Édition du 3 décembre 2024

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Nucléaire

Fukushima : « En supposant que tout se passe bien », le refroidissement de la centrale prendrait « plusieurs semaines » et son démantèlement « des décennies »

Au niveau du réacteur 2, des taux de radioactivité très élevés, de 500 millisieverts par heure, ont été mesurés mercredi 23 mars, rendant le travail à proximité très dangereux.

Les équipes techniques de Tokyo Electric Power (Tepco) s’activent toujours pour tenter de relancer les fonctions de refroidissement à la centrale nucléaire endommagée de Fukushima. Pour les réacteurs 5 et 6, qui étaient à l’arrêt lors du séisme du 11 mars, l’eau est disponible en quantité suffisante pour les piscines de stockage du combustible usé, qui peut désormais être refroidi normalement. Mais pour les réacteurs qui connaissent des problèmes de fusion du cœur, pompiers et militaires effectuent des déversements d’eau de mer qui s’évapore en permanence et peut provoquer des phénomènes de bouchage ou de corrosion. Armés de canons à eau, ces « liquidateurs » travaillent dans des conditions extrêmes sans espoir concret de solution à long terme.

Depuis quatre jours, l’exploitant de la centrale affirme ne pas avoir procédé à des décompressions volontaires des enceintes, qui entraînaient des rejets radioactifs dans l’air. Pourtant, au niveau du réacteur 2, des taux de radioactivité très élevés, de 500 millisieverts par heure, ont été mesurés mercredi 23 mars, rendant le travail à proximité très dangereux.

Inquiétante fumée noire

Les techniciens qui travaillaient sur ce réacteur ont dû être provisoirement évacués. « Manifestement, ils gèrent les doses. Leur temps de travail sur site est calculé pour éviter une trop forte exposition. L’ambiance de travail doit être extrêmement pesante », estime Thierry Charles, de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Il en est de même pour l’équipe du réacteur numéro 3, évacuée en raison de la mystérieuse fumée noire qui s’en échappe.

La radioactivité à proximité de ce réacteur a baissé dans la journée, ce qui suggère que la fumée n’est pas radioactive. Pour le professeur Akira Yamaguchi, spécialiste en ingénierie nucléaire à l’université d’Osaka, il pourrait s’agir d’huile brûlée : « L’huile utilisée dans les machineries du réacteur a dû se transformer en graisse, qui brûle et provoque cette fumée noire. Mais il est difficile d’en être sûr », a-t-il expliqué mercredi sur la chaîne japonaise NHK. Mais ni Tepco ni l’agence de sûreté nucléaire japonaise n’ont pu établir la cause de cette fumée. L’IRSN étudie la possibilité qu’elle provienne de l’enceinte de confinement, un scénario plus problématique.

Les risques de l’eau de mer

Des lignes électriques ont été tirées ces derniers jours pour alimenter de nouveau les équipements de contrôle et de pompage, mais leur mise sous tension est retardée par la nécessité de vérifier un à un tous les appareils pour remplacer le matériel défectueux et éviter des courts-circuits. « Ils ont intérêt à prendre des précautions : s’ils branchent le courant maintenant, il est possible que les plombs sautent et que plus rien ne marche », s’inquiète Thierry Charles. A cet effet, plusieurs composants électriques doivent être acheminés depuis d’autres centrales dans les prochains jours.

Tepco prévoit aussi de faire parvenir des bras articulés propulsant de l’eau dans les piscines de combustible, comme celui qui est déjà placé au niveau du réacteur n° 4. Ceux-ci devraient faciliter le travail des hommes qui utilisent pour le moment des lances à incendie. Mais l’utilisation d’eau de mer, inadaptée au refroidissement, pose problème. Pour l’IRSN, « la présence de sel dans l’eau injectée pourrait altérer le refroidissement du combustible à très court terme. Il y a risque de cristallisation du sel injecté avec l’eau de mer dans les cuves des réacteurs ». L’institut recommande l’approvisionnement de la centrale en eau douce.

Le dématèllement prendra des décennies

Tepco doit vite trouver une solution avant que le sel ne commence à poser des problèmes majeurs. Mais l’acheminement des pièces électroniques ou de l’eau douce est rendu très difficile à cause des dégâts engendrés par le séisme et le tsunami. Par ailleurs, l’évacuation temporaire du personnel travaillant sur le réacteur n° 3, d’où s’échappe la fumée, et des techniciens travaillant sur le réacteur n° 2, hautement radioactif, retarde considérablement le travail. « En supposant que tout se passe bien, il va y en avoir au moins pour des semaines », s’inquiète Thierry Charles.

Une fois les systèmes de refroidissement entièrement rétablis, les six réacteurs ne seront plus jamais utilisés. Ils seront en situation « d’arrêt à froid ». Mais le travail sera loin d’être terminé. Le démantèlement de Fukushima prendra des décennies.

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