Cependant, pour résumer commodément la situation, le passage de Trump au pouvoir n’a pas comporté que des effets pervers, mais aussi un bon côté ; elle a magistralement botté le derrière des démocrates et leur a peut-être remis les deux yeux en face des trous.
Il leur fallait peut-être passer par là pour que le parti prenne une certaine distance critique à l’égard du rétrolibéralisme. Si Hillary Clinton avait raflé la mise en 2016, la direction démocrate aurait continué sur son erre d’aller, c’est-à-dire un rétrolibéralisme mondialiste bon chic bon genre, indifférent aux difficultés économiques, sociales et raciales qui gangrènent la société américaine. L’évolution du parti depuis les années 1990 le prouve.
La victoire surprise de Trump en 2016 suivie de ses politiques réactionnaires ont produit un effet-choc sur le parti et renforcé son aile gauche (dont Bernie Sanders est le meilleur représentant).
Bien sûr, Joe Biden se positionne à l’extrême centre de l’échiquier politique, mais il a tout de même entamé des politiques qui contrastent avec celles de son prédécesseur : accélération de la vaccination contre la COVID-19, programme d’infrastructures de grande envergure, soutien financier aux Américains et Américaines en difficulté, appui aux travailleurs et travailleurs d’Amazon en Georgie. Bref, il semble renouer avec un certain "keynésianisme". C’est déjà quelque chose.
Évidemment la position des démocrates est plutôt fragile à l’échelle du pays : ils ne jouissent que d’une faible majorité à la Chambre des représentants, de l’égalité au Sénat (où les républicains disposent d’une importante minorité de blocage) et plusieurs États sont entre les mains de leurs adversaires. De plus, le courant trumpiste est encore bien présent et il n’a pas dit son dernier mot.
Mais tout de même, on remarque de la part de l’administration Biden un certain éloignement du rétrolibéralisme, même s’il ne va pas jusqu’à la rupture. Toutefois, la population américaine peut désormais mieux respirer.
Il arrive des moments où une civilisation devient sa propre caricature, ce qui fut le cas avec l’administration Trump. Les démocrates parviendront-ils à redresser la barre et à changer de cap ? En tout cas, bien des récifs se dressent sur la route du navire américain. La suite des choses dépend en partie de la compétence du capitaine et de ses officiers de bord.
Jean-François Delisle
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