Édition du 12 mars 2024

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Afrique

Les crimes de la Belgique coloniale au Congo. Devoir de mémoire

Grâce aux mobilisations Black Lives Matter qui ont lieu à l’échelle internationale contre le racisme en général, et la négrophobie en particulier, de plus en plus de personnes cherchent à connaître la vérité sur le passé ténébreux des puissances coloniales et la continuité néo-coloniale dans les temps présents. Des statues de personnages emblématiques du colonialisme européen sont déboulonnées ou font l’objet de dénonciations salutaires. Il en va de même avec des statues de personnages qui aux États-Unis symbolisent l’esclavage et le racisme. Le CADTM se réjouit de toutes les initiatives et de toutes les actions qui visent à dénoncer les crimes coloniaux, cherchent à établir la vérité sur les atrocités passées, mettent en évidence les instruments de néo-colonialisme et toutes les formes de résistance du passé jusqu’à aujourd’hui. Nous republions ici un texte d’Eric Toussaint qui a servi en 2007 d’exposé à une conférence puis de préface à un livre intitulé Promenade au Congo. Petit guide anticolonial de Belgique publié en 2010 et épuisé depuis.

Tiré du site du CADTM.

En premier lieu, je voudrais aborder la question du contexte historique dans lequel le Congo devient un Etat soumis à la Belgique par l’intermédiaire de son roi, Léopold II. Ensuite, j’analyserai une série d’éléments sur l’exploitation du Congo.

La démarche du CADTM, qui co-organise cette activité avec différentes associations liégeoises, se situe dans le cours et le moyen terme. Il s’agit de lancer un débat absolument nécessaire sur la mémoire, sur le rôle de la Belgique, très concret, à l’égard du peuple congolais, de la fin du 19e siècle jusqu’à aujourd’hui.

Ce soir, nous allons aborder la période du Congo soumis à Léopold II (1885-1908). L’idée est d’organiser une série d’activités dans les huit ou neuf mois qui viennent pour décrire la situation jusqu’à aujourd’hui. Après cette soirée, nous aborderons la période 1908 à 1960 quand le Congo passe de Léopold II à la Belgique, l’indépendance du Congo en 1960, les circonstances de cette indépendance, l’assassinat du premier ministre congolais Patrice Lumumba, le rôle de la Belgique dans le soutien et dans l’organisation de cet assassinat, son soutien à la dictature de Mobutu ; la fin du régime de Mobutu et la période ouverte par la fin de Mobutu, c’est-à-dire, la période actuelle qui s’étale sur dix ans, de 1997 à 2007.

Nous pensons convoquer des activités non seulement à Liège mais à Bruxelles, à Mons, à Ostende et dans d’autres villes, parce que ce pays est empli de symboles qui renvoient à la période de Léopold II. Des symboles qui, pour la plupart, comme la plaque de bronze de l’hôtel de ville de Liège, ont été construits, créés dans les années 1930, dans un contexte bien précis : il fallait faire oublier les atrocités de l’époque léopoldienne.

En effet, au début du 20e siècle, dans le cadre d’une campagne internationale de protestation contre les crimes dont se rendait coupable le régime de Léopold II au Congo, une période d’opprobre frappe Léopold II. Puis, on enregistre au cours des années 1930, une sorte de réhabilitation de Léopold II : on érige des statues équestres de Léopold II et on inaugure des plaques « commémoratives » dans une série de lieux publics extrêmement importants au niveau de la mémoire, comme le hall de l’hôtel de ville de Liège.

Nous voulons aborder d’une manière tout à fait critique, avec un parti pris de mise en cause, ces aspects de l’Histoire de manière à ce que la Belgique assure réellement un devoir de mémoire, une obligation de mémoire. Comme le disait José Mukadi qui a introduit cette soirée, des débats ont agité en Belgique, dans les huit derniers mois, sur la question de savoir s’il fallait permettre à un nouvel élu municipal de siéger dans un conseil communal alors qu’il niait le génocide arménien du début du 20e siècle. Par contre, le silence est de mise lorsqu’il s’agit des actions du Roi des Belges au Congo de la fin du 19e siècle au début du 20e siècle. Il y a là une mémoire tout à fait sélective des mandataires politiques belges, de la presse, de certains professeurs d’université. Notre rôle consiste à réintroduire dans le débat, dans les questions de société, la responsabilité de la Belgique à l’égard du peuple congolais.

Il s’agit d’un travail qui s’étendra sur plusieurs mois. Nous convoquerons, avec d’autres organisations, une journée d’étude à Bruxelles où nous ferons appel à une série d’historiens en leur donnant le temps d’exposer les faits et de débattre. Je précise que moi-même, je ne suis pas docteur en histoire, je suis historien de l’école normale de Jonfosse et docteur en Sciences politiques de l’université de Liège et de l’université de Paris VIII.

Mise en perspective historique de la colonisation du Congo

A la fin du 18e siècle, soit plus d’un siècle avant le démarrage de la colonisation léopoldienne du Congo, les 13 colonies britanniques d’Amérique du Nord, suite à une guerre d’indépendance, se libèrent de la couronne britannique. La Grande-Bretagne, dans une autre partie de la planète, renforçait son emprise, en imposant la colonisation de l’Asie du Sud, l’Inde au sens large, de la fin du 18e siècle jusqu’au milieu du 20e siècle (voir la deuxième partie de cet article). De leur côté, les Hollandais renforçaient leur domination sur l’Indonésie. Ceux qui luttaient pour la libération, pour la suppression des colonies, ne se limitaient pas aux descendants européens - récemment immigrés - qui ont obtenu l’indépendance des 13 colonies britanniques d’Amérique du Nord pour fonder ensemble, en 1776, les Etats-Unis d’Amérique du Nord. Un peuple extrêmement courageux, un peuple noir descendant direct d’Africains, le peuple d’Haïti, conquiert aussi son indépendance en 1804 contre la domination française. Au cours des vingt années suivantes, des guerres d’indépendance sont livrées en Amérique Latine. Elles sont dirigées par des personnes comme Simon Bolivar qui va défaire, en plusieurs batailles, les troupes espagnoles qui dominent une grande partie de l’Amérique Latine.

Je mentionne tout cela parce que, à la fin du 18e siècle et au début du 19e siècle, alors que toute une série de pays conquièrent leur indépendance aux Amériques, l’Afrique subsaharienne est encore largement non colonisée par les Européens. Cela ne l’empêche pas d’avoir subi les effets de la colonisation des autres continents par le biais du commerce triangulaire et de la traite des Noirs. Plusieurs dizaines de millions d’Africains sont réduits en esclavage et transportés de force aux Amériques entre le 17e siècle et le milieu du 19e siècle.

C’est dans le quatrième quart du 19e siècle que l’Afrique subsaharienne tombe complètement sous le joug colonial des pays européens : Grande-Bretagne, France, Portugal, Allemagne, Belgique ... principalement.

Léopold II, deuxième roi des Belges, cherche à doter son pays d’une colonie

Léopold II envisage de coloniser une partie de l’Argentine, puis il se tourne vers les Philippines et il en demande le prix aux Espagnols. Ce prix est trop élevé, il ne peut pas le payer. Finalement, il jette son dévolu sur l’immense bassin du fleuve Congo. Pour ce faire, il utilisera la ruse afin de ne pas entrer en conflit avec les grandes puissances européennes qui sont déjà, elles, d’importantes puissances coloniales et qui auraient les moyens de réduire à néant les ambitions coloniales de la Belgique, venue tardivement réclamer sa part du gâteau.

Avant de devenir roi, Léopold II avait parcouru une partie importante du monde colonial : Ceylan, l’Inde, la Birmanie, l’Indonésie. Il tomba en admiration au cours de ses voyages devant les méthodes des Pays-Bas à Java en Indonésie.

Java était pour lui le modèle à suivre et c’est ce qu’il appliquera lors de sa colonisation au Congo. Le modèle javanais reposait sur la main d’œuvre forcée.

Au 19e siècle, les arguments utilisés par les Européens pour coloniser l’Afrique et l’Asie étaient principalement les suivants :
christianiser les païens ;

 apporter à tout le monde les bénéfices du libre commerce (cela reste très actuel...)

 et, dans le cas de l’Afrique subsaharienne, en finir avec la traite des esclaves par les Arabes.

A partir de 1865, quand Léopold II accède au trône, il entreprend de nombreuses initiatives pour doter la Belgique d’une colonie.

Par exemple, en 1876, il organise au palais royal une conférence géographique internationale. Selon lui, l’objectif - et c’est cohérent par rapport au prétexte qui était utilisé à l’époque - est : « Ouvrir à la civilisation la seule partie de notre globe où elle n’ait point encore pénétré, percer les ténèbres qui enveloppent des populations entières, c’est, j’ose le dire, une croisade digne de ce siècle de progrès. (...) Il m’a paru que la Belgique, État central et neutre, serait un terrain bien choisi pour une telle réunion. (...) Ai-je besoin de vous dire qu’en vous conviant à Bruxelles, je n’ai pas été guidé par des vues égoïstes ? Non, Messieurs, si la Belgique est petite, elle est heureuse et satisfaite de son sort ; je n’ai d’autre ambition que de la bien servir. ». Et il explique qu’avec cette société internationale de géographie où il a convoqué une série de grands explorateurs, il s’agira de construire des routes à ouvrir successivement vers l’intérieur et des stations hospitalières, scientifiques et pacificatrices qui constitueront autant de moyens d’abolir l’esclavage, d’établir la concorde entre les chefs, de leur procurer des arbitres justes, désintéressés. Cela, c’est le discours officiel.

Très peu de temps après, il embauche l’explorateur Stanley qui venait de traverser l’Afrique d’est en ouest en suivant le fleuve Congo jusqu’à son embouchure.

La conférence de Berlin de 1885 et la création de l’Etat indépendant du Congo

En 1885, après de multiples manœuvres diplomatiques, Léopold II obtient à Berlin l’autorisation de créer un État indépendant du Congo. Le chancelier Bismarck dit en clôture de la conférence de Berlin en février 1885 : « Le nouvel État du Congo est destiné à être un des plus importants exécutants de l’œuvre que nous entendons accomplir, et j’exprime mes meilleurs voeux pour son développement rapide et pour la réalisation des nobles desseins de son illustre créateur. »

Parallèlement à ses discours dans les grandes conférences, Léopold II tient un autre type de propos : les documents qu’il envoie à ceux qu’il délègue dans l’État indépendant du Congo pour le mettre en valeur, ou les déclarations qu’il fait à la presse. Par exemple, le 11 décembre 1906, paraît une interview au journal new-yorkais Publisher’s Press où il dit - je le cite et ayons à l’esprit que nous sommes en 1906, plus de vingt ans après la conférence de Berlin : « Quand on traite une race composée de cannibales depuis des milliers d’années, il est nécessaire d’utiliser des méthodes qui secoueront au mieux leur paresse et leur feront comprendre l’aspect sain du travail ».

Dès le moment où, en 1885, Léopold II peut créer de toutes pièces l’État indépendant du Congo qui est SON État personnel, il prend un premier décret fondamental : toutes les terres considérées vacantes deviennent propriété de l’État. Il s’approprie les terres alors que l’objectif de l’État indépendant du Congo était de permettre aux chefs congolais de s’entendre et de se défendre par rapport aux Arabes qui les réduisaient en esclavage. En réalité, il passe une série de traités, via Stanley, avec une série de chefs coutumiers du Congo, par lesquels ces chefs coutumiers transfèrent la propriété des terres de leurs villages ou de leurs domaines au chef de l’État indépendant du Congo, Léopold II. Les autres terres, un immense territoire, sont déclarées vacantes et deviennent donc aussi la propriété de l’État indépendant du Congo.

Le modèle javanais appliqué par la Belgique de Léopold II au Congo

C’est alors que Léopold II applique le modèle de l’exploitation hollandaise de Java : il exploite systématiquement la population qu’il réussit à dominer notamment par la création de la Force publique, en exigeant de cette population qu’elle récolte du latex (du caoutchouc naturel), des défenses d’éléphants, et qu’elle fournisse la nourriture nécessaire aux besoins des colons. Le roi s’octroie un monopole sur à peu près toutes les activités et les richesses du Congo. Son modèle implique une récolte maximale des richesses naturelles du Congo par des moyens qui n’ont rien à voir avec des méthodes directement modernes de production industrielle. Non, il s’agit de forcer la population congolaise à récolter le latex pour ramener obligatoirement une certaine quantité par tête, à chasser pour ramener d’énormes quantités de défenses d’éléphants. Léopold II entretient une force coloniale dotée d’une armée principalement composée de Congolais et commandée entièrement par des Belges, pour imposer le respect de l’ordre colonial et le respect des obligations de rendement. Il utilisera systématiquement des méthodes d’une absolue brutalité. Par tête d’habitant, il fallait ramener tant de caoutchouc. Pour forcer les chefs de villages et les hommes à partir à la cueillette, on emprisonnait leurs femmes dans des camps de concentration où elles étaient régulièrement soumises à des sévices sexuels de la part des colons ou des Congolais de la Force publique. Si l’on n’obtenait pas les résultats et les quantités obligatoires, on tuait pour faire des « exemples », ou on mutilait. Des photos de l’époque montrent des personnes victimes de ces mutilations, qui avaient un sens tout à fait précis. Les soldats de la Force publique devaient faire la preuve qu’ils avaient utilisé chaque cartouche à bon escient : ils devaient donc ramener une main coupée pour prouver que la cartouche avait bien servi à tuer un Congolais.

La vision, la politique de Léopold II, roi des Belges et représentant des intérêts de la Belgique, du peuple belge, correspondait donc à un mode de colonisation extrêmement brutal. Il dit d’ailleurs à propos du modèle de colonisation : « Soutenir que tout ce que le blanc fera produire au pays doit être dépensé uniquement en Afrique et au profit des noirs est une véritable hérésie, une injustice et une faute qui, si elle pouvait se traduire en fait, arrêterait net la marche de la civilisation au Congo. L’Etat qui n’a pu devenir un Etat qu’avec l’actif concours des blancs, doit être utile aux deux races et faire à chacune sa juste part. »

Manifestement la part qui revient au Congolais, c’est le travail forcé, la chicote et les mains coupées.

Sur la question de l’exploitation sauvage du caoutchouc, je donnerai seulement quelques chiffres : l’exploitation du caoutchouc commence en 1893 et est liée aux besoins en pneumatiques de l’industrie automobile naissante et du développement de la bicyclette. On produit 33.000 kilos de caoutchouc en 1895, on en récolte 50.000 kilos en 1896, 278.000 kilos en 1897, 508.000 kilos en 1898... Les récoltes absolument énormes vont donc rapporter des bénéfices extraordinaires aux sociétés privées que Léopold II a créées, et dont il est l’actionnaire principal, pour gérer des affaires de l’État indépendant du Congo. Le prix du kilo de caoutchouc à l’embouchure du fleuve Congo est de 60 fois inférieur au prix de vente en Belgique. Cela rappelle aussi des choses très actuelles avec les diamants ou le coltan collectés aujourd’hui.

La campagne internationale contre les crimes de la Belgique de Léopold II au Congo

Cette politique a finalement donné naissance à une immense campagne internationale contre les crimes perpétrés par le régime léopoldien. Ce sont des pasteurs noirs des Etats-Unis qui s’insurgent contre cet état de chose, puis le fameux Morel. Celui-ci travaille pour une société britannique à Liverpool et est amené à voyager régulièrement à Anvers. Il fait le constat suivant : alors que Léopold II prétend que la Belgique fait des échanges commerciaux avec l’État indépendant du Congo, les bateaux ramènent du Congo des défenses d’éléphants, des milliers de kilos de caoutchouc, et ne repartent qu’avec des armes, essentiellement, et des aliments pour la force coloniale. Morel pense qu’il s’agit là d’un bien drôle de commerce, d’un bien drôle d’échange. Les Belges de l’époque qui soutenaient Léopold II ne reconnurent jamais cette réalité. Ils affirmèrent que Morel représentait les intérêts de l’impérialisme britannique et ne critiquait les Belges que pour prendre leur place. Paul Janson, dont le principal auditoire de l’université libre de Bruxelles, porte le nom, dira : « Je ne vais jamais critiquer l’œuvre de Léopold (il était député à la chambre) car ceux qui le critiquent notamment les Britanniques, ne le font qu’avec la politique de ôte toi de là que je m’y mette ».

Cependant, les critiques prennent de l’ampleur, avec des livres comme celui de Joseph Conrad, Au cœur des ténèbres, et Le crime du Congo belge, un livre trop méconnu de Arthur Conan Doyle, l’écrivain qui a inventé Sherlock Holmes. Une campagne internationale contre l’exploitation du Congo se traduit par des manifestations aux Etats-Unis ainsi qu’en Grande-Bretagne et finit par produire des effets. Léopold II se voit obligé de constituer une commission d’enquête internationale en 1904 qui se déplace sur place, au Congo, pour récolter des témoignages. Les témoignages que cette commission internationale récolte sont accablants. On les trouve tous sous une forme manuscrite dans les archives de l’État belge.

Aujourd’hui, le devoir de mémoire par rapport aux crimes contre l’humanité commis au Congo

Au cours des vingt dernières années, beaucoup de conférences ont été données, des livres ont été publiés pour dénoncer le type d’Etat que Léopold II, Roi des Belges, avait instauré au Congo. Bref, une ample littérature sérieuse s’est ajoutée aujourd’hui aux documents d’époque.

On y apprend par exemple que la part du budget que l’Etat indépendant du Congo destinait aux dépenses militaires oscillait bon an mal an entre 38% et 49% des dépenses totales. C’est dire l’importance de la chicotte, l’importance des fusils modernes pour instaurer une dictature utilisant systématiquement l’arme de la brutalité et des assassinats...

On peut considérer, sans risque d’erreur, que le Roi des Belges et l’Etat indépendant du Congo, qu’il dirigeait avec l’accord du gouvernement et du parlement belges de l’époque, sont responsables de « crimes contre l’humanité » commis de manière délibérée. Ces crimes ne constituent pas des bavures, ils sont le résultat direct du type d’exploitation auquel le peuple congolais était soumis. Certains auteurs, et non des moindres, ont parlé de « génocide ». Je propose de ne pas engager un débat qui se focalise sur cette question parce qu’il est difficile d’établir exactement des données chiffrées. Certains auteurs sérieux estiment que la population congolaise en 1885 atteignait 20 millions et qu’au moment où Léopold II doit transmettre à la Belgique en 1908 son Congo à la Belgique pour en faire le Congo belge, il restait 10 millions de Congolais. Ce sont des estimations d’auteurs sérieux, mais difficiles à prouver dans la mesure où il n’y avait pas de recensement de population.

Au lieu de millions de victimes, si le nombre de celles-ci s’élevait à des dizaines de milliers ou à des centaines de milliers de victimes innocentes de l’activité coloniale de Léopold II, il n’en resterait pas moins qu’il s’agit de crimes contre l’humanité et qu’il est fondamental de rétablir la vérité historique. Des citoyens, et notamment des jeunes, entrant dans le hall de l’hôtel de ville de la ville de Liège, ou allant de la rue du Trône vers la place Royale à Bruxelles, passent devant la plaque saluant l’œuvre coloniale ou devant la statue équestre de Léopold II. Des citoyens passent devant la statue de Léopold II érigée à Ostende en front de mer. Ils voient un Léopold II majestueux avec, en contrebas, des Congolais reconnaissants, tendant leurs mains reconnaissantes vers lui avec pour seul commentaire le rôle civilisateur de Léopold II pour libérer les Congolais de la traite des esclaves... Il est urgent de rétablir la vérité historique et d’arrêter de mentir à nos enfants, de mentir aux citoyens belges, d’arrêter d’insulter la mémoire des victimes, des descendants des victimes et des descendants des Congolais qui ont subi dans leur chair, dans leur dignité, une domination absolument terrible.

Ce devoir de mémoire, il doit être fait ailleurs aussi. Qu’on évite un débat du type : « vous ne faites que critiquer la Belgique et vous taisez ce qui s’est passé ailleurs ». J’ai commencé mon exposé par situer le contexte : la Grande-Bretagne a dominé de manière extrêmement brutale l’Asie du Sud ; les Pays-Bas ont dominé avec une violence extrême les populations d’Indonésie ; avant cela, on avait exterminé les trois quarts de la population de ce qu’on appelait, à ce moment-là, les Amériques et, dans le cas de la Caraïbe, on en a exterminé quasiment 100% au cours du 16e siècle. L’Etat belge n’a donc pas du tout le monopole de la brutalité, mais nous sommes en Belgique et, en tant que citoyens belges, avec nos amis congolais, avec les ressortissants des différents pays qui vivent en Belgique, il est fondamental de faire ce devoir de mémoire et de rétablir la vérité historique. Comme nous le proposons, ce peut être en démontant la plaque de bronze qui se trouve dans l’hôtel de ville et en la mettant dans un musée avec toute l’explication nécessaire. Pour le moins, ce peut être en accompagnant cette plaque d’une explication adéquate correspondant à la vérité historique sur la base de travaux scientifiques. C’est pour cela que nous demandons aux autorités communales qu’elles contribuent à rendre justice à la mémoire des citoyens du Congo et d’ici, tous citoyens du monde. C’est aussi pourquoi nous demandons la mise en place d’une commission parlementaire d’enquête sur le passé colonial de la Belgique.

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