Anthony Fenton, Emma Poling, The Breach, premier août 2023
Traduction, Alexandra Cyr

Le Canada a acheté trois avions de plus à une compagnie contrôlée par la famille royale d’Arabie saoudite. C’est ce qu’a annoncé la semaine dernière Mme Anita Anand alors ministre de la défense.

Le 25 juillet dernier, le cabinet de Mme Anand a publié un communiqué de presse annonçant l’achat de trois avions A330-200 usagés, au prix de 150 millions de dollars, à la compagnie AirFinance Corporation (AIFC). L’été dernier le Canada avait déjà acheté deux autres avions à cette même compagnie. Ils vont remplacer les CC-150 Polaris de la flotte aérienne royale du Canada. La nouvelle flotte formée de ces Airbus, va servir aux déplacements du Premier ministre, de la Gouverneure générale et à d’autres usages.

AIFC, basée à Dubaï, est connue pour être un fond d’investissement écran pour la famille royale saoudienne qui la contrôle via une assemblage complexe de propriétés et d’influence. Les avions dont il est question ici avaient d’abord été loués à Kuwait Aiways.

Mme Anand explique que le Canada a besoin de ces avions parce que les États dictatoriaux sont, en ce moment, une menace pour le monde : « Comme les régimes autocratiques menacent les règles de l’ordre international, il est urgent que nous modernisions les équipements de la Force aérienne royale du Canada pour soutenir le Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et le Commandement de la défense de l’espace aérien de l’Amérique du nord (NORAD), selon ce qu’on a rapporté la semaine dernière. L’annonce du gouvernement ne faisait pas mention des liens d’AIFC avec la famille royale saoudienne.

Un des pires abuseurs des droits humains

Mme Heather McPherson, députée N.P.D. et critique en affaires étrangères pour son parti s’est déclarée, : « Absolument enragée », dans une entrevue qu’elle a donnée à The Breach mardi : « C’est un régime qui a assassiné un journaliste à la tronçonneuse » rappelant le meurtre de Jamal Khashoggi en 2018, que les agences de renseignement américaines ont assuré avoir été approuvé par le Prince héritier, Mohamed ben Salman. Pour Mme McPherson : « Le gouvernement persiste à trouver des justifications pour son soutien financier à un pays qui transforme ses propres citoyens.nes en victimes, qui ne respecte pas les droits humains dont ceux des femmes. Nous devons nous opposer. Nous ne devrions rien faire qui bénéficie à ces régimes qui sont préjudiciables à leur propre peuple. L’Arabie saoudite est un des pires abuseurs des droits humains ».

Le Canada continue faire des affaires avec l’Arabie saoudite à la hauteur de milliards de dollars. Ce royaume réprime ses critiques en le jetant en prison tout comme les militants.es qui défendent les droits humains. Il est aussi à la tête de la coalition qui fait la guerre au Yémen, guerre qui fait des centaines de milliers de morts.

Récemment, The Breach a révélé que le Canada avait fourni à l’Arabie saoudite des véhicules blindés légers semblables à ceux qui ont été vus en opération au Yémen. Une autre de nos investigations a mis au jour que le Canada a des motifs non avoués pour armer le Royaume soit l’accès au pétrole et des facilités pour les entreprises canadiennes.

Par courriel, un porte-parole du Ministère de la défense a déclaré à The Breach que plus tard, le Ministère des services publics et des approvisionnements répondrait aux questions au sujet des nouveaux avions. Ce Ministère a publié une déclaration écrite qui ne répondait pas à nos questions.

Un des frères princiers saoudiens contrôle AIFC avec une organisation labyrinthique

AIFC est enregistré aux Iles Caïman et ses propriétaires ne sont pas déclarés. Mais, selon des rapports du Wall Street Journal et de la publication Intelligence Online, la compagnie partagerait sa direction et son personnel avec Quantum, une banque basée à Dubaï et propriété de Tharawat.

Tharawat est un élément central des affaires de la famille royale saoudienne. Elle est la propriété totale du Prince Turki ben Salman le plus jeune frère du prince héritier qui supervise leur empire très étendu mais secret. Selon le Wall Street Journal : en pratique, le Prince héritier contrôle et bénéficie des affaires de Tharawat ». Tharawat est un fond d’investissement dans l’immobilier, la technique, l’agriculture, les équipements militaires et la transplantation d’organes. Intelligence Online la soupçonne de profiter des contrats de défense liés à la guerre menée par le Royaume au Yémen.

Ce prince saoudien a aussi des liens dans une seconde compagnie impliquée dans l’achat canadien

Tharawat a acquis ses parts dans Quantum en 2014, quelques mois seulement avant la création de AIFC. Une cérémonie de signature a eu lieu à Londres en juin 2014 pour formaliser le nouveau rôle de la compagnie comme loueur des avions du géant européen Airbus. Elle était présidée par le prince Turki ben Salman. Airbus est aussi lourdement impliqué dans le projet canadien de rajeunissement de sa flotte aérienne. Elle va transformer les avions usagés de AIFC et fournir au Canada quatre nouveaux appareils pour la somme de 3 milliards 600 millions de dollars.