Édition du 16 avril 2024

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Racisme

L’homme de couleur noire, le damné de la terre.

Au-delà de la mort tragique de George Floyd, lâchement tué par un policier blanc à Minnesota, il nous faut réfléchir, à partir d’une Amérique captive d’un résiduel racial, sur les ressorts psychologiques et politiques qui rendent indéracinable la réification de l’homme noir.

Car, ce recours banal à la violence lorsqu’il s’agit de l’homme noir, en Amérique et à travers le monde, s’explique par une certaine représentation que l’on se fait des personnes noires. Du moins, il existe un imaginaire du noir, produit par des rapports historiques de domination et entretenue par l’échec politique de l’Afrique, qui ravale celui-ci dans l’univers des objets, de la matière et des animaux. À bien des égards, le monde contemporain, incluant l’Afrique elle-même, ne s’est pas affranchi des imaginaires dépréciatifs et dévalorisants qui ont jadis lié la chair noire au sort des marchandises. C’est pourquoi la relation entre les noirs et certains policiers blancs demeure encore dominée par les catégories de la violence et de l’humiliation. Comme en témoigne les rapports sur le profilage racial au Québec.

Le mal aimé du temps

De manière générale, la condition mondiale de l’homme noir n’est pas enviable. Et pour comprendre l’insignifiance dont les populations noires font l’objet aux États-Unis, il faudra certainement comprendre l’idée que l’on se fait des noirs à travers le monde. Tout d’abord, on peut voir à travers certaines publicités en Chine et en Occident que persiste une relation irrationnelle et sentimentale à l’homme de couleur noir. C’est là un héritage des justifications historiques qui ont rendu possible les différentes formes de l’esclavage. L’homme noir ne se serait pas encore affranchi de la proximité du règne naturel dans ce qu’il a de sauvage et de l’animalité dans ce qu’elle présente de brutal, d’où la banane et le signe pour mieux le symboliser. Exotique, ainsi se présenterait, aux yeux de certains blancs, l’homme de couleur noir. Comment interpréter la brutalité gratuite de certains policiers blancs à l’égard des personnes noires, même lorsque ceux-ci ne représentent, visiblement, aucune menace ? Comme ce fut mon cas le 12 mars 2020 sur le boulevard Crémazie Est. L’impression se dégage que devant certains policiers blancs, l’homme noir apparaît sous la forme d’un objet malléable sur lequel la volonté s’exerce conformément à ses désirs. Ainsi, on peut se demander, sans souscrire à la thèse du racisme systémique, si, au sein de sociétés démocratiques libérales, le regard sur l’homme noir n’est pas encore déterminé par un résiduel racial qui infériorise les personnes de couleur noire.

Malédiction africaine

Mais lorsqu’on observe le traitement réservé aux noirs par les noirs, en Afrique, force est de constater que pour l’homme de couleur noire, c’est sous la forme d’une proximité à la mort qu’est vécue la vie. C’est que dans la grande majorité des pays africains, la reconnaissance de la dignité fait l’objet d’une négation politique permanente : depuis 1960, l’Afrique a tué l’homme noir dans ce qu’il est en tant qu’être de dignité. N’est-ce pas d’ailleurs sous la thématique de l’abolition de l’humain en l’homme que se présentait la littérature africaine postcoloniale ? que l’on pense seulement à La vie et demie de Sony Labou Tansi, Le Soleil des indépendances de Amadou Kourouma, Les crapauds-brousse de Thierno Monénembo etc. Depuis les indépendances, le nature néo patrimoniale et les logiques autoritaires qu’elle déploie ont rendu les terres africaines inhospitalières à l’homme de couleur de noir. Comme en témoigne le désir de désertion qui ravage une grande partie de la jeunesse africaine et qui l’entraine dans les sentiers périlleux de l’immigration clandestine. Visiblement, comme l’avaient déjà relevé les écrivains africains, la violence du noir à l’égard du noir est pire que celle du blanc à l’égard du noir. Toute la question est désormais de savoir si la négation de la dignité de l’homme noir qui caractérise les politiques en Afrique n’a pas un impact sur le regard infériorisant et réifiant que les autres à travers le monde portent sur l’homme noir. Ma conviction, comme personne de couleur noire, est que l’image de l’Afrique restera pour beaucoup l’arrière-plan qui représentera, au regard des autres, l’homme de couleur noir. Et donc, à certains égards, le sort des noirs à travers le monde sera lié au sort de l’Afrique.

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