Édition du 23 avril 2024

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Politique canadienne

Lock-out postal, combat moral

Le 14 juin dernier, à minuit, la Société canadienne des postes (SCP) a décidé d’envoyer plus de 45000 travailleurs à la rue. Sous prétexte de difficultés financières, bien que la SCP ne soit pas capable de les chiffrer convenablement et qu’elle soit profitable depuis plus de 15 ans, elle met volontairement en péril ce service public primordial pour bon nombre de Canadiens.

Contrairement à ce qu’elle laisse entendre au sein de différentes tribunes, la substance du conflit n’est pas salariale, mais renvoie plutôt à des questions de santé et sécurité au travail et de disparités de traitement. D’un côté, le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) soulève plusieurs problèmes quant au caractère sécuritaire d’une nouvelle méthode de livraison. De l’autre, il refuse d’entériner des propositions s’apparentant à des clauses orphelins.

À ce sujet, la dernière offre de l’employeur comportait une diminution de salaire de l’ordre de 18% pour les nouveaux employés qui pourront atteindre le premier échelon salarial actuel qu’après 7 ans de services. De plus, un régime de pension beaucoup moins avantageux et une diminution du nombre de congés annuel s’appliqueraient à eux si le STTP acquiesçait ces offres immorales. En plus d’être une simple question d’éthique syndicale, cette lutte en est une d’équité intergénérationnelle.

Au-delà de l’aspect moral de ces clauses, qu’en est-il de l’aspect légal ? La Loi sur les normes du travail du Québec est formelle. Elle interdit expressément cette disparité de traitement fondée sur la date d’embauche. En outre, un jugement du Tribunal des droits de la personne (2009) concernant la Ville de Laval et ses pompiers élargissait l’interprétation de l’interdiction des clauses orphelins en se basant sur la Charte québécoise des droits et libertés. Bien que cette décision soit présentement en appel, il nous apparaît essentiel d’en tirer les grandes lignes.

On y apprend qu’une augmentation des échelons salariaux pour atteindre le maximum conventionnel fondée exclusivement sur la date d’embauche fut jugé discriminatoire en raison de l’âge. Bien que cette politique soit objectivement neutre en théorie, on comprend que dans les faits, les nouveaux pompiers sont majoritairement plus jeunes que les anciens, ce qui occasionne indirectement un effet préjudiciable et disproportionné pour les travailleurs les plus jeunes. Notons que plusieurs principes reconnus par le droit international furent également appliqués au sein de cette décision.

À l’encontre de son vis-à-vis provincial, le Code canadien du travail ne prévoit aucune disposition à cet égard. Par contre, La Loi canadienne sur les droits de la personne, loi quasi constitutionnelle, interdit les actes discriminatoires fondées sur un motif illicite de distinction, en l’occurrence, l’âge. Les principes mentionnés ci-haut devraient donc pouvoir jouir de la même interprétation en vertu de cette loi et ainsi protéger les plus jeunes travailleurs. De surcroît, le gouvernement fédéral doit se conformer au principe de salaire égal pour un travail égal contenu dans la Déclaration universelle des Droits de l’Homme ainsi que dans la Constitution de l’Organisation Internationale du Travail. Malgré tout, la Société canadienne des postes persiste et signe en tentant tout de même d’imposer des clauses discriminatoires.

Il est primordial que le STTP et ses membres combattent ces propositions immorales et injustes afin que ces clauses de discrimination illicite soit mises au rancart. Par souci d’équité intergénérationnelle la plus élémentaire, la nouvelle génération de travailleurs doit pouvoir jouir de conditions de travail équitables et décente et ce, au même titre que leurs prédécesseurs. Au risque de me répéter : À travail égal, conditions de travail égales !

Stéphane Brassard

Facteur en lock-out / Baccalauréat en droit UQÀM

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