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Élections ontariennes : qu'est-ce qui n'a pas marché pour le NPD ?

Bon, ça n’a pas fonctionné comme nous l’espérions. Est-ce que nous pouvons toujours être Néo-Démocrates, malgré tout ? Évidemment je parle ici des résultats des élections ontariennes d’hier (12 juin). Il me semble, de mon point de vue à distance depuis les Grandes Plaines, qu’il y a des leçons à tirer du vote néo-démocrate dans l’ouest et celui qui s’exprime au fédéral également.

David J. Climenhaga, rabble.ca, 13 juin 2014,

Traduction, Alexandra Cyr

Je me rends compte que dans la grande tradition des commentaires dans ce pays, la défaite du parti favorisé est toujours tournée en victoire. Cette fois encore les commentateurs-trices habituelLEs reprennent la recette.

Les partisans conservateurs du National Post, à Sun News Network et chez leurs semblables, devraient expliquer en quoi, selon eux tous et toutes, la victoire sans équivoque de Mme Wynne grâce à un budget de nature NPD, peut signifier que les OntarienNEs voudraient vraiment d’un gouvernement conservateur. Bien sûr, selon ces médias M. Hudak, avec ses convictions dignes du Tea Party, et son parti conservateur n’ont pas vraiment été battus mais, pire encore, ces résultats seraient de bonnes nouvelles pour le gouvernement « Reform Party » de M. Harper à Ottawa.

Évidemment tout cela est de la bouillie pour les chats. Mais le discours qu’ils et elles tenaient en faveur de l’élection de ce M. Hudak jusqu’à la veille des élections va persister : les conservateurs-trices devaient être éluEs avec leur programme destructeur, d’une ignorance économique malhonnête, s’affichant contre les travailleurs-euses, et finalement comme un parti qui n’a pas grand-chose de canadien. Et cela repose sur sa campagne à base de fabrication de faits dont il a dû se dépêtrer en mentant, sur les explications des économistes des Frères Koch, (puissants multi millionnaires américains de droite qui financent et font campagne lors des élections aux État-Unis. N.d.t.), et sur l’éventuelle élimination de 100,000 emplois. S’ajoute à cela les blâmes contre les syndicats, comme si les membres des syndicats n’avaient pas droit de vote.

Ce programme était si épouvantablement mauvais, que même les éditorialistes du Globe and Mail, conservateurs-trices à l’os, ont fini par approuver le Parti libéral et sa cheffe Mme Wynne, jusqu’à ce que les bonzes des sièges sociaux prennent le bon vieux téléphone pour leur assigner leur marche à suivre.

De leur côté, les commentateurs-trices d’ici, dans l’ouest canadien, vont vous dire que finalement ce résultat est une bonne nouvelle pour l’Alberta. Ils et elles annoncent que les compagnies vont quitter l’Ontario pour venir s’installer ici, dans une province si bien administrée. Ne croyez pas cela non plus. Nous sommes riches parce que nous avons gagné le loto du pétrole …..et que nous ne voulons pas partager le pactole.

Comme je ne suis pas un vrai commentateur ni payé comme tel, je vais rompre avec la tradition. Hier, le parti Néo-démocrate ontarien, parti dont je suis proche et ne m’en cache pas, aurait pu faire beaucoup mieux. Pour cela il aurait fallu qu’il agisse comme tel et ne pas prétendre qu’il est conservateur. Bien sûr, ses résultats ne sont pas catastrophiques. Ils ont conservé leurs sièges et leur cheffe, Mme A. Horwath n’a pas à démissionner dans la honte comme M. Hudack. Tom Walkom du Toronto Star disait hier que le parti était revenu au point de départ et il a raison. Les résultats auraient pourtant pu être être différents si seulement le parti avait compris que les OntarienNEs voulaient…………..un gouvernement Néo-démocrate !
J’ai cru pendant des mois que ce parti avait vraiment une chance de gagner la course. Après tout, il y a une bonne portion de la population ontarienne qui est sincèrement progressiste. En plus, le gouvernement de Bob Rae est suffisamment loin dans les mémoires pour ne plus avoir de vrai poids et M. Rae est même devenu libéral depuis. Les sondages rapportaient que l’électorat considérait que les Libéraux méritaient d’être punis pour la kyrielle des fautes qu’ils et elles ont commis ces dernières années. Finalement, cette population est suffisamment perspicace pour savoir que onze ans de pouvoir c’est trop long pour quelque parti que ce soit. Sauf en Alberta ???

Mais ils étaient très hésitantEs à se ranger derrière les Conservateurs non progressistes, démolisseurs sadiques pour punir les Libéraux. Ils et elles avaient conscience que comme le gouvernement Harper à Ottawa, ils allaient affaiblir les institutions démocratiques infectés qu’ils sont tous et toutes par le virus extrémiste qui a pris le contrôle du Parti républicain juste au sud de la frontière.

Il fallait y penser à deux fois pour voter pour les Conservateurs dans le but de punir le parti de Mme Wynne après avoir entendu des phrases comme « nous arranger pour pouvoir vous cracher au visage ». En d’autres mots, les électeurs et électrices de l’Ontario ne se sont pas laissé avoir.

Dans ce contexte, tout ce que les Néo démocrates avaient à faire pour avoir une chance de gagner le pouvoir, était d’agir comme des Néo démocrates. Pour des raisons que nous ignorons, Mme Horwath en a décidé autrement. Nous savons tous et toutes, maintenant comment la partie s’est jouée.

Mme Horwath et son caucus avaient voté contre le budget libéral qui contenait beaucoup d’éléments que leurs partisanEs demandaient avec insistance : des dépenses pour les infrastructures, pour le transport en commun et une amélioration des rentes de retraite. C’est ce vote qui a fait tomber le gouvernement libéral et a conduit au résultat bien moyen d’hier soir pour ce qui concerne le NPD.

Peut-être que, à l’instar de certains généraux, les stratèges du parti avaient décidé que ce serait leur dernière guerre. Les électeurs-trices de la province ont visiblement décidé de leur côté, que mieux valait avoir des politiques néo démocratiques que d’avoir le nom NPD avec des politiques conservatrices. On serait mal venus de ne pas être d’accord avec ce raisonnement.

Il est historiquement justifié de s’en prendre au Parti libéral. Il annonce être à gauche et finit toujours pas tourner à droite. Nous verrons bien si Mme Wynne tiendra ses promesses et passera le budget que le NPD a aidé à défaire. Et il y en aura d’autres dans le futur et le temps viendra où l’Ontario devra faire face à son déficit de 12,500 milliards de dollars.

Il est clair que le Parti libéral a convaincu un bon nombre d’électeurs-trices NPD de voter pour lui cette fois. L’argument du côté effrayant de M. Hudak et de ses Conservateurs-trices a marché. Effectivement la peur était là ! C’est le problème avec notre système de vote uni nominal à un tour. Nous sommes probablement pris avec cette organisation du vote pour longtemps au Canada parce que si nous avions un votre proportionnel, nous aurions des gouvernements progressistes à jamais.

Il y a aussi des leçons à tirer pour le Parti conservateur mais là où il est arrivé, pourra-t-il faire l’exercice ? Il y a tant de CanadienNEs qui en ont plus qu’assez de leur diabolique théologie économique fondamentaliste qu’il lui faudra bien revenir au genre de conservatisme qui voit à conserver ce qui en vaut la peine. Mais n’imaginez pas que cela va arriver bientôt.

Pour sa part le Parti libéral ontarien doit reconnaitre qu’il a été réélu parce que l’électorat veut que les politiques qu’il a annoncées soient adoptées. Nous avons connu ce genre de situation en Alberta et ce ne fut pas une bien belle fin pour la cheffe. Les AlbertainEs en avaient jusque là des Progressistes conservateurs en 2012 et c’était avec raison. Mais pas pour autant, vouloir élire un parti qui ressemblait beaucoup à celui de M. Hudack. Alors la population s’est lancée dans une opération bien connue ici : acheter des cartes de membres du Parti conservateur, contribuer à l’élection de son chef en choisissant le candidat qui parait le plus progressiste. En plus, beaucoup ont voté pour le Parti conservateur au lieu de voter pour le parti qu’ils et elles appuyaient habituellement parce qu’il semblait bien que ce soit la seule issue pour contrer le parti « effrayant ». Finalement nous nous sommes retrouvéEs dans de bien mauvais draps. Quoique, après 2 ans du règne de Mme A. Redford, il ne semble pas que ce scénario se répètera.

Nous verrons bien ! Mais le conseil qui vient des Prairies pour Mme Wynne est de ne pas faire comme Mme Redford et de gouverner comme une dirigeante progressiste comme son électorat le lui demande, pas comme un clone de Tim Hudak-Stephen Harper qui se payent d’illusion à propos de leur grandeur.
Quel que soit l’avenir, félicitations à Mme Wynne et à son parti ce soir. Ils le mérite.

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