satisfaire n’importe qui à bas revenus. Il n’y avait pratiquement plus de sans abri.

Étonnamment, cette crise qui affecte le Premier ministre Justin Trudeaudepuis qu’il est élu, avait été plus ou moins résolue par le gouvernement de son père en peu de temps.

Comprendre ces solutions peut nous aider à revenir à un marché stable du logement. Le FHAP embrasse une série de programmes où le gouvernement déploie des ressources pour traiter la crise avec des solutions hors marché. La plus importante étant la construction de logements sociaux.

À partir de 1972 entre 10% et 20% de toutes les habitations construites au Canada, étaient publiques, dans le secteur non lucratif ou en coopératives. Ces logements venaient avec une variété de formules d’accessibilité qui stabilisaient les prix. Soudain les propriétaires privés se retrouvaient en compétition avec un secteur public fort qui favorisait l’accessibilité au lieu du profit. Tous les prix ont ainsi diminué.

Et le FHAP offrait plus que la construction de logement hors marché. Les locataires pouvaient recevoir un subside mensuel via le Programme d’assistance au loyer (ARP). Les personnes à bas revenu qui voulaient avoir leur propre maison pouvaient bénéficier d’hypothèques à bas taux directement du gouvernement fédéral, ou encore une hypothèque privée subventionnée via l’Incitatif à l’achat d’une première maison (AHOP).

Les résultats de ces programmes se sont vite fait sentir. La spirale de la hausse des prix a été interrompue. Années après années le prix des logements s’est stabilisé. Malgré le tableau des hauts salaires et de la montée des prix à cause de l’inflation, cette baisse des coûts a rendu celui des habitations, significativement plus abordable.

À Toronto, ou la participation du FHAP était importante, le coût du logement a chuté de 30% entre 1974 et 1978. Ce fut une incroyable expérience grandeur nature. Les provinces qui ont le plus participé à l’opération ont vu les bénéfices de la réduction des prix du logement pendant que les autres comme l’Alberta dont le Premier ministre M. P. Lougheed a installé son propre programme, ont connu une augmentation des prix avec l’inflation.

Ces résultats sont spectaculaires : les programmes FHAP ont rétabli l’accessibilité au logement en moins de 10 ans !

On se doute que tous et toutes n’étaient pas aux anges avec ce résultat. La classe d’affaire et leurs acolytes dans le gribouillage se sont manifesté. L’Institut Fraser s’est mis à hurler : « de fait la politique du logement est devenu un moyen de redistribution de la richesse en faveur des ménages à bas revenus ».

Malheureusement, les bonnes politiques ne durent pas longtemps au Canada. Les années 1980 sont arrivées avec une élection et un bond dans le marché immobilier. Il fallait à tout prix remettre aux mains du marché les politiques en habitation. Le gouvernement a cessé de subventionner les loyers et les hypothèques et a diminué ses investissements dans le logement social. Les politiques sont de nouveau centrées sur les dettes privées assurées et autorisent la création de titres garantis par des créances hypothécaires.

Ce virage vers le secteur privé provoque une hausse des prix. À la fin de 1980 cette hausse a mené à une véritable épidémie de sans-abris qui est encore là. C’est une autre expérimentation grandeur nature qui confirme toutes les recherches scientifiques à ce sujet : le logement est sans aucun doute la solution à l’itinérance.

Malgré les preuves que le secteur privé ne peut pas répondre aux besoins de la population en matière de logement, le gouvernement en rajoute. En 1992, il met fin au programme des coopératives d’habitation et au milieu de la décennie il cesse de financer la construction de nouveaux logements abordables.

À la fin des années 1990 le gouvernement fédéral se retire complètement de secteur du logement. Il transfère ce qui reste de quelques programmes aux provinces et territoires qui les remettront presque tous aux municipalités plus tard. Le parc existant de logements sociaux dépéri sous cette responsabilité des administrations inférieures. Ils sont sous financés en permanence, laissés à l’abandon et souvent vendus par des Premiers.ères ministres et des conseillers.ères municipaux.ales capricieux.euses et sans la vision nécessaire.

Au tournant du millénaire, les programmes nationaux de logement qui avaient produit plus de la moitié de ce qui était abordable, n’existaient plus.

Au moment où Justin Trudeau a été élu, en 2015, la situation du marché du logement était revenue exactement à ce qu’elle était antérieurement. Les Canadiens.nes étaient incapables d’acheter leur habitation et le prix ds loyers étaient hors de contrôle. Le nouveau Premier ministre a décidé d’imiter son père et a lancé La stratégie nationale du logement (NHS) et attribué des dizaines de milliards de dollars pour résoudre la crise.

Mais les deux programmes n’ont rien à voir entre eux. Le NHS ne conçoit le logement que par la règle de l’offre et la demande. La théorie veut que s’il y a suffisamment de logements construits, les prix vont baisser. Les fonds du programme sont attribués en priorité aux développeurs qui en retour vendent leurs constructions à des spéculateurs de tous acabits. Ces solutions attachées au marché sont un contre-feu. Depuis l’introduction du NHS les prix des habitations n’ont cessé d’augmenter.

Ce résultat était absolument prédictible. La montée spectaculaire des prix sur fond d’augmentation de l’offre était emblématique de la nature du marché du logement durant les décennies précédant le NHS. Année après année, il s’est construit 30,000 maisons de plus au pays que ce qui était nécessaire pour satisfaire l’augmentation de la population et les prix ont quand même excédé l’inflation.

C’est très clair, la crise du logement au Canada n’est pas un simple problème d’offre et de demande. Il faut plutôt s’interroger sur qui détient les logements et pourquoi. En se concentrant presque exclusivement sur l’offre venant du secteur privé, le NHS a remis notre système d’habitation dans les mains d’investisseurs prédateurs en creusé profondément l’endettement des classes inférieures.

En 1978, le marché de l’habitation a servi de moyen de redistribution de la richesse. Les investissements massifs dans le logement social ont réduit les inégalités de ressources et nous a poussés.es vers une société plus égalitaire. En ce moment, ce marché est de nouveau devenu une machine à redistribution des richesses nationales mais en les dirigeants vers le haut de la pyramide sociale.

Pour résoudre cette crise, il faut rompre avec les doctrines néo libérales qui donnent la préséance à l’entreprise privée et chercher des solutions reconnues efficaces. Notre propre expérience et celle d’autres ailleurs nous enseignent que le seul moyen de recréer du logement abordable réside dans les alternatives hors marché qui stabilisent les prix et ainsi poussent les investisseurs privés en dehors su secteur.

Nous avons besoin d’un parc de logements sociaux capable d’ajuster les prix aux revenus, donc d’un investissement fédéral dans le logement et d’un contrôle universel des loyers. Nous avons besoin d’un système bancaire de prêts capable d’offrir des hypothèques conçues pour les acheteurs.euses à bas revenus. Les intérêts payés sur ces hypothèques doivent servir à construire du logement social et à en maintenir encore plus.

Nos milieux de vie ne doivent plus être est véhicules d’enrichissement pour les spéculateurs, ils doivent redevenir ce qu’ils auraient dû demeurer, nos foyers.

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