Édition du 11 novembre 2025

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Analyse politique

Les États-Unis : de la démocratie à la « démocrature » ?

C’est la question que l’on peut se poser devant la montée brutale de l’autoritarisme trumpiste chez nos voisins américains. Comment définir le terme « démocrature » ? On peut davantage la décrire que la qualifier, mais pour mieux comprendre la montée de ce phénomène, on pourrait avancer qu’on est en présence du recours de plus en plus fréquent par Trump et ses affidés de mesures autoritaires et arbitraires pour imposer leur idéologie réactionnaire, tant sur les plans social que politique. Sur le plan international, on assiste à la tentative de revigorer l’impérialisme américain. Alors que le prédécesseur démocrate de Donald Trump, Joe Biden, procédait de manière plus feutrée, Trump fonce comme un taureau sur ses cibles de prédilection : la « gauche radicale », les « antifas », les wokes, les criminels, les immigrants illégaux, tous mis dans le même panier. Bref, sus à l’ennemi de l’intérieur !

Ùn des signes les plus inquiétants de cette fuite en avant est l’utilisation de l’armée pour intimider l’opposition politique dans les zones démocrates, en particulier à Chicago et à New-York. Non que l’armée tente de se substituer à la police dans les tâches du maintien de l’ordre et de la répression de la criminalité (du moins, pas encore),mais la rumeur veut que plusieurs officiers de haut rang se situent à l’extrême-droite, dans la lignée trumpiste. Par ailleurs, Trump a beaucoup fait depuis son accession au pouvoir pour truffer l’appareil d’État de ses créatures idéologiques.

À ma connaissance, c’est la première fois qu’un président utilise l’armée de manière aussi partisane contre ses propres concitoyens et concitoyennes, ce qui indique une mentalité très répressive, à la limite prête à se lancer dans une guerre civile. Certes, des groupes de défense des droits réagissent et entament des procédures devant les tribunaux pour contrer les mesures répressives trumpistes, mais ils ont affaire à un adversaire particulièrement coriace qui bafoue la légalité lorsqu’elle contrarie ses projets. Depuis les neuf mois qu’il occupe la présidence, Trump a plus fait pour affaiblir la démocratie américaine que n’importe lequel de ses prédécesseurs, aidé en cela par l’étonnante et affligeante veulerie de la majorité républicaine au Congrès et de divers secteurs de la société américaine. Même à l’étranger, dans l’Union européenne par exemple, on évite en général de le heurter trop directement. Pour leur part, les démocrates, depuis la déconfiture de Kamala Harris, se cherchent et donnent l’impression d’être à la dérive, de ne plus trop savoir de quel côté se tourner.

Il subsiste toutefois des motifs d’espoir, même modestes. Tout d’abord, si Trump presse le pas dans l’imposition de ses obsessions réactionnaires, c’est parce qu’il sait que le temps lui est compté. La structuration libéralo-électorale du système politique américain lui impose certaines limites. Il en est à son second et dernier mandat comme président. Il ne peut enfreindre cette règle d’alternance sans déclencher une crise constitutionnelle majeure dont il ne sortirait certainement pas vainqueur. La meilleure stratégie pour assurer la pérennité de la culture politique autoritariste qu’il incarne consiste plutôt à à miser comme successeur sur un « poulain », un adepte en quelque sorte.

Le pays a beau être très polarisé par les temps qui courent, il ne se trouve pas au bord de la guerre civile, et cela pour une bonne raison : l’électorat dispose encore du droit de vote, susceptible de lui permettre d’imposer un changement d’orientation à la tête de l’État. Il suffirait à une part substantielle d’électeurs et d’électrices d’envoyer une majorité de démocrates au Congrès au scrutin de mi-mandat, et surtout d’élire un autre président. Le droit de vote est une condition nécessaire pour qu’on puisse parler de démocratie, en dépit du fait qu’il n’est pas suffisant. Mais même une simple majorité démocrate au Congrès, pourvu qu’elle compte suffisamment de progressistes, suffirait sans doute à ralentir l’élan réactionnaire trumpiste.

Reconquérir la présidence s’avère cependant beaucoup plus problématique pour les démocrates, vu l’absence apparente d’un candidat crédible à l’échelle nationale dans leurs rangs. Seule une présidence démocrate, même modérément progressiste, pourrait enfin permettre de sortir le pays du marasme trumpiste. Ce serait tout un contraste !

Trump joue des muscles pour intimider ses adversaires mais on voit mal comment son système ultra-conservateur pourrait lui survivre à long, ou même à moyen terme. Il se livre par conséquent à un jeu dangereux qui va de la violence verbale au déploiement de la force militaire, mais ces mesures tournent à vide. Des dérapages majeurs sont toujours possibles avant le grand rendez-vous des prochaines présidentielles, mais quoi qu’on en dise, la Constitution américaine a prévu des garde-fous pour limiter les abus de pouvoir et dont Trump doit tenir compte, du moins jusqu’à un certain point. Cependant d’ici là, il faudra lui tenir tête et pas juste aux États-Unis. C’est d’autant plus crucial que même s’il sait que son rêve ne se concrétisera jamais, Trump évoque encore de temps à autre sa lubie de transformer le Canada en 51ème État américain...,

Jean-François Delisle

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