Édition du 23 avril 2024

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Économie

La farce de la « prise en compte du genre » : une grille de lecture féministe des politiques de la Banque mondiale

Il n’est pas possible de s’intéresser aux politiques de la Banque mondiale ou à l’émancipation des peuples sans prendre en compte les enjeux de genre, eux-mêmes imbriqués avec d’autres systèmes d’oppression et rapports sociaux inégalitaires.

11 juin par Camille Bruneau
tiré de : CADTM infolettre , le 2021-06-15

« Meghla washes up early morning in Khulna, Bangladesh. Photo by Felix Clay/Duckrabbit. » by WorldFish is licensed with CC BY-NC-ND 2.0. To view a copy of this license, visit https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/2.0/

Si officiellement la Banque mondiale s’approprie « l’égalité de genre » en faisant presque de l’« empowerment » une obligation pour les pays débiteurs, la pratique révèle trop peu de véritable préoccupation pour cet enjeu. Comme avec les questions environnementales, le décalage entre les beaux discours et les changements réels est énorme.

Cette apparente inclusion est problématique à bien des égards : les conséquences concrètes des projets menés et les recommandations macro-économiques sont contraires à toute perspective d’émancipation. En plus, sa conception même de l’(in)égalité de genre s’inscrit dans un agenda néolibéral affiché qu’elle ne prend même pas la peine de dissimuler.

Cette étude poursuit deux objectifs. D’une part, démontrer comment ces « stratégies genrées » continuent d’asseoir la domination occidentale et, souvent, renforcent le patriarcat plutôt que de le combattre. Ceci s’observe de trois manières principales :
 Cette prétendue inclusion s’apparente à du « genderwashing », en d’autres termes, à une opération de communication ;
 Les discours de la Banque mondiale renforcent certains aspects de la domination patriarcale ;
 Les projets et politiques prescrit.es ont des conséquences néfastes.

D’autre part, il s’agit de donner quelques clefs d’analyse pour quiconque voulant s’intéresser aux Institutions financières internationales sans fermer les yeux sur des mécanismes d’oppression centraux.

Pourquoi une analyse féministe des Institutions financières internationales ?
On sait que « les prêts de la Banque mondiale, loin d’être des gestes désintéressés, sont au contraire un moyen de soumettre le pays politiquement et économiquement à l’ordre international des puissants, de le ‘modeler’ selon leurs besoins et ceux de la classe dominante locale, pour en tirer un bénéfice maximal » [1]. Autrement dit, la dette est un des mécanismes centraux dans le maintien des rapports de pouvoir, elle est indispensable à la reproduction du capitalisme néolibéral et participe de manière fondamentale aux oppressions patriarcales, néocoloniales, racistes, extractivistes, …

On sait aussi que les politiques liées à ces prêts impactent profondément et durablement les populations les plus vulnérables (alors que la « mission première » de la Banque est officiellement de leur venir en aide), dont une grande partie sont des femmes [2].

Il est dès lors certain que les femmes sont impactées directement (c’est-à-dire en tant que « femmes » dans un système patriarcal) et indirectement (par l’accroissement général des inégalités).

La dette n’est pas « aveugle » et doit être pensée au sein de rapports sociaux

Le patriarcat - qui légitime les violences sexistes et les discriminations quotidiennes - se base sur la séparation entre les activités dites « productives » et celles dites « non-productives » ou « reproductives ». Ces dernières - pourtant essentielles à la reproduction de la vie sur terre et des sociétés - sont socialement dévalorisées et assignées aux femmes. Le système économique dominant repose tout autant sur cette séparation : l’accumulation du capital (bénéficiant principalement à des hommes riches) est entretenue grâce à du travail sous-payé ou gratuit effectué par une écrasante majorité de femmes, « naturellement » vouées aux tâches de soins, de soutien, de services : le travail de « care » [3].

En cas de crise économique (en général liée aux dettes), leur statut marginal sur le marché du travail signifie qu’elles sont les premières concernées par les licenciements ou la précarisation des emplois. Elles sont aussi les premières à pallier le retrait de l’État social, vu leur assignation prioritaire au travail domestique. Ces inégalités socioprofessionnelles ont des conséquences durables : sur leur pension, leur sécurité sociale (si elle existe), etc. Comme elles sont moins bien placées pour faire face aux crises, elles sont d’autant plus sujettes à l’exploitation. Rappelons ici que dans de nombreux pays, les puissances coloniales ont propagé les normes et inégalités de genre européennes.

Depuis les années 1990, on assiste à un processus de réorganisation et de réappropriation du travail (re)productif à l’échelle mondiale, notamment autour de critères de genre, de classe et de « race », dessinant les contours d’un nouveau capitalisme patriarcal et raciste globalisé. Un outil de prédilection de sa mise en place est la dette publique ou celles des ménages des classes populaires, qui accélèrent cette division sexuelle et raciale du travail ainsi que les violences sexistes via la demande de travailleurs et travailleuses sous-payées et la dépendance aux revenus. Les femmes non-blanches et migrantes sont ainsi encore une fois les principales « perdantes » [4].

Évidemment, certaines femmes (souvent issues de classes sociales supérieures) échappent à cette assignation, tout comme certains hommes (surtout non-blancs, migrants et précarisés) rentrent dans la catégorie des personnes effectuant du travail de care dévalorisé et invisibilisé [5]. C’est pour cela qu’il faut privilégier une approche imbricationniste [6] et en termes de rapports sociaux - qui nous concernent toutes et tous - plutôt que de discriminations ou privilèges individuels.

Il apparaît alors comme une évidence que la structure genrée et raciste de l’économie dominante doit être prise en compte dans nos analyses.
Principalement à partir des années 1990, des études de tous bords ont critiqué les impacts genrés des politiques de la Banque mondiale et des plans d’ajustement structurel ce qui a forcé les IFI à « réagir ». L’une des caractéristiques de la Banque mondiale est sa capacité à se réapproprier les critiques afin d’essayer de renouveler son image et ainsi renforcer son emprise sur une multitude d’acteurs politiques, sociaux, économiques et scientifiques [7].

De nombreuses féministes dénoncent pourtant depuis longtemps cette récupération par les IFI et les programmes de « développement » (notion problématique en soi [8]), qui occultent les voix féministes radicales et anti-impérialistes et ré-légitiment certaines formes d’exploitation des femmes.

Après le greenwashing, place au pink ou genderwashing, où une nouvelle conditionnalité des prêts, le « budget sensible au genre », prétend prendre en compte la réduction des inégalités de genre dans les politiques budgétaires et fiscales.

Chronologie de la prise en compte des inégalités et du genre

Les années 1980 et les PAS sont synonymes de destruction de la protection sociale et des moyens de subsistance pour les peuples des Suds. Ces phénomènes contribuent à l’accroissement de diverses inégalités et impactent particulièrement les femmes.

Les inégalités, dont la Banque mondiale ne se souciait guère, étaient vues comme un mal nécessaire à la croissance qui seraient un jour amoindries par « l’effet de ruissellement ». En plus d’être complètement erroné, ce point de vue ne s’intéresse pas à ce qu’il y a derrière les « inégalités », résumées à l’écart de revenus entre les « riches » et les « pauvres ». Il aura fallu longtemps avant qu’apparaisse la question de savoir « qui est pauvre et pourquoi ? ». Parmi les textes fondamentaux de la Banque mondiale sur l’inégalité, citons celui de S. Kuznets paru en 1955 [9], où le mot « femmes » apparaît, sans surprise… zéro fois (voir encadré sur Kuznets rédigé par Éric Toussaint). Ce n’est finalement qu’en 1982 qu’on commence à parler des « femmes », et cela, principalement de deux manières : des paysannes improductives ou des arriérées ayant trop d’enfants. Les « PED » auraient tout à gagner à les inclure dans les efforts d’augmentation de la productivité agricole [10] (notamment en utilisant des engrais chimiques et des semences extérieures). Et cette vision est encore présente dans de nombreuses déclarations.

Simon Kuznetz et la justification de l’augmentation des inégalités (Éric Toussaint)

Simon Kuznets a élaboré dans les années 1950 une théorie selon laquelle un pays dont l’économie décolle et progresse doit nécessairement passer par une phase d’augmentation des inégalités. Selon ce dogme, les inégalités commenceront à baisser dès que le pays aura atteint un seuil supérieur de développement. C’est un peu la promesse du paradis après la mort qui est utilisée par les classes dominantes pour faire accepter une vie faite de souffrances et de reculs. La nécessité de voir monter les inégalités est très ancrée à la Banque mondiale. Pour preuve, les paroles du président de la BM, Eugene Black, en avril 1961 : “Les inégalités de revenus découlent nécessairement de la croissance économique (qui) donne la possibilité aux gens d’échapper à une existence dans la pauvreté » [11]. Pourtant, les études empiriques réalisées par la Banque Mondiale du temps de Hollis Chenery, économiste en chef de cette institution dans les années 1970 ont infirmé les affirmations de Kuznets.

Dans son livre Le capital au XXIe siècle [12], Thomas Piketty a présenté une critique très intéressante de la théorie de Kuznets. Piketty rappelle qu’au départ Kuznets doutait lui-même du bien-fondé de sa courbe, cela ne l’a pas empêché d’en faire une théorie qui a la vie longue. Entre temps les inégalités ont atteint un niveau inédit dans l’histoire de l’humanité. C’est le produit de la dynamique du capitalisme globalisé soutenue par les politiques des institutions internationales en charge du « développement » et des gouvernements qui favorisent le 1 % le plus riche au détriment de l’écrasante majorité de la population tant au Nord qu’au sud de la planète.

En 2021, la Banque mondiale est revenue sur le printemps arabe de 2011 en affirmant, contre toute évidence, que le niveau d’inégalité était faible dans toute la région arabe et cela l’a beaucoup inquiété car selon elle c’est le symptôme que quelque chose ne fonctionne pas suffisamment dans le supposé succès économique de la région. En fidèles adeptes de la théorie de Kuznets, Vladimir Hlasny et Paolo Verme affirment dans un document publié par la Banque mondiale qu’ « une faible inégalité n’est pas un indicateur d’une économie saine » [13].
Au cours des années 1990, alors que de nombreux pays subissent de plein fouet les conséquences des PAS et que les femmes en portent spécifiquement certains « dommages collatéraux », la question de la « réduction des inégalités hommes-femmes » fait son apparition. La conférence de Beijing de 1995 met à l’agenda international les « droits des femmes » et la « réduction des inégalités », notamment via la « participation à l’économie » [14]. Mais la question ne devient vraiment prégnante qu’à partir des années 2000.

Si la Banque mondiale adopte en 2001 sa première gender mainstreaming strategy qui servira de base pour ses futurs plans d’actions et évaluations et que la question de la « condition des femmes » est mentionnée dans le rapport annuel de 2003 et quelques autres documents, la notion de genre reste largement absente des textes fondamentaux de la Banque mondiale sur la réduction des inégalités. A titre d’exemple, en 2004, le fameux « Triangle pauvreté-croissance-inégalité » [15] de l’économiste en chef de la Banque mondiale, François Bourguignon, un des socles de la pensée développementaliste de la décennie, ignore complètement les enjeux de genre.

La phrase d’accueil actuelle de la page « égalité des genres » de l’Association internationale de développement en dit long : Faute d’exploiter le potentiel productif des femmes, on passe à côté d’une opportunité de premier plan, avec de lourdes conséquences au niveau des individus, des familles et des économies

Dans le rapport annuel de 2006, par contre, on trouve quelques réflexions sur les inégalités et discriminations de genre et la nécessité de s’y intéresser. La Banque mondiale évoque même qu’il serait possible de les réduire en investissant dans la protection sociale, la santé reproductive, l’éducation des filles, l’accès à l’eau, mais aussi et surtout en encourageant la propriété privée et la productivité.

Année après année, les propositions « progressistes » sont invariablement contrebalancées par d’autres « intérêts antagonistes ». Il serait par exemple nécessaire de trouver un juste milieu entre la protection sociale des travailleuses et la rentabilité des entreprises.

« La combinaison des moyens d’action doit être évaluée de façon à établir un équilibre entre la protection (de tous les salariés) et la possibilité pour les entreprises de se restructurer, ce qui est d’une importance capitale pour dynamiser la croissance et créer des emplois. »

« La sécurité des salariés est souvent assurée par divers textes législatifs excessivement rigoureux sur la protection de l’emploi, qui rendent le recrutement coûteux en général et, dans certains cas, plus coûteux encore lorsqu’il s’agit de recruter des travailleurs non qualifiés, des jeunes et des femmes. » [16]

La sécurité sociale, essentielle pour les plus précaires, dont les femmes font partie, serait donc un obstacle à la rentabilité des entreprises. Quand des propositions positives concernant les femmes ne sont pas contrebalancées de la sorte, elles sont alors justifiées par le fait que cela incite la prise de risque et donc la rentabilité, ou que cela contribue à la compétitivité, la productivité, la croissance, l’esprit d’entreprise, … Quand des discriminations sont attaquées en tant que telles, comme la violence domestique, c’est pour permettre une meilleure intégration des femmes sur le marché du travail ! Ce ne sont donc pas des fins en soi.

2007 est l’année du Gender Action Plan (plan d’action genre), intitulé : « L’égalité des sexes, un atout économique ». Il établit la centralité des questions de genre et reste depuis lors une base régulièrement mise à jour.

Il s’appuie sur une évaluation indépendante et très critique de la stratégie de 2001, pointant du doigt la non-prise en compte de cette dimension dans les programmes dès 2003.

Soupçonnant la faille dans l’absence de mécanismes de contrôle et d’évaluation, la nouvelle stratégie pour 2007 met l’accent sur des secteurs « prioritaires » pour l’émancipation des femmes : « la terre et l’agriculture, le travail, le développement du secteur privé, la finance et l’infrastructure » [17]. Il semblerait qu’en 2007, les femmes n’étaient pas concernées par les questions de reproduction sociale, les services publics, les violences, etc. !

Le rapport sur le développement dans le monde 2012 : L’égalité des sexes et le développement devient à son tour le cadre conceptuel pour les prochaines stratégies.

Malgré une reconnaissance de plus en plus prégnante des normes de genres et de la division sexuelle du travail au fil des années [18], la recette reste l’augmentation des revenus par la participation au travail rémunéré.

Dans la même logique, la Banque mondiale lance en 2015 sa stratégie pour 2016-2023 sous l’étendard de la « croissance inclusive ». Si dans la partie « progrès depuis 2000 », le rapport constate que « l’inégalité entre les sexes dans le monde s’est obstinément maintenue dans de multiples dimensions » même si les femmes se sont engagées dans des activités économiques, la partie « leçons apprises » ne contient aucune remise en question de ses propres politiques [19]. A la fin, elle se félicite même de montrer le chemin en matière de progrès dans l’égalité de genre dans plusieurs domaines.

Enfin, en 2016, toute une série de nouveaux indicateurs sont proposés pour l’évaluation. Ceux-ci sont, dans leur quasi-totalité, en lien avec le travail salarié, j’y reviens plus tard dans cette étude.

En bref :

La question du genre est présente dans les rapports depuis un peu plus de 20 ans, mais sans faire partie des stratégies centrales avant 2006, alors que récemment la BM y a consacré une multitude de rapports et projets.
Cette évolution récente n’exprime pas une prise de conscience féministe ou une volonté d’en finir avec l’exploitation. Elle doit être comprise comme :
 Une action de communication en réponse aux critiques et à d’importants mouvements de contestation ;
 Une tentative « d’incorporer les femmes et le mouvement féministe dans le processus de mondialisation néolibérale » [20].
L’émancipation n’est jamais traitée comme une fin en soi mais bien comme un outil dans l’intérêt de l’économie capitaliste. Les femmes sont des ressources, un investissement, un facteur de production sous-utilisé, et il faut les amener dans la sphère productive.
La phrase d’accueil actuelle de la page « égalité des genres » de l’Association internationale de développement (IDA) en dit long : « Faute d’exploiter le potentiel productif des femmes, on passe à côté d’une opportunité de premier plan, avec de lourdes conséquences au niveau des individus, des familles et des économies. » [21]

Tous ces discours ont par ailleurs alimenté une forme de féminisme institutionnel et impérialiste, une nouvelle carte à jouer pour le néolibéralisme, agissant maintenant fallacieusement par « souci du droit des femmes ».

La Banque mondiale continue de prescrire des politiques qui portent préjudices aux femmes en pleine connaissance de cause, en donnant, avec le FMI, la priorité au remboursement de la dette par rapport aux dépenses sociales. Au centre de ces stratégies figurent les marchés et non des humains ; ce sont là des discours aux allures progressistes qui ne remettent jamais en question la position néolibérale de base. On assiste donc ni plus ni moins à un ambitieux projet de genderwashing.

L’approche « genre » de la Banque mondiale : un discours au service du capital, pas de la majorité des femmes !

Depuis la reconnaissance des impacts négatifs des projets de « réduction de la pauvreté », indifférents aux genres et adressés aux « chefs de familles », on l’a vu, de nombreux programmes de « développement » ont commencé à mettre l’accent sur la réduction des inégalités professionnelles, les « stratégies genrées » et l’empowerment. Les droits des femmes comme partie intégrante du développement sont devenus l’objectif affiché des institutions internationales et des ONG. Et le gender budgeting, devenu obligatoire, est la continuité d’une démarche tournée vers les besoins des investisseurs, en utilisant l’argument de ce miraculeux « effet cascade » censé être favorable aux femmes et aux pauvres.

Pourtant, en plus du genderwashing exposé plus haut, le discours dominant de la Banque mondiale et ses alliés renforce certains biais genrés, réaffirmant ainsi une forme de domination patriarcale, pour deux raisons.

Premièrement, en prétendant « décider à la place des femmes - surtout non-occidentales- ce qui est bon pour elles », la Banque prend le rôle du papa ou professeur de l’économie mondiale qui agit pour le bien d’êtres incapables de savoir ce dont elles ont besoin.

En effet, il est bien plus courant de lire et entendre ce que la Banque mondiale considère être une femme « émancipée », que les voix de ces mêmes femmes. Les discours s’appuient systématiquement sur une norme de genre ou l’autre qu’ils renforcent pour servir des intérêts spécifiques. Cela confisque aux femmes des Suds leur capacité à décider des moyens de leurs émancipation en les plaçant dans des cases préfabriquées et homogènes, -aveugles à l’intersectionnalité [22] ou aux réalités multiples et variées des femmes - et utiles aux théories économiques et conjonctures du moment : l’actrice économique dont l’esprit d’entreprise est entravé par la culture locale ; la pourvoyeuse des besoins du foyer, centrale à l’économie familiale et à la résilience face aux crises ; l’ouvrière aux petites mains, indispensable à la croissance économique ; ou encore la pauvre victime vulnérable…

Ces discours se perpétuent, comme on le voit dans un rapport du FMI qualifiant les femmes « d’un des actifs les plus sous utilisé de l’économie » [23].

Deuxièmement, l’empowerment, processus émancipatoire multidimensionnel qui devrait inclure de nombreux facteurs, est mesuré principalement via la « participation à la vie économique et politique » des femmes, ce qui est tout à fait insuffisant [24]. Ce discours de l’émancipation par le travail est problématique et dangereux pour plusieurs raisons :

En prônant l’augmentation de la participation des femmes à la vie économique, ce discours occulte complètement la réalité du fonctionnement actuel de la plupart des sociétés humaines, comme si les femmes ne participaient pas à la vie économique quand elles n’ont pas un emploi salarié déclaré ! Quid du travail gratuit colossal effectué pour prendre soin des êtres chers, des communautés et des écosystèmes, sans lequel « l’économie productive » s’effondrerait tout simplement ? Non pas que la Banque mondiale ignore leur existence, mais ces réalités n’entrent pas dans ses considérations. Ce sont au mieux des « obstacles » au travail salarié des femmes : une redistribution qui ne reproduirait pas des relations d’exploitation, une prise en charge publique ou collective, ou encore une remise en question des normes de genre, ne sont pas au programme ;

La négation de l’importance du travail de care, alors que le travail salarié est valorisé, peut contribuer à augmenter les inégalités de genre (en augmentant le temps de travail total), mais aussi entre femmes car ce sont les femmes des classes populaires qui prennent en charge le travail de care dans une grande partie des ménages riches (délaissé par les femmes qui accèdent à des emplois à temps plein correctement rémunérés et que ni les hommes ni la collectivité ne prennent en charge) ;

Cette vision simpliste de l’émancipation comme synonyme uniquement d’autonomie économique via le travail salarié ignore le fait que l’augmentation du nombre de femmes sur le marché de l’emploi va en général de pair avec une augmentation du nombre d’emplois ultra-précaires. Dans de nombreux pays, cette entrée sur le marché du travail s’est concrétisée dans les zones franches, faisant du travail dévalorisé des femmes un outil privilégié pour augmenter la rentabilité. Au Cambodge, par exemple, le début des années 2000 est marqué par une forte croissance économique, nourrie par les exportations de l’industrie du textile qui emploie quasi-exclusivement des femmes. Dans le même temps, de 2004 à 2009, l’écart salarial a plus que doublé [25]. À moins de s’attaquer simultanément à toute forme d’exploitation, une expansion du marché du travail ira toujours de pair avec une augmentation de l’exploitation de certain.es.

L’approche est de surcroît insuffisamment fondée. Bien que des arguments semblent indiquer une corrélation entre croissance économique et diminution des inégalités de genre, d’autres démontrent également que l’inégalité économique augmente avec certaines formes de croissance ;

Elle ignore qu’il existe d’autres possibilités pour subvenir à ses besoins : économie informelle, autosuffisance, etc. Les principaux indicateurs étant « taux de participation » et « revenus », l’émancipation est mesurée en termes monétaires et non en termes de qualité de vie. Signalons que l’entrée sur le marché de l’emploi des femmes s’accompagne souvent de la destruction des précédents moyens de subsistance et lieux de vie, provoquant la migration massive vers les villes pour rejoindre le rang des travailleuses précaires (domesticité, travail industriel, prostitution, services, …). Dans de nombreux cas, si la « pauvreté monétaire » diminue, la pauvreté matérielle et la pénibilité quotidienne augmentent !
Ce discours est celui d’une mise au travail des femmes au service des intérêts financiers, tout à fait assumé et à peine maquillé d’un prétendu féminisme institutionnel et occidental aux relents impérialistes et néolibéraux. Il enlève aux femmes des Suds leur autodétermination et réprime les voix radicales qui mettent plutôt l’accent sur la fin de la surexploitation du Sud par le Nord comme condition à l’émancipation des femmes dans leurs diversités.

Bien qu’au fil des années elle ait intégré des critiques dans son discours, la Banque mondiale continue de parler des femmes en termes quasi-exclusivement économiques, fermant la voie d’une réelle émancipation, qui ne peut être réduite à une seule dimension économique.

Cette intégration ne témoigne pas d’une volonté d’en finir avec les logiques de domination, ou d’assurer des droits humains fondamentaux, mais bien d’assurer la rentabilité. Selon la Banque mondiale, il ne faut donc pas trop insister sur les notions de patriarcat et de rapports sociaux inégalitaires car cela risquerait de fragiliser le socle de travail exploité sur lequel repose le système en place.

Les prêts, les projets et les politiques de la Banque mondiale : des impacts spécifiques et néfastes

Bien que plusieurs programmes de la Banque mondiale améliorent sûrement l’accès des femmes au travail et leur condition en général (le recul de l’âge de la maternité, l’accès à l’école, l’égalité formelle, les programmes d’insertion professionnelle et d’économies solidaires, etc.), des critiques s’imposent.

Au nom de la stabilité macro-économique, l’institution impose la rigueur budgétaire et favorise la rentabilité des entreprises. Les mécanismes qui ont creusé les inégalités sont à nouveau prescrits comme solution.

Suite à l’application des recommandations macro-économiques de la Banque mondiale, des ressources tout à fait insuffisantes sont allouées aux services publics et à la protection sociale, qui profitent principalement aux populations vulnérables dont les femmes font globalement partie.

A titre d’exemple, dans les années 1990, alors que les pays africains allouent entre 15 et 50 % de leur budget au service de la dette, systématiquement moins de 20 % le sont pour les services sociaux. En 2013 en Amérique latine, il s’agit souvent de moins de 10 % pour l’éducation, moins de 5 % pour la santé, contre entre 10 et 40 pour la dette [26].

De manière non exhaustive, rappelons certaines des mesures phares prônées par la Banque mondiale et le FMI : dévaluation de la monnaie, suppression de barrières tarifaires et douanières, démantèlement du contrôle des prix et des subventions publiques, assouplissement des lois sur le travail, privatisations, diminution des taxes pour les entreprises et des impôts sur le capital, augmentation de la TVA, encouragement des exportations afin de faire entrer des devises étrangères, diminution des dépenses publiques, gel des salaires et coupes budgétaires dans les services sociaux et publics comme l’éducation, la santé, la protection sociale, l’associatif, les transports, les infrastructures de base, etc.

Ces ajustements de variables macro-économiques, qui visent à garantir le remboursement rapide des créanciers, se traduisent par des conséquences très concrètes sur la vie des populations les plus précaires. Une perspective sensible au genre permet de décliner comment les femmes sont spécifiquement [27] impactées en six axes différents mais pouvant agir simultanément et à des dégrées variés selon les contextes et régions.

Les femmes sont les principales travailleuses des secteurs concernés ;

Les femmes sont les principales usagères et bénéficiaires des services et secteurs concernés ;

Ce sont les mères, épouses, sœurs, etc., c’est-à-dire les femmes, qui compensent les chocs économiques et le retrait de l’état social par une augmentation de leur travail gratuit ;

Les femmes sont les premières productrices et agricultrices mondiales, notamment dans l’économie informelle, dont les moyens de subsistance et de production sont détruits ;

Les femmes sont les premières victimes des violences sexistes qui augmentent à cause des méga-projets et de la précarisation de larges franges de la population ;
Ce sont les cheffes de foyers et petites entrepreneuses qui contractent des microcrédits et crédits à la consommation pour subvenir à leurs besoins et ceux de leurs proches.

Cette grille de lecture peut être appliquée de manière systématique aux analyses de la dette et de l’austérité. Intéressons-nous ici à quatre types de mesures mises en avant par la Banque mondiale.

Politiques agricoles et projets extractivistes : impact sur les femmes

Loin de s’intéresser à la préservation des écosystèmes, de nombreux projets et stratégies de la Banque mondiale suivent une logique extractiviste : le « développement » et la croissance par l’exploitation et la destruction des ressources naturelles [28]. Je citerai les « éléphants blancs », ces mégaprojets nuisibles et souvent imposés : projets de production énergétiques, projets miniers, d’infrastructure ou logistiques, dont le barrage INGA en République démocratique du Congo est emblématique. Je pense également aux réformes qui s’inscrivent dans le sillon de la « révolution verte » [29] et aux politiques d’exportation qui contribuent à détruire le vivant, les communautés et la souveraineté alimentaire : monocultures, OGM, pollution et épuisement des sols, biopiraterie via la propriété intellectuelle et l’accaparement des terres, etc.

Ces projets ont en commun un caractère écocide évident mais aussi le fait qu’ils contribuent très souvent à la destruction des moyens de subsistance, des territoires et des savoirs des communautés, dont la préservation repose principalement sur les femmes. Ces destructions (déforestation, pollutions des sols, inondations) les poussent à la migration forcée, à la recherche d’alternatives dans ces « nouveaux » emplois réputés typiquement féminins : domesticité, production en zones franches, soins aux autres, ou encore la prostitution subie. C’est notamment de cette « entrée » des femmes dans « l’économie productive » que se félicite la Banque mondiale. D’après le consortium international des journalistes d’investigation, 3,4 millions de personnes ont été déplacées en conséquence des projets de la Banque mondiale, et se retrouvent dans des camps de déplacés internes [30]. Ce sont les personnes que la Banque mondiale est censée « aider » qui sont en réalité les plus impactées.

En plus de cela, ce type de projet implique souvent la présence de groupes armés, qu’ils soient chargés de « protéger » les projets en question, ou qu’ils cherchent à contrôler les territoires où se trouvent les matières premières. Cela aggrave les violences, notamment sexuelles, auxquelles les femmes sont confrontées. La violence répressive et meurtrière augmente également, notamment envers celles qui s’opposent à ces projets en défendant l’environnement, leurs terres, leur culture et leurs pratiques.

Les politiques agricoles de la Banque mondiale, quant à elles, aggravent certaines inégalités. L’agriculture est à l’échelle mondiale une des activités principales des femmes. Or, l’implantation de monocultures pour l’exportation (ce qui augmente le PIB et les devises pour rembourser la dette) signifie que l’agriculture vivrière, essentielle pour de nombreuses familles, est déplacée vers des terres toujours plus éloignées et moins fertiles. Cela augmente les temps de trajet, le risque d’agressions sur celui-ci et la pénibilité du travail, alors que les récoltes se réduisent en quantité et en qualité. Cela impacte directement les revenus, mais aussi la santé et la sécurité alimentaire des femmes, dont des filles qui sont les premières victimes de la malnutrition. Enfin cela porte aussi atteinte à la souveraineté alimentaire nationale. Dans certaines régions, les emplois dans les cultures de rente sont offerts aux hommes en priorité, poussant les femmes vers des activités encore plus précaires. Si globalement la proportion de l’emploi des femmes dans le secteur agricole a baissé depuis 20 ans (augmentation dans le secteur des services), il reste leur première source d’emploi dans les pays à faible ou à moyen revenu où elles exercent les activités les plus pénibles, les plus chronophages et mal-rémunérées. Les politiques agraires promues par la Banque mondiale impactent donc particulièrement les femmes [31].

Parmi les mesures imposées figurent la fin des subsides sur les intrants agricoles alors que les produits européens, eux subventionnés par la Politique agricole commune européenne (PAC), inondent les marchés : une concurrence tout à fait déloyale qui affectent directement les moyens de subsistance et de production des femmes.

Destruction des services publics

Comme expliqué par Éric Toussaint : «  [les PAS], fruit d’une politique consciemment élaborée et appliquée par les responsables du FMI et de la Banque mondiale, ont eu des conséquences extrêmement négatives sur les droits économiques sociaux et culturels, spécialement en ce qui concerne la santé, l’éducation, l’accès à l’eau potable, la sécurité alimentaire, etc. » (voir « Le FMI et la Banque mondiale au temps du coronavirus : La quête ratée d’une nouvelle image », https://www.cadtm.org/Le-FMI-et-la-Banque-mondiale-au-temps-du-coronavirus-La-quete-ratee-d-une ).

La casse de ces secteurs, que l’on peut qualifier de biens communs, a de très lourdes conséquences sur les femmes. Premièrement, en tant que travailleuses et fonctionnaires qui perdent leur emploi ou voient leur salaire baisser sans compensations. Deuxièmement en tant qu’usagères, pour elles-mêmes ou celles et ceux dont elles ont la charge. La privatisation et les coupes budgétaires dans la santé en réduisent l’accessibilité pour les femmes les plus pauvres, affectant gravement les suivis gynécologiques, les maternités et tout ce qui est lié à la santé sexuelle et reproductive. Ces questions sont trop souvent ignorées par les décideurs, bien souvent des hommes.

Troisièmement en étant celles qui compensent par leur travail gratuit les changements imposés par la Banque mondiale. Cette dernière préconise en effet le retrait de l’État social moyennant la privatisation des services publics ou mise en place de partenariats publics privés (PPP). La gestion privée serait plus « compétitive » et donc efficace selon le dogme libéral. Une demande explicite et régulièrement formulée par la Banque est de privatiser la distribution de l’eau, ce qui a eu de nombreuses conséquences, notamment dans les cas de la Bolivie ou de la Tanzanie, se traduisant, en plus de l’inefficacité, par une hausse des prix, la fermeture de puits publics, avec des conséquences désastreuses sur l’agriculture. Aller chercher l’eau est une tâche qui incombe généralement aux femmes et aux filles. Pour elles, la réduction de l’accès à l’eau signifie une augmentation du temps dévolu à cette tâche, de risques pour leur santé, en particulier des problèmes de dos, et d’exposition à des agressions sur les trajets désormais plus longs [32]. Les PPP, vantés pour leur meilleure gestion, sont en réalités moins efficaces : ils coûtent jusqu’à six fois plus pour le contribuable et offrent des emplois plus précaires [33].

Les réformes fiscales

La Banque mondiale préconise des réformes fiscales en réalité favorables au grand capital : la suppression de barrières douanières, une baisse des impôts sur les sociétés, le patrimoine et les revenus les plus élevés. En contrepartie de ces pertes de revenus, l’augmentation de la TVA est la mesure phare des IFI. C’est ce qu’on appelle une fiscalité régressive car elle impacte proportionnellement plus les personnes aux plus petits revenus. Les « efforts budgétaires » demandés par la Banque mondiale sont en vérité assumés par ces personnes-là ! Les femmes, responsables de nombreuses dépenses pour le ménage, tout en ayant souvent un revenu inférieur, sont particulièrement confrontées à cet enfer quotidien. Le fait que des produits essentiels, comme les protections menstruelles, ne soient pas inclus parmi les « produits de base » avec une TVA réduite [34], entraîne des difficultés supplémentaires. Ainsi, une adolescente sur dix en Afrique rate une semaine d’école par mois en conséquence [35].

Un autre aspect concerne leur activité principale au niveau mondial : l’agriculture informelle et les activités informelles en général. Alors que le prix des intrants augmente, alors qu’elles dépensent de plus en plus pour l’activité dont elles dépendent, elles ne bénéficient pas des mêmes avantages fiscaux que les entrepreneurs de l’économie formelle. Pour le Bretton Woods Project, les femmes qui travaillent dans le secteur informel et se ravitaillent dans le secteur formel sont sans aucun doute les plus affectées par ces mesures. Dans une enquête menée par l’OIT, les femmes mettent explicitement « les taxes » parmi les obstacles à rejoindre l’économie formelle.

Ces mesures fiscales seront toujours inefficaces dans les pays à plus faibles revenus où la majorité de l’économie est informelle. Elles ne peuvent que conduire à l’adoption de nouvelles mesures restrictives, bien souvent des coupes dans la protection sociale… Un cercle vicieux bien rodé ! Ces ajustements imposés sont d’ailleurs une violation directe et répétitive du principe fondamental selon lequel le régime fiscal est la base de la souveraineté et de l’autonomie des États. Les dettes, contractées pour la mise en place de ces mesures, sont donc, de ce point de vue, totalement odieuses et illégitimes.

L’accès au microcrédit

Le microcrédit a été favorisé par les « soft loans » (les prêts doux) de la Banque mondiale et largement félicité par la communauté internationale. Le microcrédit consiste en l’attribution de prêts de faibles montants à des entrepreneurs/euses ou à des artisan·es qui ne peuvent pas accéder aux prêts bancaires « classiques ». Il s’est développé surtout dans les pays du Sud et vise les personnes hors du système bancaire et donc souvent les plus pauvres.

Les femmes représentent, au niveau mondial, environ 70 % de la clientèle des instruments de microfinance [36]. Sous couvert d’autonomisation économique, les femmes sont directement ciblées, entre autres à cause des stéréotypes quant à leur docilité de remboursement [37]. Ces micro-crédits se caractérisent par des taux d’intérêts bien plus élevés que dans les banques « normales », et certainement que le taux zéro qui est la norme dans la plupart des circuits de circulation monétaire traditionnels comme les tontines.

Jules Falquet souligne qu’«  il ne s’agit pas d’autre chose que du droit, ou du ‘devoir’ des femmes à s’endetter, en même temps que d’une manière de faire entrer dans les circuits bancaires du Nord les immenses ‘gisements d’épargne’, souvent organisés par les femmes, qui existent dans le Sud  » [38]. Cet appauvrissement des femmes par la dette consolide la logique de transfert de richesses des pauvres vers les riches.

Ce processus de bancarisation des pauvres et de création de nouvelles opportunités d’investissement est une manière de perpétuer les dommages causés par la croissance néolibérale qui continue d’exclure des solutions collectives et macro-économiques pour favoriser des réponses financières et individuelles.

Quelle autocritique au milieu d’une crise multidimensionnelle globale ?

Malgré tout cela, la Banque ne semble toujours pas effectuer de réelle autocritique. Par exemple, l’évaluation sur trois ans du plan d’action de 2007 ne répond pas aux critiques formulées par la société civile. Elizabeth Arend le montre en cinq axes : la non-considération des droits humains (qui incluent aussi les femmes !), l’attention insuffisante à la santé reproductive, le manque de données sérieuses quant au genre, la vision restreinte de l’émancipation comme l’autonomisation économique, et le manque de capacité d’action des bureaux nationaux [39].

En 2012, elle finit par reconnaître que la diminution des inégalités ne peut pas être réduite à « la croissance », et un imposant rapport reconnaît avoir trop misé sur la réduction des inégalités comme facteur contribuant à la croissance plutôt que comme fin en soi. Mais ne saluons pas trop vite un supposé « changement de paradigme » : l’analyse reste centrée sur l’économie et la recherche de « certaines sortes de croissances » avant tout [40].

Encore en 2014, les critiques continuent à pointer du doigt que la Banque mondiale néglige le travail de care. Une étude constate que sur une trentaine de projets, 92 % ne tiennent pas explicitement compte de l’existence du travail de soin non-rémunéré dans leur conception [41].

En 2016, tout en disant vouloir mieux appréhender le droit à la parole et la capacité d’action, elle s’obstine à « se baser sur ce qui a déjà été accompli » et « remédier aux obstacles spécifiques auxquels se heurtent les femmes dans l’accès aux opportunités économiques » [42]. Elle met aussi en place un groupe de travail pour s’attaquer aux violences sexistes, initiative critiquée pour son mandat extrêmement limité et son silence sur les violences engendrées précisément par les projets de la Banque mondiale.

Alors, à quoi bon les Analyses des Impacts sur la Pauvreté et le Social (AIPS) mises en œuvre par les pays débiteurs ? Bien que des guides contenant des pistes pour l’inclusion du genre existent, aucune mesure n’est contraignante [43]. Par exemple, le programme de « meilleure gestion » et « rationalisation » des secteurs publics en Serbie, imposé en contrepartie d’un prêt octroyé en 2016, a signifié une perte de presque 30.000 emplois et un gel des salaires dans les secteurs publics, où les femmes sont la majorité des travailleuses. L’AIPS ne rapporte aucun effet social sur la pauvreté ou la distribution des richesses.

Bien que l’analyse multidimensionnelle semble progresser, les années 2020 et 2021 confirment que les mesures macro-économiques prônées continuent à dégrader la situation des populations défavorisées. Après plusieurs décennies de politiques antisociales, les systèmes de santé se retrouvent particulièrement affaiblis dans un contexte de crise globale imminente fin 2019.

Alors que la part du budget alloué au service de la dette doublait dans les pays à bas et moyens revenus entre 2010 et 2018, des mesures d’austérité, qui se sont avérées inefficaces en plus d’être inégalitaires, continuent à être inlassablement appliquées. Les ressources allouées aux services publics diminuaient de 18 % en Amérique latine et aux Caraïbes, et de 15 % en Afrique sub-saharienne de 2014 à 2018, ce qui pourrait constituer un record d’ici quelques années si cela continue. Dans au moins 21 pays à bas et moyens revenus les budgets d’éducation baissent depuis 2015 alors que le service de la dette augmente. En ce qui concerne la santé, c’est le cas pour 39 pays [44], avec de lourdes conséquences sur la santé publique, le personnel soignant, les soins de proximité, les capacités d’hospitalisation, etc. À cela on peut ajouter la réduction de l’accès à l’eau potable dans de nombreuses régions. Dans ce contexte, comment faire face à la crise sanitaire qui éclate en 2020 ?

Il est immédiatement évident que le poids des choix politiques souvent incohérents retombe principalement sur les femmes. Elles sont particulièrement nombreuses dans les secteurs « essentiels » et donc en première ligne de l’épuisement et du danger de contamination. Elles sont aussi majoritaires dans l’impossibilité de télé-travailler, et dans de nombreuses régions c’est le cas des groupes ethniques défavorisés [45]. A l’inverse, elles sont aussi très nombreuses à exercer des métiers et occupations désormais interdites et sans compensations car informelles (domesticité, travail du sexe, commerce de rue…). Cela aggrave les inégalités économiques. Comme si cela ne suffisait pas, leur rôle de soin au sein des familles les expose plus au virus et augmente leur travail gratuit (enfants déscolarisés, confection de masques, …). Pour couronner le tout, les violences domestiques et les risques dus à la complète mise de côté de la santé reproductive et mentale montent en flèche. Un constat non seulement dramatique, mais prévisible [46].

L’annonce du moratoire de la Banque mondiale, des « aides » du FMI, ou encore des possibles restructurations du G20 sont, dans ce contexte, au mieux, des mauvaises blagues qui ne prêtent même pas à rire jaune pour les laissées pour compte du néolibéralisme. Sans structurellement remettre en question l’organisation du soin dans nos sociétés, cela ne fait que reporter un fardeau de la dette augmenté, qui impactera durement les femmes. La priorité de la Banque reste la stabilité macro-économique et des secteurs financiers, justifiant à nouveau politiques d’austérité et d’exportation.

Cette crise n’est pas seulement le résultat de facteurs économiques ou sanitaires, mais de notre rapport au vivant et aux activités essentielles, au « prendre soin » de ce qui nous entoure. Le rapport dominant, prôné dans les idéologies de la Banque mondiale, est à mille lieux de toute conception d’équilibre écologique et de bien-être collectif qui pourrait permettre de faire face à de telles crises sans sacrifier toujours les mêmes et en faire ainsi des crises sociales sans précédent.

Conclusion

Dans son fameux rapport de 2007, la Banque mondiale résume son « objectif fondamental » dans ces termes : Donner aux femmes les moyens de rivaliser sur :

Les marchés de produits ;
Les marchés financiers ;
Les marchés fonciers ;
Les marchés du travail [47].
Que signifie donc cette vision de l’égalité ? Comme les féministes anticapitalistes le disent depuis longtemps, le discours de l’égalité n’aide pas à combattre les oppressions mais ne fait que les déplacer. On nous parle ici de l’égalité des chances de rivaliser, de dominer. D’exceller dans les domaines jusqu’ici considérés comme masculins, de s’en approprier les codes, d’exploser le plafond de verre (et rendre le plancher encore plus collant), et devenir actrices des mécanismes de l’accumulation capitaliste.

Cette vision du « féminisme » est dangereuse. Plutôt que de parler de l’accès aux structures de pouvoir, c’est de la remise en question radicale des structures de pouvoir qu’il faudrait se soucier. Plutôt que de réduire les obstacles économiques individuels, c’est de créer des dynamiques collectives, solidaires, une force politique qui est nécessaire. La Banque ne soutient pas les revendications féministes, elle entretient et nourrit la finance patriarcale, extractiviste et raciste.

La question, in fine, n’est donc pas de savoir si oui ou non certains projets locaux ont soutenu des femmes, ni de simplement clamer que la Banque mondiale n’a pas réussi à assez réduire les inégalités. La question est plutôt de savoir si oui ou non sa ligne politique contribue à les aggraver. La réponse est oui. La Banque mondiale s’obstine à prescrire des politiques macro-économiques qui impactent négativement l’égalité de genre et renforcent les oppressions structurelles, comme l’illustre sa stratégie de 2016 à 2023.

En 2016, Elisabeth Prügl qualifiait de Neoliberalism with a feminist face [48] le nouvel agenda de la Banque mondiale. Un nouveau discours où l’analyse des inégalités de genre est de plus en plus poussée, mais également de plus en plus au service des marchés : autrement dit, les revendications féministes sont de plus en plus instrumentalisées ; cooptées et traduites en termes marchands. Pour Prügl, si les nombreuses « avancées » et remises en question sont condamnables par leurs intentions (par exemple pousser les gouvernements à investir dans les crèches pour que les femmes puissent travailler plus), elles ouvrent aussi des brèches dont il serait intéressant de se saisir pour formuler des demandes et alternatives véritablement féministes.

Tous ces constats sont une raison de plus d’annuler la majeure partie des dettes, qui n’ont pas servi les populations, et ce en connaissance de cause. C’est pourquoi, comme le prône le CADTM entre autres, c’est d’un changement radical que nous avons besoin, et pas de reformes au sein de ces institutions, qui, qu’il s’agisse du G20, du FMI, de la Banque mondiale ou encore de l’ONU, entretiennent l’institutionnalisation des féminismes aux dépens des premières concernées.

Une perspective féministe, et même éco-féministe, amène aussi à se poser plus généralement la question de qui doit quoi à qui ? Si on prend en compte tout le travail invisible effectué et les ressources pillées et ravagées sans scrupule, ni compensations ou efforts de conserver un équilibre, alors la donne change [49]. Une bonne partie des populations et en particulier des classes dominantes de la planète sont en vérité redevables d’une immense dette, écologique, mais aussi reproductive, envers les femmes.

Critique féministe du développement

La sociologue Jules Falquet rappelle que les cinq dimensions centrales du développement impactent nécessairement les femmes [50].

Préférer les monocultures intensives à l’agriculture familiale prive les femmes de leurs activités et condamne un grand nombre de personnes à dépendre de produits industriels chers ;
Mettre à profit les matières premières disponibles en sous-sol génère des conflits qui détruisent les communautés autochtones et l’environnement ;
La création de zones de libre-échange encourage l’implantation de multinationales à la recherche de main d’œuvre peu qualifiée, bon marché et essentiellement féminine ;
Faire rentrer des devises via l’exportation de main d’œuvre féminine autorisée à travailler à l’étranger renforce leur exploitation ;
Le tourisme, fortement encouragé, engendre une augmentation des activités dégradantes des femmes dont la « beauté exotique » fait partie des atouts mis en avant par les destinations.

Le « développement » doit être vu pour ce qu’il est : non pas le synonyme d’un « progrès » déclaré comme tel tout à fait arbitrairement, mais un attirail idéologique déployé afin d’aider à la généralisation des modes de production capitalistes, normes culturelles occidentales, et ainsi continuer des dynamiques néocoloniales de pillage organisé, ayant invariablement de nombreux impacts sur la vie des femmes.

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Notes
[1] Éric Toussaint, « Équateur : Les résistances aux politiques voulues par la Banque mondiale, le FMI et les autres créanciers entre 2007 et 2011 », 2021, https://cadtm.org/Equateur-Les-resistances-aux-politiques-voulues-par-la-Banque-mondiale-le-FMI

[2] Camille Bruneau, l’auteure de cette étude, utilise ici le terme « femmes » dans une perspective plurielle et non–essentialiste : toute personne se reconnaissant dans ou étant assignée au genre et/ou sexe « féminin » et subissant ainsi une série d’oppressions sexistes et hétéropatriarcales (femmes cisgenres, personnes transgenres, personnes non-binaires, a-genres, aux genres fluides…). Elle utilise cette « catégorie » dans une perspective politique, c’est-à-dire utile pour analyser des rapports sociaux de domination.

[3] Le concept de « care work » (travail de soin) fait référence à un ensemble de pratiques matérielles et psychologiques destinées à apporter une réponse concrète aux besoins des autres et d’une communauté (dont des écosystèmes). On préfère le concept de care à celui de travail « domestique » ou de « reproduction » car il intègre les dimensions émotionnelles et psychologiques (charge mentale, affection, soutien), et, pour moi et comme utilisé ici, ne se limite pas aux aspects « privés » et gratuits en englobant également les activités rémunérées nécessaires à la reproduction de la vie humaine.

[4] Camille Bruneau : « La dette : une arme patriarcale déployée dans les pays du Sud », AVP Dettes aux Suds, n°77, 2019, https://cadtm.org/La-dette-une-arme-patriarcale-deployee-dans-les-pays-du-Sud

[5] Jules Falquet : « Le capitalisme néolibéral, allié des femmes ? Perspectives féministes matérialistes et imbricationnistes », dans Verschuur, C., Guérin, I., et Guétat-Bernard ? H. (ed.). 2015. Sous le développement, le genre, pp. 365-387. Cynzia Arruzza, Tithi Bhattacharya et Nancy Fraser, Féminisme pour les 99 %, La Découverte, Paris, 2019

[6] Jules Falquet. 2019. Imbrication : Femmes, race et classe dans les mouvements sociaux, Éditions du croquant, 304 p.

[7] Voir également l’analyse de Michael Goldman, notamment autour des questions environnementales. Il s’intéresse aussi à comment la Banque mondiale s’est historiquement imposée comme détentrice de savoirs, ce qui lui permet de consolider son hégémonie. Michael Goldman (2005) : The World Bank and Struggles for Social Justice in the Age of Globalization, Yale University Press.

[8] La notion de développement est problématique à bien des égards, autant le concept en tant que tel - normatif et façonné par une idéologie occidentale et eurocentrique- que ses origines historiques, ses intentions politiques, ainsi que ses conséquences sociales, économiques, environnementales et culturelles. En résumé, il s’agit d’un outil du néocolonialisme et du pillage organisé mis en place après les indépendances pour continuer à contrôler l’organisation mondiale de la production et de la consommation, et donc, de la répartition des richesses. Il est clair que le contrôle des capacités productives et reproductives des femmes (leurs corps, leur fertilité) en est une dimension importante et parfois assumée. En plus des théories dites du « post-développement » ou des nombreuses critiques décoloniales ou anti-impérialistes, voir Éric Toussaint, « Les mensonges théoriques de la Banque mondiale » https://www.cadtm.org/Les-mensonges-theoriques-de-la-Banque-mondiale ainsi que quelques articles amenant une lecture féministe de la notion de développement : Denise Comanne, « Quelle vision du développement pour les féministes », 2005, https://www.cadtm.org/Quelle-vision-du-developpement-pour-les-feministes ; Jules Falquet, « Femmes, féminisme et “développement” : une analyse critique des politiques des institutions internationales », dans Bisilliat, Jeanne (dir.) 2003. Regards de femmes sur la globalisation. Approches critiques, Paris, Karthala, pp 75-112 ; Roger Herla, « Du Sud au Nord, impacts de mondialisation néolibérale sur le travail des femmes », CVFE - Publications, 2018, http://www.cvfe.be/sites/default/files/doc/ep-2018-6-du_sud_au_nord._impacts_de_la_mondialisation.pdf

[9] Simon Kuznets, « Economic Growth and Income Inequality », American Economic Review, n°49, mars 1955, p.1-28.

[10] World Bank, World Development Report, 1982, World Development Indicators Washington, D.C. http://documents.worldbank.org/curated/en/948041468152100530/World-development-report-1982 En français : http://documents1.worldbank.org/curated/en/680161468336317883/pdf/108870WBAR0FRENCH0Box35453B01PUBLIC1.pdf consulté le 18 avril 2021

[11] Cité par DEVESH KAPUR, JOHN P. LEWIS, RICHARD WEBB. 1997. The World Bank, Its First Half Century, Volume 1, p. 171.

[12] Le capital au XXIe siècle, Le Seuil, 2013, 970 p.

[13] « low inequality was not an indicator of a healthy economy » Vladimir Hlasny et Paolo Verme, « On the ‘Arab Inequality Puzzle’ : A Comment », publié en janvier 2021 dans la Revue Development and Change de l’Institut des Etudes sociales de La Haye, p. 4.

[14] Pour une analyse historique et critique de « l’inclusion » des femmes dans le « développement » par les grandes institutions internationales notamment l’ONU, voir Jules Falquet (2002), Op.cit. et Denise Comanne (2005), Op. cit.

[15] François Bourguignon, The Poverty-Growth-Inequality Triangle, 2004, https://www.researchgate.net/publication/5127146_The_Poverty-Growth-Inequality_Triangle

[16] Banque Mondiale, Rapport sur le développement dans le monde, Equité et développement, 2006, https://www.genreenaction.net/IMG/pdf/WDR2006overview-fr.pdf

[17] Banque Mondiale, « L’égalité des sexes, un atout économique », 2006, http://documents1.worldbank.org/curated/en/482921468315359005/pdf/370080FRENCH0G10Box032734201PUBLIC1.pdf

[18] Banque Mondiale, 2014, Gender at Work : A Companion to the World Development Report on Jobs, https://www.worldbank.org/content/dam/Worldbank/document/Gender/GenderAtWork_ExecutiveSummary.pdf

[19] World Bank Group Gender Strategy (2015) : Gender Equality, Poverty Reduction and Inclusive Growth., https://openknowledge.worldbank.org/handle/10986

[20] Christine Vanden Daelen, « Féminismes et Banque mondiale : un mariage ‘contre-nature’ », 2020, https://www.cadtm.org/Feminismes-et-Banque-mondiale-un-mariage-contre-nature

[21] http://ida.banquemondiale.org/theme/genre-et-egalite-des-sexes

[22] L’intersectionnalité est un concept issu du black féminism et forgé par la juriste américaine Kimberlé Crenshaw pour rendre raison de l’existence de discriminations multiples jusque-là invisibilisées dans le cadre d’une approche segmentée et hiérarchisée des discriminations au sein du droit. Selon le Mouvement européen de lutte contre le racisme (ENAR), l’approche intersectionnelle permet de prendre en compte que des personnes qui se trouvent à l’intersection de plusieurs sources de discriminations (ex : être une femme, être de religion musulmane, être d’origine étrangère,..) subissent souvent une nouvelle forme de discrimination résultant du cumul de plusieurs caractéristiques. Finalement, « C’est un outil pour lutter contre les discriminations à l’intérieur des discriminations, protéger les minorités au sein des minorités et combattre les inégalités au cœur des inégalités » (Emilia Roig, Centrer for Intersectional Justice : https://www.intersectionaljustice.org/). Des féministes décoloniales comme Françoise Vergès rappellent que cette notion était déjà bien intégrée avant la reconnaissance du concept, par exemple au sein des luttes contre l’esclavage. Voir Françoise Vergès. 2019. Un féminisme décolonial, éditions La Fabrique, 208 p.

[23] Lovisa Moller et Rachel Sharpe pour ActionAid, « Women as ‘underutilized assets’– A critical review of IMF advice on female labour force participation and fiscal consolidation », 2017, https://actionaid.org/publications/2017/women-underutilized-assets

[24] Agnès Adjamagbo et Anne-Emmanuèle Calvès, L’émancipation féminine sous contrainte », Presses Science Po / Autrepart, N° 61, 2012, pp. 3 -21.

[25] Juan Pablo Bohoslavsky, « Effets des réformes économiques et des mesures d’austérité sur les droits fondamentaux des femmes », 2018, https://www.cadtm.org/Effets-des-reformes-economiques-et-des-mesures-d-austerite-sur-les-droits

[26] Christine Vanden Daelen, « La dette, les PAS : analyse des impacts sur la vie des femmes », 2014, https://www.cadtm.org/La-dette-les-PAS-analyse-des-impacts-sur-la-vie-des-femmes

[27] J’insiste sur le ‘spécifiquement’ car il ne s’agit pas de savoir qui est plus ou moins impacté, mais d’analyser les impacts spécifiques selon où on se situe dans les rapports sociaux de genre, classe, race, ...

[28] Il n’est pas inutile de rappeler que le système capitaliste mais également et plus généralement la pensée occidentale, se base sur une série de dualismes (« hommes » et « femmes » par exemple) dont une supposée frontière distincte entre « l’humain » et « la nature » ou encore le « sauvage ». L’être humain peut puiser, tirer parti, exploiter, modifier, « rentabiliser », dompter etc. le non-humain à sa guise. C’est seulement ensuite qu’entre en jeu l’écologie, pour réparer les dégâts occasionnés à l’« environnement », entité là encore considérée comme fondamentalement extérieure à « nous ». Au centre du développement se trouve donc un rapport objectivant à « l’environnement », qu’il soit d’exploitation ou de « protection »

[29] Jules Falquet, « Penser la mondialisation dans une perspective féministe », Travail, Genre et Sociétés, 2011, n° 25.

[30] ICIJ (2015) : « New investigation reveals 3.4m displaced by World Bank », https://www.icij.org/inside-icij/2015/04/new-investigation-reveals-34m-displaced-world-bank/

[31] OIT, « Les femmes au Travail. Tendances 2016 », 2016, Genève.

[32] Juan Pablo Bohoslavsky (2018). Op. cit.

[33] Iolanda Fresnillo et Verónica Serafini, « World Bank and IMF response to debt crisis undermines women’s rights », 2020, https://www.cadtm.org/World-Bank-and-IMF-response-to-debt-crisis-undermines-women-s-rights

[34] Au Kenya, ceux-ci sont passés de 400 à 30 en un an, BWP (2017) : The IMF and Gender Equality, https://www.brettonwoodsproject.org/wp-content/uploads/2017/04/IMF-and-Gender-Equality-VAT-1.pdf

[35] Frédérique Harrus, F., « Scolarité : quand les règles mettent les filles au ban de l’école », 2015, https://www.francetvinfo.fr/monde/scolarite-quand-les-regles-mettent-les-filles-au-ban-de-l-ecole_3066825.html

[36] Lucile Daumas, « Pourquoi la microfinance s’intéresse-t-elle autant aux femmes ? », 2017, https://www.cadtm.org/Pourquoi-la-microfinance-s-interesse-t-elle-autant-aux-femmes

[37] Le réseau du CADTM dénonce depuis longtemps que les femmes sont victimes des abus de la microfinance. On pense à Denise Comanne (Op. Cit) ; ATTAC-CADTM Maroc ; les militant.es du CADTM en Inde et au Sri Lanka ou encore à la campagne panafricaine contre le microcrédit. Voir par exemple : ATTAC CADTM Maroc. 2017. Le microcrédit au Maroc : quand les pauvres financent les riches. Étude de terrain et analyse du système du microcrédit ; Eric Toussaint et Nathan Legrand, « Témoignages accablants sur les abus du microcrédit », 2018, https://www.cadtm.org/Temoignages-accablants-sur-les-abus-du-microcredit

[38] Jules Falquet. 2002. Op. Cit.

[39] GenderAction (2010) : « Critique of the World Bank’s Applying Gender Action Plan Lessons : A three-Year Road Map for Gender Mainstreaming (2011-2013) », http://www.genderaction.org/publications/2010/critique_road_map.pdf

[40] BWP (2014) : « World Bank admits gender equality not just about growth », https://www.brettonwoodsproject.org/2014/03/world-bank-admits-gender-equality-just-growth/

[41] BWP (2014) : « World Bank criticised for overlooking care work », https://www.brettonwoodsproject.org/2014/01/bank-criticised-overlooking-care-work/

[42] Banque Mondiale, « Nouvelle stratégie du Groupe de la Banque mondiale pour le genre et l’égalité des sexes : Consultations », https://consultations.worldbank.org/fr/consultation/nouvelle-strategie-du-groupe-banque-mondiale-genre-legalite-sexes-consultations

[43] BWP (2019) : « The World Bank and gender equality », https://www.brettonwoodsproject.org/wp-content

[44] Eurodad (2020) : « How public services and human rights are being threatened by the growing debt crisis », https://www.eurodad.org/how_public_services_and_human_rights_are_being_threatened_by_the_growing_debt_crisis

[45] Economic Policy Institute (2020) : « Not everybodu can work from home », https://www.epi.org/blog/black-and-hispanic-workers-are-much-less-likely-to-be-able-to-work-from-home/

[46] Si l’on pense aux rapports sociaux de genre, mais aussi si l’on s’appuie sur des expériences précédentes comme l’épidémie d’Ebola.

[47] Banque Mondiale. 2006. Op. Cit.

[48] Elisabeth Prügl, « Neoliberalism with a Feminist Face : Crafting a new Hegemony at the World Bank », Feminist Economics, Vol. 23, 2017.

[49] Camille Bruneau (2020) : Une lecture écoféministe de la dette pour penser l’audit autrement, AVP n° 79, https://www.cadtm.org/Une-lecture-ecofeministe-de-la-dette-pour-penser-l-audit-autrement

[50] Jules Falquet, « Femmes, féminisme et développement : une analyse critique des politiques des institutions internationales » préparé pour les Cahiers Genre et développement n°3 et publié sur http://1libertaire.free.fr/JulesFalquet01.html , consulté le 11 avril 2021 Voir également Robert Herla (2018) « Du Sud au Nord, impacts de mondialisation néolibérale sur le travail des femmes », CVFE - Publications, http://www.cvfe.be/sites/default/files/doc/ep-2018-6-du_sud_au_nord._impacts_de_la_mondialisation.pdf

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