Édition du 16 avril 2024

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Québec

Les pics de la honte : pour qui ?

Nous avons eu droit à toute une démonstration de mauvais jeu de théâtre la semaine dernière lorsque nos élites se sont répandues en larmes de crocodiles au sujet des « pics de la honte ». Le propriétaire d’un édifice du centre-ville de Montréal a recours à une installation pour inciter les sans-abris à ne pas s’attrouper autour de la bâtisse. Des gens s’indignent avec raison de ce geste. Toutes les élites s’entendent pour dénoncer cette situation... pour laquelle ils sont tous responsables et ont refusé d’agir lorsqu’ils en avaient la possibilité. Cachez de geste de profilage sociale que je ne saurais voir.

Il règne une espèce d’hypocrisie autour de la question de l’itinérance. Ce fut un moment donné le règne de l’apitoiement sur ces « clochardEs » victimes innocentes de problèmes de santé mentale, de dépendances de toutes sortes, de pauvres gens frappés par la malchance. Ils devaient recevoir des traitements et la solution à l’itinérance était un accès à des soins. Mais de plus en plus, nous découvrons une nouvelle génération d’itinérantEs, victimes de la crise et de la précarité, des salaires qui ne correspondent pas au coût de la vie, des salariéEs qui malgré un emploi doivent faire appel aux banques alimentaires, des gens qui ont un toit au-dessus de la tête mais dans un appartement insalubre qui coûte pourtant la peau des fesses. Des jeunes rejetés par des parents abuseurs. Le tableau est de moins en moins « santé » et de plus en plus « social ». Les politiques néolibérales auxquelles se sont adonnées nos élites, le maire Coderre avec les libéraux fédéraux, qui ont coupé les transferts en santé aux provinces, les péquistes du déficit zéro de Bouchard et Landry ou les libéraux corrompus de Jean Charest y ont tous contribué.

Le maire Coderre nous fait son show de boucane en forçant le propriétaire de l’édifice concerné à retirer l’installation fautive. Une épine dans le pied de moins. Toutefois le maire de Montréal omet de préciser que la Ville de Montréal a obtenu peu de résultats dans sa lutte contre l’itinérance. Le profilage social a encore cours dans la métropole (voir « Profilage social et judiciarisation : Portrait des recours, des abus policiers et autres agentEs en situation d’autorité » : http://www.rapsim.org/fr/default.aspx?sortcode=1.0&id_article=723&starting=&ending=). Les banques alimentaires crient famine et font face à des hausses des demandes. Les organismes d’hébergement sont sous-financés. Le Plan de la Ville de Montréal adopté en 2010 (http://ville.montreal.qc.ca/portal/page?_pageid=5798,42657625&_dad=portal&_schema=PORTAL&id=18461) n’a pas porté les fruits anticipés : la situation est tout aussi déplorable qu’avant la mise en œuvre de cette stratégie.

Jean-François Lisée du PQ nous fait une démonstration de novlangue alors qu’il blâme les libéraux pour la situation (http://fr.canoe.ca/infos/quebeccanada/politiqueprovinciale/archives/2014/06/20140610-193002.html) bien que son parti vient tout juste d’être éjecté du pouvoir , qu’il avait auparavant la possibilité d’agir et qu’il a tout de même refusé de concrétiser ses engagements en faveur d’une politique nationale de lutte à l’itinérance lors du dernier budget péquiste, préférant sacrifier cette lutte à celle du déficit zéro.

Le PLQ n’a de toute évidence rien à cirer de la situation alors que toute son attention va à la lutte pour le déficit zéro et le remboursement de la dette, quitte à ce que cette orientation aggrave le problème avec son lot de coupures budgétaires et d’abolitions de programmes. Il va relancer le Plan nord afin de satisfaire l’appétit des multinationales, soutenir les projets de transport du pétrole sale de l’Alberta et privatiser le maximum de services publics, notamment en santé. Alors la lutte à l’itinérance...

Les organismes de lutte à l’itinérance ont adopté une stratégie qui mêle lobbying et concertation avec les organismes et instances gouvernementales. Dans la pratique, ils sont davantage portés sur les rencontres dans les cabinets de ministres que dans les démonstrations de rue. Certaines activités comme la Nuit des sans abris n’ont pas la portée que devraient avoir des activités de mobilisation contre une situation inhumaine. Le rapport de force presqu’inexistant conduit la lutte à l’itinérance à faire du sur-place. On obtient quelques concessions qui n’ont presqu’aucune portée réelle sur la situation qui continue de se dégrader dans la rue.

La lutte à l’itinérance doit dépasser l’indignation. Elle ne doit pas se résumer à une « gestion » de ses effets par les institutions. Elle doit s’attaquer aux racines du problème. Elle doit questionner ceux et celles qui, politicienNEs, policiers, commercantEs, entrepreneurEs façonnent notre société quotidiennement avec leurs décisions sur leurs responsabilités dans ce domaine. Elle ne doit connaître aucun répit tant et aussi longtemps qu’une seule personne ne disposera pas des moyens pour s’assurer d’un toit au-dessus de sa tête et des moyens de subvenir à ses besoins de base. En laissant les personnages de l’oligarchie se faire du capital politique au dépend de cette situation, on ne fait rien avancer sinon leur carrière.

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