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Environnement

Lettre aux maires, aux conseillers et aux directeurs généraux des municipalités de la MRC de Lotbinière

Des citoyen-ne-s de Lotbinière se sont mobilisé-e-s à Saint-Antoine-de-Tilly dimanche dernier afin d’exiger des amendements à la loi sur les hydrocarbures du gouvernement Couillard. Le 6 décembre prochain, une pétition de plus de 25 000 signatures sera déposée. Voici copie de la lettre qu’adressait les manifestant-e-s aux élu-e-s de la région.

Le 16 novembre 2017

Lettre aux maires, aux conseillers et aux directeurs généraux des municipalités de la MRC de Lotbinière

Objet : Prise de position sur le gaz de schiste et la fracturation hydraulique avant l’adoption des règlements de mise en œuvre de la Loi sur les hydrocarbures

Madame, Monsieur,

C’est avec un sentiment d’urgence exceptionnel que nous vous écrivons aujourd’hui et vous prions d’accorder votre attention à nos demandes.

Le dossier

Le 10 décembre 2016, le gouvernement a adopté sous le bâillon la Loi sur les hydrocarbures. Le 20 septembre 2017, le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles a publié les projets de règlements qui permettront la mise en vigueur de cette loi. Il acceptera les commentaires des personnes, des groupes et des organismes jusqu’au samedi 9 décembre 2017.

L’entrée en vigueur de la Loi sur les hydrocarbures et de ses divers règlements permettrait des forages avec fracturation hydraulique :

 à 40 mètres de la voie navigable du fleuve Saint-Laurent,

 à 40 mètres des chemins publics,

 à 150 mètres d’une maison isolée et 175 mètres d’un village,

 à 275 mètres d’un hôpital, d’une école, d’une garderie ou d’un site patrimonial,

 à 500 mètres de nos réserves d’eau potable, sous les maisons, les bâtiments, les villages et jusqu’à 20 mètres du fleuve.

De plus, la Loi sur les hydrocarbures considère les « claims » comme des droits réels immobiliers et donne aux gazières le droit de faire exproprier les propriétaires des terrains en surface. Selon cette loi, après la fermeture des puits, l’État – donc la population – devient responsable de leur entretien.

Le ministre Moreau et le premier ministre Couillard se montrent rassurants en promettant aux municipalités de leur permettre d’exclure certaines zones. C’est aussi ce qu’ils avaient dit en novembre 2016 au moment de l’étude de la Loi. Ils ont tenu promesse… sauf en ce qui concerne les territoires déjà « claimés », alors que la plus grande partie de Lotbinière est « claimée ». Quoi qu’il en soit, il est permis d’espérer qu’ils permettront d’exclure les villages, les lacs et les rivières, où les gazières ne creuseraient pas leurs puits de toute manière. Mais il est presque impossible d’imaginer qu’ils permettraient d’exclure les terres agricoles et les forêts, puisque c’est là que les forages peuvent être effectués.

Et finalement, cela ne changerait rien au fait que les forages horizontaux peuvent courir sous la terre sans restriction, sauf sous le fleuve et les grosses rivières. Questerre mentionne des forages horizontaux de 2,4 km pour son « projet pilote » dans Lotbinière ou Bécancour. Un puits pourrait donc se trouver dans la forêt alors que les forages horizontaux iraient passer sous les maisons et les terres agricoles sur 2,4 km de part et d’autre du trou de forage, avec les risques de contamination que l’on sait.

L’acceptabilité sociale

« S’il n’y a pas d’acceptabilité sociale, il n’y aura pas de projets », ont dit à tour de rôle et à répétition le premier ministre Couillard et le ministre Moreau. Même discours pour Michael Binnion, président de Questerre Energy Corporation[1] qui annonçait, fin octobre, la clôture d’une levée de fonds de 31 millions $ pour financer, entre autres, des projets pilotes dans Lotbinière ou Bécancour.

M. Binnion cherche une municipalité qui serait prête à l’accueillir et a affirmé publiquement, à l’émission RDI Économie, qu’il ne ferait pas de forages dans une communauté qui ne serait pas consentante. Il va sans dire qu’il parle de son projet-pilote. Si la loi entre en vigueur, il tiendra toute la région en otage grâce aux droits d’expropriation qu’il détiendra et pourra s’installer de plein droit sur toutes les terres claimées, que les municipalités et les propriétaires soient consentants ou non.

La MRC de Lotbinière est directement ciblée par Questerre, qui tente de se servir de nous pour faire entrer le gaz de schiste dans toute la vallée du Saint-Laurent. La MRC doit dissiper publiquement toute confusion qui pourrait exister quant à son acceptation du gaz de schiste et de la fracturation hydraulique.

Nos demandes

1. Que la MRC de Lotbinière envoie un message clair dans les médias pour dire qu’il n’y a pas d’acceptabilité sociale pour l’exploration ou l’exploitation du gaz de schiste dans la MRC et qu’elle ne veut pas de cette industrie sur son territoire.

Que dans son message, la MRC de Lotbinière insiste sur l’incompatibilité de cette industrie avec la vocation agricole, agroalimentaire et agrotouristique de la région, sur le fait que cette industrie diminuerait la valeur des propriétés et dévaloriserait le territoire à moyen terme, sur la pénurie de main d’œuvre dont la région souffre et que l’arrivée d’une nouvelle industrie ne ferait qu’amplifier ainsi que sur l’importance vitale de préserver les ressources en eau déjà insuffisantes sur le territoire. Qu’elle rappelle aussi le rapport du BAPE ayant conclu que l’exploitation du gaz de schiste et la fracturation hydraulique ne passent pas le test de l’acceptabilité sociale, et sont incompatibles avec les objectifs de développement durable de la province.

Que la MRC de Lotbinière ne se contente pas d’appuyer la résolution de la Fédération québécoise des municipalités mais demande aussi elle-même au gouvernement du Québec de retirer ses projets de règlements et de modifier sa loi pour interdire les forages et la fracturation hydraulique.

2. Que la MRC de Lotbinière effectue cette opération de presse dans les jours qui viennent afin d’influencer les décisions du gouvernement pendant qu’une certaine incertitude flotte encore. Ce dossier est une épine dans le pied du gouvernement et il faut craindre qu’il s’empresse d’adopter les règlements et de mettre la loi en vigueur très tôt après la fin de la période de commentaires (9 décembre), avant Noël, comme il l’a fait l’an dernier pour l’adoption de la loi.

3. Que la MRC écrive aussi une lettre de commentaires au ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles avant le 9 décembre, selon la procédure prescrite, où elle réitérera les positions ci-dessus, et qu’elle rende cette lettre publique.

Nous vous remercions d’avance de l’attention que vous porterez à nos demandes et nous sommes à votre disposition pour en discuter.

Veuillez agréer, Madame, Monsieur, l’expression de nos sentiments respectueux.

Irène Dupuis, porte-parole

Comité vigilance hydrocarbures de la MRC de Lotbinière,

Courriel : cvhMRClotbiniere@rvhq.ca
 

[1] Questerre est l’opérateur de la compagnie Repsol qui détient la majorité des « claims » dans la MRC.

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