Le ministre Arcand croit qu’il est impossible de revenir sur le passé et de « nier les droits des pétrolières et des gazières qui ont déjà « claimé » pour 61 472 km2 du territoire. » Comme le mentionne pourtant Bertrand Schepper de l’IRIS, le gouvernement peut modifier la loi, prolonger ou décréter un moratoire et simplement interdire la fracturation hydraulique comme l’a fait l’État de New York. (2) Bien sûr, les libéraux ont prévu cacher tout ce qui dépasse : le projet de loi prévoit des mesures pour « prévoir un plan de fermeture du puits et de restauration du site. (…) Il y aura aussi un nouveau processus de médiation pour les plaintes des consommateurs. » (3)
Qui paiera ?
Les fonds publics seront mis à large contribution. Ainsi le projet de loi prévoit notamment qu’en matière d’électrification des services de transport collectif, « Hydro-Québec aura un nouveau pouvoir, celui d’accorder une aide financière à un « organisme public de transport en commun, à la Caisse de dépôt et placement du Québec, ou toute autre entité offrant des services de transports collectifs. » On entend donc mettre à contribution les fonds et sociétés publics. La mise sur pied de Transition énergétique Québec, une nouvelle société dont la mission serait de soutenir, de stimuler et de promouvoir la transition, l’innovation et l’efficacité énergétiques et de coordonner la mise en œuvre de l’ensemble des programmes va aussi dans ce sens. (4) On comprend donc que, comme le principe de la socialisation des risques et la privatisation des profits nous le rappelle, les fonds publics seront largement mis à contribution dans cette politique et pourrait se substituer aux capitaux privés lorsque le risque le justifiera. Les intérêts privés n’auront qu’à s’assurer de l’exploitation de la ressource et la réalisation des profits. L’État prendra en charge les frais relatifs à l’ouverture des zones convoitées et à l’acceptabilité sociale, à faire avaler la couleuvre.
Réglementation
Les opposantEs à l’exploitation du pétrole dans le sous-sol québécois auront fort à faire pour trouver une quelconque garantie contre la fracturation hydraulique. En effet, aucune disposition n’est prévue conter cette méthode largement décriée.
Il est également prévu que les citoyenNEs devront patienter 5 ans avant de connaître la teneur des ententes conclues entre l’Etat et les entreprises exploratrices et deux années complètes avant d’en connaître un peu sur les puits effectués.
Comme la fait remarquer Lise Chartrand, porte-parole d’Ensemble pour l’avenir durable du Grand Gaspé, « C’est tout à fait paradoxal de voir justement que dans une volonté de réduction des gaz à effet de serre, on parle toujours de développer les hydrocarbures. » (5)
Patronat pour le pétrole et les ressources
Évidemment, le directeur de l’Association pétrolière et gazière du Québec, David Lefebvre, applaudit le projet de loi des libéraux qui ouvre le buffet pour l’industrie, afin de permettre d’attirer des investisseurs. « C’est difficile pour une compagnie de s’impliquer dans une juridiction où il n’y a pas une loi pour son secteur d’activité », dit-il. Comprendre qu’une légitimation et une légalisation des activités des pétrolières étaient incontournables pour ces intérêts qui sont habitués à être au-dessus des contraintes citoyennes. Il en est de même pour l’Association de l’exploration minière du Québec qui « salue l’initiative du gouvernement du Québec de déposer un projet de loi à propos de la Politique énergétique, accélérant ainsi la transition vers l’utilisation d’énergies vertes et renouvelables.” ?6) Le Conseil patronal de l’environnement du Québec y va de propos semblables (7) tout comme la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (8) On se demande bien en quoi le « free for all » libéral en matière d’exploration pétrolière et gazière va contribuer à l’utilisation d’énergies vertes et renouvelables. Mystère...
L’opposition confrontée
Le dépôt de ce projet de loi est une véritable insulte au visage de l’opposition au développement de la filière des énergies fossiles. Face aux incohérences de la politique du PLQ, Francine Pelletier affirme avec raison que « faisant semblant de ne voir aucune contradiction entre cette appropriation grossière et la transition aux énergies renouvelables, le gouvernement en remet en précisant que les compagnies ont un « droit réel » sur un terrain convoité, en plus du droit aux ressources qui y seraient enfouies. En d’autres mots, le fameux « click and claim » qui, depuis 1880, tient lieu de développement du territoire, sévira non seulement aujourd’hui, mais dans l’avenir rapproché, puisque la politique gouvernementale a comme horizon 2030. On plante son poteau pour quelques sous, comme dit Richard Desjardins dans Trou Story, et, bingo !, la terre et son sous-sol vous appartiennent. » (9) Elle souligne avec raison que le Québec est le cancre du Canada avec un taux moyen de redevance de l’ordre de 1,5% alors qu’il est de 4,5% ailleurs au Canada. (10)
Les groupes écologistes ont bien compris la nouvelle offensive du gouvernement Couillard. « Produire davantage de pétrole et de gaz menacera notre environnement, envenimera la crise climatique, ira à l’encontre de l’Accord de Paris et nous éloignera de l’atteinte des objectifs de réduction de gaz à effet de serre du Québec », a affirmé Catherine Huard, directrice des communications de la Fondation Rivières. Le Réseau Vigilance Hydrocarbures du Québec ajoute que l’étude environnementale stratégique sur la filière des hydrocarbures a conclu que l’exploitation du pétrole et du gaz « apparaît [...] difficilement conciliable avec les objectifs du Québec en matière de lutte contre les changements climatiques ». Jacques Tétrault du RVHQ déclare que « les citoyens en ont ras le bol de cette insistance de leur gouvernement à leur enfoncer dans la gorge des projets dont ils ne veulent pas tout en se gargarisant de discours sur l’acceptabilité sociale. Il faut s’attendre à du jamais vu en termes d’opposition. » (11)
Il le faudra bien, car comme le souligne avec raison l’article de Bernard Rioux publié cette semaine sur ce site à propos du livre de Pierre Dardot et de Christian Laval « Ce cauchemar qui n’en finit pas », la démocratie en société néolibérale se résume à choisir celui qui va fourrer le peuple et lui imposer avec un minimum de « dommages collatéraux » la politique de l’oligarchie qui dans ce cas-ci souhaite la réalisation du potentiel de profitabilité des ressources du sous-sol québécois en termes d’énergie fossile, pétrole et gaz compris. En bref, les libéraux vont tenter de nous enfoncer dans la gorge ce projet façonné pour répondre aux impératifs du lobby des énergies fossiles, pipeline inclus. D’ailleurs le projet de loi « modifie la Loi sur la Régie de l’énergie afin de favoriser le recours à la médiation dans le cadre de la procédure d’examen des plaintes des consommateurs et de prévoir la possibilité pour la Régie de tenir des séances d’information et de consultation publiques. » (12) Doit-on voir dans cette mesure une façon de contourner le BAPE qui est l’organisme qui étudie les impacts d’un projet sur les communautés, qui reçoit les plaintes des citoyenNEs ? Une façon de rendre encore plus difficile la contestation populaire ?
Notes
2- http://www.journaldemontreal.com/2016/06/09/petrole-uber--quand-letat-saplatit
4- http://www.mediaterre.org/actu,20160608131455,16.html
5- ibid
7- http://www.lelezard.com/communique-10476052.html
9- http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/473394/plus-ca-change
10- ibid
12- ibid